« Vehi Che-Amda » ou l’éternité d’Israël

Nos sages, dont le célèbre Rachi de Troyes, insistent sur le fait que la Torah n’est pas un livre d’histoire. L’Écriture va droit au but pour ne retenir principalement que les évènements clés qui font sens à l’échelle de la morale universelle, ainsi que les questions spirituelles qui sous-tendent les grands moments de l’épopée d’Israël. 

Il en va ainsi de l’esclavage en Égypte, matrice de tous les asservissements à travers l’histoire, mais aussi, heureusement, de notre Délivrance du pays des pharaons dans une apothéose de miracles divins qui façonna à tout jamais l’amour de la liberté et l’espoir d’une rédemption future.

Ainsi, notre histoire nous donne souvent l’impression de se répéter, nous faisant revivre à intervalles plus ou moins réguliers des évènements similaires.

Si nous marquons rituellement des tournants heureux de notre histoire, les tragédies, comme celles commémorées à Tich’a bé-Av, occupent aussi, hélas, une large place dans notre éphéméride religieux. Nul doute que le pogrom du 7 octobre viendra bientôt s’ajouter à la longue liste des catastrophes de notre mémoire collective. Cette attaque barbare, perpétrée sur le sol même de la Terre sainte, a connu de terribles précédents relatés dans la Bible où nous apprenons qu’aux environs de l’an 1040 avant notre ère une escouade d’Amalécites venue de Gaza a détruit le village de Ciklag dans le Néguèv, et pris des centaines de captifs ainsi qu’un riche butin. Les Israélites vinrent se plaindre au roi David de ce qu’il n’avait pas su défendre les frontières du royaume. Il prit alors avec lui 600 soldats d’élite et partit au combat contre les auteurs de cette razzia qu’il décima jusqu’au dernier avant de libérer les captifs (Samuel I, chapitre XXX). Cette ressemblance saisissante avec les évènements actuels n’a évidemment rien de fortuit.

 

La même haine viscérale, la même cruauté, la même folie meurtrière, le même territoire, les mêmes protagonistes : Amalek contre Israël. Car comment ne pas établir une filiation atavique entre la monstruosité du Ha-mas, qui s’est donnée libre cours le 7 octobre avec un déchaînement de sauvagerie indicible, et celle de l’ennemi héréditaire du peuple juif ? Bien qu’ayant disparu en tant que peuple, Amalek n’a cessé de sévir sous des vi-sages différents tout au long de notre histoire : Haman l’Amalécite, Antiochus Epiphane le Grec, Hadrien le Ro-main, Hitler le Nazi et tant d’autres. Il a aujourd’hui le visage hargneux d’un chef terroriste islamiste, surgeon ma-léfique de la longue lignée des massacreurs de Juifs.

 

Similitude également dans leur projet meurtrier : alors que toutes les nations étaient terrifiées par la sortie d’Egypte triomphale de nos ancêtres entourés de mille et un prodiges divins, Amalek eut l’outrecuidance inouïe de venir aussitôt l’affronter pour défier le D-ieu d’Israël en montrant que Son proté-gé n’était pas invincible. On retrouve donc dans l’attaque du 7 octobre, comme aux temps anciens, cette volonté acharnée et obsessionnelle d’exhiber aux yeux du monde la vulnérabilité d’Israël. Autre constante de l’histoire des persécutions antijuives, la barbarie du massacre dissimule une visée théologique enfouie : vaincre, martyriser et humilier Israël revient à déposséder ce peuple prétendument élu de son D-ieu protecteur. 

« Véhi ché-amda la-avothénou… » : la Hagada de Pessah’ vient justement nous rappeler qu’en dépit de ces en-nemis qui se lèvent à chaque généra-tion pour nous anéantir, le Saint-Béni Soit-il est toujours là pour nous sauver de leurs mains.
Mais Pessah’ ne se résume pas à la lutte contre nos persécuteurs, loin s’en faut ! Au cœur de la fête, il y a d’abord et avant tout la célébration de la Délivrance de l’esclavage, et au bout de la Délivrance, cette Liberté, ADN de l’identité juive, qui est la condition d’un projet positif d’accomplissement personnel, un modèle de vie sociale et un idéal spirituel d’une richesse infinie. En dépit des haines subies, la permanence de notre peuple, la vitalité de nos contributions aux nations et à humanité, l’existence de l’État d’Israël et la continuité de la vie juive sont aussi des réalités historiques.

Ainsi face à cette guerre, menace pour l’État d’Israël, pour le peuple juif et pour l’humanité, notre soutien et celui de nos communautés ont été résolus et absolus en vue de la victoire contre le Amalek d’aujourd’hui et pour la libération des otages dont le sort hante nos pensées et alimente nos prières. L’unité retrouvée d’Israël ressemble à la table du Seder où se retrouvent rassemblés tous les enfants dans la diversité de leurs opinions pour re-donner un nouvel élan à chaque fête de Pessah’, à notre socle commun, à notre identité.

Notre institution avec ses permanents, avec ses bénévoles, avec ses services, avec ses communautés a maintenu une vie juive continue, en repoussant la peur de l’antisémitisme en défendant la légitimité d’Israël et la permanence du judaïsme.

À ce moment de notre histoire, l’heure est plus que jamais au rassemblement, à l’union et à l’engagement de chacune et de chacun au plus fort de ses moyens pour contribuer à faire vivre le quotidien du judaïsme dans la liberté durement acquise et dans cet espoir d’un avenir meilleur qui est au cœur de notre tradition et de notre histoire. L’espoir également que les 4 enfants de la Hagada fassent place cette année à ce 5 ème fils tant attendu, jusque là absent de la table du Séder en raison de son éloignement du judaïsme, mais dont la présence parmi nous devient essentielle et urgente.

Continuez à soutenir votre famille, les personnes en détresse et votre synagogue, lieu de la vie juive et de la transmission pratique et collective de nos valeurs et de notre foi.

En vous souhaitant une magnifique fête de Pessah’ dans la confiance en « l’éternité d’Israël », en attendant d’y ajouter la joie complète de la victoire sur nos ennemis et du retour des otages.

 

Am Israël Haï
Pessah cacher vesameah

Joël Mergui