« A chaque génération, chacun doit se considérer comme étant soi-même sorti d’Egypte ». Cette phrase de la Hagada renferme une clé de compréhension essentielle de la fête de Pessa’h qui, contrairement aux apparences, n’a rien à voir avec la commémoration d’une histoire ancienne.
En fait, le rituel de Pessa’h nous offre la possibilité de revivre, non pas seulement au sens symbolique du terme, mais de façon authentique, l’expérience de nos ancêtres en Egypte. Mais quelle nécessité y a-t-il à « rejouer » indéfiniment le scénario de cet épisode biblique, dont le maître-mot est la Liberté ?
L’esclavage en Egypte constitue la « mère » de tous les asservissements, et la délivrance du joug de Pharaon résonne comme l’essence de toutes les délivrances à travers l’histoire des peuples. Cette expérience conjointe, asservissement et délivrance, est au coeur de l’identité juive et à l’origine de la naissance du peuple d’Israël.
Il faudra quarante ans pour que les Hébreux parviennent à se libérer de la mentalité de l’Egypte, à apprendre à vivre selon les préceptes de la Thora révélée au Sinaï et à entrer en Terre promise en hommes libres. Ceci montre bien que l’affranchissement des chaînes de l’esclavage ne suffit pas à nous faire accéder à cette fameuse Liberté.
Le véritable projet d’émancipation du Peuple juif ne consiste pas, loin s’en faut, à fuir un pays d’esclavage pour se réfugier dans une contrée où coulent le lait et le miel. Aujourd’hui, l’Alyah ne saurait être la seule réponse au mal-être des Juifs de France. Pour le judaïsme, l’ennemi est surtout intérieur et l’homme porte avec lui, où qu’il aille, l’ensemble de ses problèmes irrésolus.
Comme le démontre l’expérience de l’exode biblique, la libération du Peuple juif ne se résume pas à un mouvement de migration géographique, mais aussi et surtout à une ascension morale et spirituelle dont l’installation en Terre d’Israël est l’aboutissement.
Nous, qui vivons en France et de façon plus générale en diaspora, devons positiver cette présence par le renforcement de notre identité, le retour des plus éloignés vers les sphères communautaires, ce que l’on pourrait appeler « l’Alyah intérieure ».
Nous nous devons de persévérer dans la promotion de l’école juive, des centres communautaires et des mouvements de jeunesse qui forment des générations à la sagesse juive, à la morale universelle, au respect d’autrui et des idéaux de la société environnante.
Nous nous devons de poursuivre le développement de la vie juive par les vecteurs de la famille juive et de la synagogue, et de tout mettre en œuvre pour rapprocher les Juifs les plus éloignés afin de souder l’unité du peuple et affermir notre foi.
Nous nous devons de continuer à porter fièrement les valeurs du Judaïsme et à défendre l’image d’Israël par une conduite individuelle et collective en tout point exemplaire, afin d’incarner le message prophétique d’un Israël « lumière des nations ».
Ne cédons pas à l’inquiétude qui, à chaque poussée de fièvre antisémite ou anti-israélienne, gagne certains d’entre nous.
Continuons d’investir dans cette belle communauté, de consolider nos institutions pour donner aux Juifs d’aujourd’hui et aux générations futures, les moyens de concrétiser, quand ils le décideront, le voeu messianique qui conclut magnifiquement la Hagada de Pessa’h par la formule ancestrale : l’an prochain à Jérusalem !
Pessa’h Cacher Vesamea’h !