Séminaire national de formation des Présidents de Communautés

A l’initiative du Président Joël Mergui, le Consistoire a organisé du 20 au 22 janvier, autour d’un Chabbat plein, un grand séminaire de formation des dirigeants communautaires. Plus de soixante communautés juives de Paris, d’Ile de France et de province, des plus grandes aux plus petites, étaient représentées par leurs présidents, accompagnés de leurs épouses et de leurs enfants (pour lesquels un encadrement par des jeunes madrihim de Tikvaténou avait été prévu). Les représentants des communautés juives venus de tout le pays ont partagé ces deux jours inédits de formation avec les nombreux administrateurs des Consistoires de Paris et de France présents ainsi qu’avec les principaux permanents de l’institution consistoriale.


Dans une ambiance conviviale et studieuse, de nombreux sujets de travail étaient proposés par des spécialistes avec pour thème central : « Juifs dans la cité : vocation spirituelle, art du lobbying ou principe de diplomatie ». Par ailleurs, les travaux ont également porté sur les dossiers majeurs défendus actuellement par le Consistoire : les actions en faveur de la jeunesse, le grand projet du Centre Européen du Judaïsme à Paris, la solidarité et l’aide aux petites communautés (avec la ‘Hazac notamment), la défense de l’abattage rituel, les jumelages entre les communautés, l’éducation. Ce séminaire a bien sûr donné l’occasion à chacun des 150 participants de partager avec les autres, son expérience sur le terrain.


Lors de son allocution d’accueil, le Président du Consistoire a remercié l’ensemble des épouses (ou les conjoints dans le cas de dirigeantes communautaires) pour leur patience et le soutien qu’elles apportent quotidiennement à leurs maris. Il a rappelé l’importance primordiale des relations, au niveau de chaque communauté, avec l’ensemble des élus ou représentants de l’Etat, d’où la tenue de ce Séminaire de formation. Il a enfin rendu hommage au Grand Rabbin David Messas (zatsal), qui dès le début avait voulu s’investir dans l’organisation de ce séminaire qui a finalement lieu sans lui.

Vendredi soir, après une intervention engagée de Jérôme Guedj, Président du Conseil Général de l’Essonne, les participants ont pu écouter un dvar torah du Professeur Franklin Rausky sur le thème : « La Loi du pays, sources bibliques talmudiques et historiques ». Depuis le début de l’exil, les prophètes ont demandé aux juifs de prier pour la paix et la prospérité du pays dans lequel ils vivaient. Est également appliqué depuis toujours les principes suivant « la loi du pays est ta loi », avec pour limite de ne pas transgresser les règles de la Halakha (relatives notamment à la cacherout, aux mariages et aux divorces, aux enterrements, …). Ce principe est l’élément clé de l’intégration exemplaire des juifs dans tous les pays du monde dans lesquels ils peuvent exercer librement leur foi.

Après l’office de chabbat matin, Michel Gurfinkiel est intervenu sur le thème : « 2000 ans de présence juive en France ». Dressant l’histoire passionnante du judaïsme français à travers les âges, il a expliqué le rôle primordial que celui-ci a pu jouer non seulement pour la France, étant un vecteur exceptionnel de connaissances et de richesses, mais également pour le judaïsme mondial dont, explique-t-il, il est issu à près de 80%. Il a insisté sur la nécessité de rappeler à chacun de nos interlocuteurs cette présence bimillénaire et notre appartenance historique à la nation française, que nous avons contribué à façonner.

Samedi soir, Daniel Haïk a fait un exposé magistral sur la mutation de la société israélienne et particulièrement sur la place croissante qu’y occupe le monde orthodoxe. Il a exprimé son optimisme quant à l’ouverture naissante de cette population à la société, expliquant que de plus en plus d’orthodoxes, hommes et femmes, avaient désormais un travail, chose inimaginable il y a encore quelques années mais rendue nécessaire par le plafonnement des sources de financement des yéchivot.

Dimanche matin, Franck-Philippe Georgin, conseiller technique du Ministre de l’Intérieur, et Louis-Xavier Thirode, Chef du Bureau Central des Cultes, ont participé à une séance de travail qui a permis de revenir au cours d’un dialogue intensif avec l’ensemble des présidents de communautés sur de nombreux sujets de préoccupation des juifs de France concernant la pratique du culte juif, le vivre ensemble et la place de la communauté juive dans la société. Ils ont notamment rappelé que l’avenir de l’abattage rituel en France était garanti par l’existence même du Consistoire. L’engagement du Ministre de l’Intérieur de ne pas organiser d’examens et concours pendant la fête de Pessah a également été évoqué. Enfin, l’importance des contacts réguliers avec nos interlocuteurs locaux a été soulignée, les conférences départementales pour la liberté religieuse ayant été instaurées à cet effet.

Dernier intervenant de ce séminaire très riche, Clément Weill-Raynal a décrit le fonctionnement des medias, leur volonté de mettre en spectacle l’actualité et de suivre des lignes éditoriales qui peuvent s’éloigner d’une analyse objective et impartiale du terrain. Il faut connaître ces travers afin d’éviter toute mauvaise surprise.

Grand Rabbin A. Goldmann
Grand Rabbin M. Gugenheim
Grand Rabbin A. Goldmann
Grand Rabbin M. Gugenheim


Les Grands Rabbins Alain Goldmann et Michel Gugenheim ont rejoint les participants à la fin du séminaire pour rappeler l’importance de la formation des présidents comme des rabbins pour un travail en commun efficace et optimal au service des communautés. Il a d’ailleurs été décidé de proposer au Grand Rabbin de France d’organiser le prochain séminaire de formation avec la présence conjointe des rabbins et des présidents. La prochaine édition est donc attendue, à la demande générale, avec impatience.


Cette rencontre nationale a constitué une première et s’est inscrite dans le cadre des séminaires de formation proposés depuis plusieurs mois par le Consistoire aux dirigeants communautaires. Elle est également intervenue en pleine préparation de la journée des Assises des communautés juives qui se déroulera au Palais des Congrès à Paris le 18 mars prochain. Ce grand rendez-vous sera l’occasion pour les dirigeants communautaires et le public nombreux attendu de travailler à une synthèse des réunions organisées au sein des communautés juives dans toute la France pour réfléchir et élaborer des propositions face aux grands sujets de préoccupation de la communauté juive dans la France d’aujourd’hui.

seminaire

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Franklin Rausky

Franklin Rausky

« Selon Léon Poliakov, grand historien contemporain, le judaïsme est marqué, à travers toute son histoire, par une dualité de l’existence: dualité de la langue, de l’écriture, du nom, du calendrier, de la terre et de la loi. Le Juif est dans une tension de la fidélité à la loi du pays dans lequel il vit et de la fidélité, toute aussi incontournable à la loi  judaïque. L’opposition entre deux systèmes de législation donne lieu, parfois, à des situations complexes. Joseph sauve l’Egypte, sa patrie d’adoption, de la famine et de la ruine, mais  il ne mange pas à la table des notables de la cour du Pharaon et reste un croyant monothéiste  convaincu et sincère. A notre époque, les Juifs ne sont plus des allogènes tolérés, ils sont considérés comme des citoyens à part entière des sociétés démocratiques et peuvent, dans le respect de la laïcité, exprimer leur vision sur des problèmes de société et de civilisation, au même titre que toutes les autres familles spirituelles. »

Daniel Haïk

Daniel Haik

« Bien que les tensions sociales entre laïcs et orthodoxes en Israël paraissent exacerbées, il s’avère que ces deux communautés ont entamé un processus de rapprochement qui pourrait, certes être long, mais qui est bien réel: au cours des 30 dernières années le monde orthodoxe s’est replié sur lui même et en particulier au travers des dizaines de milliers d’élèves de yéchivot qui sont dispensés par l’Etat de service militaire dans Tsahal pour pouvoir étudier la Torah. Certains se sont radicalisés mais les plus extrémistes ne représentent qu’une infime minorité. Cependant pour des raisons essentiellement économiques (baisses des allocations, baisse de la donation, et multiplication du nombre d’élèves) et parce que tous ces étudiants ne s’investissent pas dans l’étude avec la même intensité, ils sont de plus en plus nombreux à entrer par différentes « portes » sur le marché du travail et donc à s’ouvrir à une nouvelle réalité.  Parallèlement le monde laïc qui avait mis de côté, en arrivant sur la Terre d’Israël, le bagage spirituel et religieux qu’il avait porté en Diaspora, revient aujourd’hui en partie vers le paramètre juif de son identité, en particulier à la suite de l’échec du processus de paix. Cette ouverture d’une partie du monde laïc doublée des changements d’orientation d’une partie du monde orthodoxe produit un rapprochement silencieux et passionnant qui mérite d’être détaillé et expliqué ».

Michel Gurfinkiel

Michel Gurfinkiel

L’écrivain et journaliste Michel Gurfinkiel, administrateur du Consistoire central et du Consistoire de Paris,  a rappelé les trois « fondamentaux » qui régissent les relations de la communauté juive avec l’Etat. D’abord, les deux « paradoxes politiques » que nous enseigne la Torah. Le premier est de nature géopolitique : le peuple juif ne doit jamais oublier que la diaspora n’est pas une finalité ; mais en même temps, il doit participer activement et loyalement à la vie des pays où D. l’a conduit. Le second est de nature politique : la « royauté », l’autorité étatique, est égoïste et prédatrice ; mais en même temps, elle est utile et nécessaire, car elle limite, au nom de son propre intérêt, les égoïsmes et les pulsions prédatrices des individus (Une idée que les Pirqei Avoth ont formulé les premiers, et que le philosophe anglais Thomas Hobbes a repris au XVIIe siècle, dans son célèbre Leviathan). En troisième lieu : la notion que chaque nation obéit à un destin particulier et à un « ADN » spirituel particulier. Armé d’une claire perception de ces trois fondamentaux, le Grand-Rabbin David Sintzheim a su obtenir de Napoléon, en 1808, les conditions minimales assurant la survie du judaïsme en France, à travers l’institution consistoriale. Deux cents ans plus tard, nous devons poursuivre son œuvre, dans un contexte totalement différent. Ce qui implique en particulier, selon Gurfinkiel, de mettre en valeur la légitimité historique du judaïsme en France : deux mille ans de présence ininterrompue (en dépit d’expulsions diverses) ; un long âge d’or de l’époque romaine à la fin du Moyen-Age (les juifs formaient alors 10 % de la population urbaine en France) ; une renaissance dès la fin du XVIe siècle ; un nouvel âge d’or après 1945. L’intervenant note, en passant, que 80 % des 14 millions de juifs actuels descendent au moins partiellement des juifs français du Moyen-Age. Et il recommande aux Consistoires actuels de reprendre comme symbole global celui du Consistoire de 1808 : l’aigle impériale napoléonienne. Une façon efficace, selon lui, d’inscrire le judaïsme dans la conscience et l’identité nationales.