Sarah Halimi : un simple fait divers ?, par Joël Mergui

Sarah Halimi (zal) a été séquestrée, torturée puis défenestrée le 4 avril dernier, soit désormais depuis plus de trois mois. Trois longs mois pendant lesquels l’ensemble de la communauté juive s’est pour le moins étonnée tant du silence médiatique entourant ce dossier que de la lenteur avec laquelle l’enquête a été menée jusque-là.

Avec les institutions juives, le Consistoire a alerté, et continue à le faire, tant les autorités politiques et judiciaires que les medias sur cette situation tristement ahurissante.

Je me suis une nouvelle fois entretenu cette semaine avec le Procureur de la République, François Molins, pour lui demander de faire en sorte que l’assassin puisse enfin être interrogé et que les conclusions de l’expert psychiatre, désigné par le juge d’instruction puissent être révélées, ce à quoi il s’est engagé.

L’assassin a enfin été mis en examen hier, ce qui va permettre à la procédure de réellement commencer.

C’est une avancée qui me laisse néanmoins un profond goût d’amertume. En effet, les chefs de mise en examen portent sur l’homicide volontaire de Sarah Halimi, mais nulle part ne sont retenus les chefs d’assassinat avec la circonstance aggravante d’antisémitisme – alors que l’assassin savait parfaitement que sa victime était juive, pour avoir été son voisin durant une dizaine d’années-, de séquestration, de torture, et d’actes de barbarie. La séquestration a été retenue en tant que second chef de mise en examen … mais uniquement pour les voisins de Sarah Halimi qui n’ont aucunement été séquestrés par le criminel, qui était leur ami.

Pas d’assassinat ?

Pas de séquestration ?

Pas de torture ?

Pas d’acte de barbarie ?

Pas d’antisémitisme ?

Pas d’islamisme radical ?

On pourrait presque croire à un banal fait divers !

Moi qui ai toujours affirmé ma confiance en l’appareil judiciaire de notre pays, j’avoue être déçu et même choqué de constater de telles omissions. C’est pourquoi, lors de mon entretien ce matin avec le Premier Ministre Edouard Philippe, j’ai évoqué la nécessité pour les pouvoirs judiciaires de procéder à un réquisitoire supplétif, afin d’étendre la mise en examen aux chefs non retenus contre toute évidence.

L’émotion de la communauté juive française est forte et je la ressens lors de chacune de mes visites quotidiennes.

La famille de Sarah Halimi, et la communauté juive à ses côtés, souhaitent que toute la lumière soit faite au plus vite, que des réponses soient données sur les circonstances de l’assassinat. Mais encore faut-il que les bonnes questions soient posées par la justice, ce qui est loin d’être le cas à ce jour.

Sarah Halimi ne reviendra pas mais le minimum que nous lui devons est qu’à sa mort, ne soit pas ajouté le déni de justice.