Pourim est notre force, par Haïm Korsia, Grand Rabbin de France

Il y a toujours une actualité dans chacune des fêtes de notre calendrier. Il en va évidemment de même pour Pourim. C’est la force de notre temps religieux qui rencontre toujours nos préoccupations du moment. Or, Pourim nous montre la capacité des juifs à espérer et à garder confiance en Dieu, mais aussi leur désir de participer, malgré tout, à la construction de l’empire Perse et de ses 127 provinces.


Le rouleau d’Esther nous présente une communauté juive percutée par le pire des antisémitismes, celui de l’Etat ; un Etat dirigé par la haine d’Amman, la faiblesse du pouvoir royal, un Etat complice et même moteur de l’antijudaïsme, des préjugés tenaces et malheureusement toujours audibles, 2500 ans après, chez certains. Pourtant le peuple juif, est resté fidèle alors à sa volonté de participer au relèvement de la Perse. Le judaïsme en bénéficiera d’ailleurs, puisque, très peu de temps après ces événements, l’empereur donnera la possibilité aux Juifs de rebâtir le Temple. Leur fidélité à l’idéal de la Perse leur ouvrira la porte de la délivrance. C’est exactement l’injonction du prophète Jérémie : « Recherchez la paix pour la ville où Je vous ai envoyé, priez en sa faveur, car votre paix dépend de sa paix » (XXIX, 7). Ainsi, contribuer à construire une société juste et fondée sur le droit favorise le  déploiement d’une société heureuse qui assurera le bonheur et le développement du judaïsme. Ce fut toujours la conviction des Juifs de France qui unirent leurs forces à celles de tous les résistants de toutes les époques, afin de revenir aux fondamentaux du pays. Ce fut le destin de José Aboulker, le 8 novembre 1942, à Alger, le choix de Georges Loinger lorsqu’il sauvait les enfants pour l’OSE, la décision de Max Guedj s’engageant dans les FAFL. Ce fut le choix de toutes celles et de tous ceux qui, dans la culture, les arts, la science, l’entreprise ou la vie de tous les jours, bâtissent la France. Oui, en France, le meilleur moyen de protéger le judaïsme est de ré-enchanter le rêve de la France. Et nous l’apprenons de la Méguila d’Esther, nous le comprenons des choix politiques intemporels de Mardochée et Esther.


Le mois de Adar est porté par l’espérance du Talmud qui affirme : « Lorsque le mois de Adar débute, la joie augmente ». Cette année embolismique (ndlr : comptant deux mois de Adar) est une occasion de redoubler notre joie, non pas simplement en constatant que notre situation est ce qu’elle est, mais en faisant doublement le choix de la joie.


Cette joie de vivre, ce bonheur d’être ensemble, que je constate lors de chacune de mes visites dans les communautés, et cette volonté de partager le destin de la communauté nationale sont fidèles au message du rouleau d’Esther. En effet, une fois Aman et tous les fanatismes éradiqués, la reine et Mardochée décident de donner de l’argent aux pauvres, de s’échanger de la nourriture et de vivre un repas festif partagé. Ce sont ces mitzwot qui permettent la reconstruction du lien social, portées par le rêve, qu’incarne le judaïsme, de vivre en harmonie avec ses concitoyens.

Bonne fête et bonne espérance partagée.


Pourim Sameah, bonnes fêtes de Pourim !

(Billet paru dans Actualité Juive n°1383)