Séminaire 2017 des dirigeants communautaires

Coudray-Monceau (91)  –  3 au 5 février 2017

L’édition 2017 du Séminaire national des dirigeants communautaires s’est ouverte le 2 février dans une sorte d’ambiance de « routine » agréable et confortable. En effet la grande majorité des 200 participants se sont retrouvés à Coudray-Monceau en terrain connu comme les années passées : même lieu, même hôtel, mêmes visages avenants et souriants, on était entre collègues dirigeants associatifs mais aussi entre amis partageant une même passion pour l’« apostolat » communautaire, la défense du judaïsme, l’amour d’Israël.


Singularité de ce 6ème séminaire, pour la première fois les hôtes de l’hôtel Mercure ne furent pas accueillis par le président Joël Mergui qui pourtant a donné son emprunte à ce séminaire depuis sa création. En effet il avait dû voyager en Israël le matin même pour célébrer une joie familiale. En son absence il confia l’encadrement du séminaire à son ami Jack-Yves Bohbot, vice-président du Consistoire, qui s’acquitta de cette tâche délicate avec éloquence, brio et chaleur humaine, ayant un mot amical pour chacun des participants.


Actualité oblige, suite au vote affligeant de l’UNESCO en 2016 et au 70ème anniversaire de la réunification de la Ville sainte prévu en mai 2017, la thématique générale fixée pour ce nouveau séminaire s’imposa naturellement aux organisateurs : « Penser Jérusalem, agir pour sa reconnaissance par les nations ».


Le premier des hôtes du séminaire fut le président du Conseil départemental de l’Essonne, M. François Duvovray, qui vint saluer les participants à la fin de l’office du vendredi soir. C’est avec une sincérité poignante qu’il exposa ses sentiments chaleureux envers la communauté juive et, fraîchement revenu d’une visite en Israël organisée par son ami Benjamin Allouche, président de l’ACIP Massy et de l’ACJE 91, il confia à quel point les réalités tangibles de la démocratie israélienne et ses réalisations technologiques et culturelles qu’il avait découvertes sur le terrain contrastaient avec l’image négative véhiculée par les médias européens.


Vint ensuite M. Daniel Benhaïm, directeur de l’Agence Juive Pour Israël, qui, pendant le diner du vendredi soir, fit un « point sur l’Alyah et l’intégration des Juifs de France ». Il expliqua qu’après le pic très élevé des départs vers Israël de ces dernières années (entre 5000 et 8000 départs par an entre 2014 et 2016), on s’oriente peut-être aujourd’hui vers une certaine stabilisation susceptible de nous ramener à l’étiage d’avant 2013, soit autour de 2000 départs par an, quoique le nombre très élevé de participants aux réunions d’information sur l’Alyah (près de 10 000 en 2016) montre à quel point le « désir d’Alyah » est profondément ancré dans l’esprit de nombreux Juifs de France, ce qui peut laisser place à tout moment à un retournement de tendance.


La parole fut donnée ensuite au Dr Emmanuel Navon, professeur de sciences politiques venu spécialement de Tel-Aviv pour intervenir dans le cadre du séminaire sur le thème : « Les défis géopolitiques d’Israël face aux changements politiques de l’année 2017« , thème qu’il aborda sous l’angle de la problématique des votes de l’ONU et de l’UNESCO sur Israël et Jérusalem dont le caractère obsessionnel et systématiquement à charge ne fait, selon lui, que confirmer le discrédit qui pèse durablement sur ces instances internationales. Il démontra l’inconséquence mais aussi l’inanité de ces délibérations onusiennes sans aucun effet réel sur les protagonistes du conflit, manipulées par des majorités automatiques dominées par des dictatures qui bafouent à longueur d’année les règles de morale les plus élémentaires dont ils prétendent être les garants. Pour le Dr Navon « le plaidoyer du Conseil de Sécurité pour les droits de l’homme et le droit international équivaut pratiquement à plaider pour la chasteté dans une maison de tolérance » (dixit).


Le Dr Navon se dit aussi stupéfait d’entendre ce discours béat qui tourne en boucle depuis des lustres dans les médias du monde entier et dans les instances internationales, discours selon lequel le rétablissement de la paix au Proche-Orient serait conditionné au retour d’Israël à ses frontières d’avant 1967…. Comme s’il y avait eu la paix avant 1967 !?!


Et sur la question de l’entreprise palestinienne de négation des racines juives de Jérusalem, il ne put résister à l’envie de rappeler avec un large sourire que l’expression arabe utilisée pour désigner Jérusalem, outre Al Qods, est « Bayt Al Maqdis » (maison du sanctuaire), identique à l’appellation hébraïque « Beth-Hamikdash », ce qui constitue un aveu cinglant et implicite du caractère juif de l’esplanade du temple inscrit dans l’inconscient collectif de la nation arabe elle-même.


Pour son traditionnel Dvar-Torah du vendredi soir, le grand rabbin de Paris, Michel Gugenheim, proposa un enseignement sur le mode du « teasing », c’est-à-dire qu’il énonça son sujet axé sur Jérusalem sous forme d’énigme, aiguisa savamment la curiosité de son auditoire et, quand celui-ci fut au comble de l’impatience dans l’attente de connaître les réponses à toutes les questions qu’il avait soulevées, il coupa net son discours avec un sourire facétieux pour remettre au lendemain la conclusion de son exposé. Et le public ne fut pas déçu. Ainsi il posa la question de savoir pourquoi la Ville sainte du peuple juif est-elle mentionnée dans la Bible sous deux appellations : Jérusalem et Sion, alors qu’un seul nom aurait suffi ? Et pourquoi le mouvement politique de retour des Juifs sur leur terre ancestrale s’est donné pour nom le « sionisme » et non pas le « Jérusalmisme » ?  Pour répondre à cette interrogation, il cita un célèbre passage du prophète Isaïe (II,2,3) : « Il arrivera à la fin des temps que la montagne de la maison du Seigneur sera affermie sur la cime des montagnes et se dressera au-dessus des collines, et toutes les nations y afflueront. Et nombre de peuples iront en disant : allons, gravissons la montagne de l’Eternel pour gagner la maison du D-ieu de Jacob, afin qu’Il nous enseigne Ses voies et que nous puissions suivre Ses sentiers, car c’est de Sion que sortira la Thora et de Jérusalem la parole du Seigneur ». C’est sur la montagne de Sion que s’accomplit la quintessence de la Torah, le service divin dévolu au peuple juif, c’est pourquoi Sion désigne la Ville sainte dans son acception disons judéo-juive.  Quant à Jérusalem elle désigne le lieu de la parole divine qui, elle, est destinée à l’ensemble des nations. Mais c’est justement parce que la Ville sainte de Sion appartient à Israël et qu’elle constitue le cœur de son « terroir », que le peuple juif peut délivrer, à partir d’un ancrage territorial et spirituel, un message réellement universel. « Pour le judaïsme c’est lorsque l’on est fidèle à soi-même que l’on peut s’ouvrir aux autres » (Michaël Bar-Zvi).


Pour son dvar-torah du Chabbat matin sur la sidra BO, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, s’interrogea sur la multitude de prodiges opérés par D-ieu en Egypte pour imposer Sa suprématie. En apparence ce déploiement de forces surnaturelles semble destiné à subjuguer Pharaon pour lui faire connaître le vrai D-ieu et le contraindre à libérer les Hébreux, mais en fait, nous dévoile le grand rabbin de France, ce sont plutôt les Bné-Israël qui sont les premiers « visés » par ces manifestations spectaculaires de la puissance divine et par la force des argumentations de Son messager Moïse. C’est eux qu’il faut convaincre avant tout de la nécessité de se libérer du joug égyptien et de s’extraire de leur environnement idolâtre. Las, en dépit de la profusion de miracles du Créateur et de la puissance de persuasion de Son prophète, seulement un cinquième du peuple (« h’amouchim yatsou mi-mitsraïm ») trouvera la force de se détacher de la force d’attraction de l’Egypte pour prendre part à la Guéoula (libération). Nous apprenons d’ici l’énorme difficulté à convaincre et à mobiliser nos propres « troupes » pour entendre le message divin et suivre le chemin de la Torah. Quelle que soit la puissance qui se dégage de la parole de D-ieu pour ceux qui sont habités par Son enseignement et touchés par Sa révélation, il faut développer des trésors de patience, de pédagogie et d’amour du prochain pour espérer entraîner l’ensemble d’un peuple dans le sillage de la Rédemption.


Après l’office du Chabbat matin les participants au séminaire accueillirent la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pecresse, qui eut des mots chaleureux envers le Consistoire et le judaïsme français, clama son amitié pour Israël avec une réelle sincérité. Elle dressa ensuite un panorama exhaustif des atouts industriels, économiques, culturels et universitaires de la mégapole francilienne, avant d’exposer les grandes lignes de sa politique et la multitude de projets en cours ou à réaliser pendant sa mandature, le tout dans un élan d’enthousiasme qui en disait long sur la vision et la passion qui guident sa mission.


Pendant le repas de Chabbat midi, le philosophe Michaël Bar-Zvi s’interrogea sur les raisons du succès des thèses « négationnistes » qui remettent en question la légitimité d’Israël ainsi que les racines juives de Jérusalem. Il rappela que les Juifs sont majoritaires à Jérusalem depuis le début du XIXe siècle et que la présence juive en Eretz Israël n’a jamais cessé à travers l’Histoire. Le narratif palestinien a su gagner des « parts de marché » en réussissant un grand renversement consistant à remplacer le peuple juif dans sa position de victimes millénaires, discours savamment récupéré par toutes les causes révolutionnaires, anti-colonialistes et tiers-mondistes, dont le palestinisme est devenu l’une des focales idéologiques dominantes, qui trouvent dans ces nouveaux « damnés de la terre » un terreau idéal pour faire prospérer leurs théories compassionnelles et misérabilistes.


Cependant, Michaël Bar-Zvi estima qu’on ne peut pas toujours rejeter la faute sur les autres, que si Jérusalem n’est pas reconnue par les nations comme capitale d’Israël (ce qui à ses yeux est de peu d’importance), c’est aussi parce que la ville a été quelque peu délaissée et que sa gestion n’a pas été un modèle d’efficacité. Il n’est qu’à voir, selon lui, le taux élevé de pauvreté de certains secteurs (orthodoxes et arabes) de la ville, sa très faible attractivité économique, sa relative pauvreté culturelle. « Et si les maires des grandes métropoles israéliennes s’occupaient un peu plus de leurs villes plutôt que de leur carrière politique ! ».


Nos deux invités israéliens, Emmanuel Navon et Michaël Bar-Zvi, furent ensuite conviés le samedi soir à une table ronde sur un sujet qui suscite autant d’admiration que d’interrogation au sein des Juifs de France : « Vertus et risques du modèle démocratique israélien ».


Ces deux bons connaisseurs de la vie politique israélienne affichèrent plusieurs points de désaccord, notamment sur la nécessité de relever ou non ce qu’on appelle « ah’ouz ha-h’assima » (seuil d’éligibilité : pourcentage minimum de voix recueillies aux élections pour qu’un parti politique puisse être représenté à la Knesset). Mais ils s’entendirent pour reconnaître que l’ « interventionnisme » récurrent de la Haute cour de justice dans presque tous les domaines de la vie publique israélienne constitue une contrainte majeure et inédite pour la gestion gouvernementale, ce qui ne fut toujours le cas quand on se rappelle, précisa Michaël Bar-Zvi, que cette même Cour de justice n’hésitait pas, dans les années 60 et 70, à se déclarer incompétente sur certains litiges qui lui étaient soumis.

Autre sujet d’étonnement : comment la vie parlementaire israélienne peut-elle s’accommoder de l’obstruction souvent agressive des partis arabes dont certains représentants expriment ouvertement leur hostilité à l’Etat d’Israël et parfois même leur soutien à ses ennemis ? Emmanuel Navon fit valoir qu’Israël n’était pas le seul pays confronté à la problématique de la loyauté d’une frange de ses citoyens et de ses élus, d’autres démocraties occidentales ont dû, au cours de leur histoire, intégrer des composantes parlementaires plus ou moins radicales qui remettaient en cause certains fondamentaux de la nation. Cela montre bien, selon lui, que le rehaussement progressif au fil des années du seuil d’éligibilité de 1% à 3,25% non seulement n’a pas réussi à endiguer la perturbation du jeu démocratique par les petites formations politiques, mais de surcroît à renforcé la position des petites formations arabes qui, pour contrer le rehaussement du seuil d’éligibilité, sont parvenues à se fédérer pour former une « liste commune », certes hétéroclite, mais plus puissante encore que ne l’étaient séparément ses différentes composantes dans la précédente Knesset.


Après les ferveurs liturgiques, les enseignements, les débats et les agapes du Chabbat, les « séminaristes » avaient bien mérité un moment de détente qui prit la forme d’une soirée karaoké, animée par le DJ Moché Ben, au cours de laquelle les chants traditionnels et israéliens furent mis à l’honneur dans une ambiance à la fois bon-enfant et parfois survoltée qui montrait bien à quel point les dirigeants communautaires d’aujourd’hui, loin de se « notabiliser », avaient gardé intacte leur âme de militants de mouvements de jeunesse.


La matinée du dimanche 5 février s’annonçait studieuse. Pas moins de 4 invités de marque allaient se succéder à la tribune aux côtés de Joël Mergui revenu de son voyage éclair en Israël.


Le frère Louis-Marie Coudray, chargé par l’Episcopat des relations avec le Judaïsme, ouvrit le ban sur le thème : « La chrétienté dans le débat sur Jérusalem ». Après avoir passé 35 ans de sa vie en Israël dans l’abbaye d’Abou Gosh près de Jérusalem, on sentait l’ecclésiastique parfaitement à son aise et rompu à l’exercice du dialogue avec le rabbinat et le leadership juif. Il retraça à grands traits l’historique des relations entre Juifs et Chrétiens, en déplorant que la catéchèse traditionnelle ait si souvent, jusqu’au concile Vatican II, occulté les racines juives du christianisme, pourtant tellement évidentes et même tellement omniprésentes dans les Evangiles, confirmant ainsi la thèse du grand historien Jules Isaac qui avait fait de cette occultation séculaire, consciente ou inconsciente, la pierre angulaire de ce qu’il appelait « l’enseignement du mépris », consubstantiel de l’antijudaïsme chrétien. Résolument optimiste, à la façon des hommes de foi, le frère Coudray afficha sa volonté de s’inscrire de plein pied dans la continuité de l’œuvre de ses prédécesseurs (Bernard Dupuis, Jean Dujardin, Patrick Desbois), confiant dans la vitalité et la fécondité d’un dialogue judéo-chrétien particulièrement prometteur, fondé sur le respect sincère des croyances de chacun.  Quant à Jérusalem, mentionnée quelque 200 fois dans les Evangiles, il rappela qu’elle est le cadre des grands gestes du Nouveau Testament, ainsi que le lieu principal de la prédication de Jésus le Juif et de ses débats avec les rabbis, ce qui signifie que la remise en question de ses racines juives équivaudrait ipso-facto à une remise en cause des fondements mêmes du christianisme.


Se succédèrent ensuite à la tribune sur des registres assez complémentaires et se confortant l’un l’autre : Philippe Val, chroniqueur, humoriste, ancien directeur de Charlie Hebdo et de Radio France, qui posa la question : « Que reste-t-il à dire lorsque la réalité devient taboue »? », et l’historien et documentariste, Georges Bensoussan, sur le thème : « Les Juifs de France face au déni du réel ».  Evidemment tous les présents avaient en tête l’audience du 25 janvier devant la 17ème chambre du TGI de Paris où l’historien de la Shoah répondait de l’accusation de « provocation à la haine raciale », à l’instigation d’associations antiracistes, pour avoir osé citer un intellectuel franco-algérien sur l’antisémitisme prégnant dans la plupart des familles arabo-musulmanes.  Les deux orateurs, chacun à sa façon, démontrèrent à quel point ce procès surréaliste était emblématique de l’ « esprit d’inquisition » et de l’ « inversion du réel » qui, selon les expressions du philosophe Alain Finkielkraut, règnent actuellement dans la mouvance dite antiraciste dont l’objectif est d’interdire de penser.


Le séminaire s’acheva sur le traditionnel déjeuner de clôture auquel prit part S.E. Aliza Bin-Noun, ambassadrice d’Israël en France, qui salua amicalement l’auditoire des dirigeants communautaires. Elle présenta quelques-uns des axes prioritaires de sa mission, par exemple la lutte contre le BDS, dont elle exposa les dangers. Elle les assura du total soutien de l’ambassade pour toutes les initiatives locales susceptibles de promouvoir l’image et les réalisations d’Israël, par exemple les célébrations du 70ème anniversaire de la réunification de Jérusalem.


Le président Joël Mergui conclut le séminaire en faisant un rappel des principales séquences du programme, en saluant l’ensemble des intervenants, puis en exposant les grands projets consistoriaux inscrits au calendrier 2017 de l’institution :

–        Nécessité pour les dirigeants des communautés d’organiser le 50ème anniversaire de la réunification de Jérusalem, de préférence avec la participation des autorités civiles locales ;

–        Présentation du programme « Faire vivre notre patrimoine » qui consiste à proposer à l’ensemble des communautés des activités culturelles pour que nos synagogues redeviennent des lieux de rencontre et de réunion ;

–        Lancement de l’Hyperchabbat ;

–        Lancement de la journée nationale des Talmud Torah

Il a également appelé l’ensemble des dirigeants, dans le cadre de la campagne électorale nationale, à présenter aux candidats les projets et les défis de chacune de nos communautés. Il a également rappelé la position du Consistoire de n’avoir aucun contact avec les candidats des extrêmes, qu’ils soient de droite ou de gauche.


Il se fit enfin l’écho du sentiment de satisfaction et de réussite exprimé unanimement par les participants. Il dédia ces marques de reconnaissance à l’équipe d’organisation qui n’avait pas ménagé sa peine pour préparer de bout en bout ce grand rendez-vous annuel : Marc Abensour, secrétaire général de l’ACIP, Gladys Akoka, son assistante, Ilan Baruch, responsable de la logistique, Vicky Bellahsen, directeur des communautés, Claudine Germe, assistante du président, Joseph Mimoun, chef de la comptabilité, Albert Myara, coordinateur des programmes, Asnath Saada, responsable des achats, Zaava Taieb, directrice du service fichiers et recouvrements.


L’émotion était palpable lorsqu’arriva le moment des adieux ponctué de moult photos et promesses de garder le contact jusqu’aux prochaines retrouvailles dans le cadre du séminaire 2018….. si D-ieu veut comme on dit chez nous !