Pessah 5780, par Haïm Korsia, Grand Rabbin de France

Mes chers amis,

A Pessah, nous commémorons non seulement la sortie d’Egypte, mais nous nous remémorons surtout notre capacité à nous abstraire de tout ce qui nous enferme.

Jamais cette notion de sortie de l’enfermement ne sera aussi réelle que cette année.

L’Egypte est le symbole de l’étroitesse, selon l’étymologie même du mot Egypte en hébreu, Mitsraim. Nous nous souvenons que nos ancêtres ont su trouver le ressort moral, la force de s’extraire de la simplicité des choix à opérer en état d’esclavage. Cela doit nous donner confiance, en l’Eternel et en nous, et nous permettre d’affronter tous nos enfermements.

Alors que Pharaon refuse de laisser partir les Hébreux et que son cœur progressivement s’endurcit, l’Eternel déchaîne successivement les dix plaies sur le pays. Les Egyptiens refusent de voir Sa main mais cherchent, à chaque fois, une explication rationnelle au châtiment qui leur est infligé. Pire, ils en rendent les Hébreux responsables alors que c’est bien leur propre violence et leur inhumanité qui en sont la cause. La Torah nous enseigne pourtant que celui parmi les Egyptiens qui craignait l’Eternel était toujours épargné, comme le montrent notamment ces versets : « Fais rassembler ton bétail et tout ce que tu as dans les champs. Tout homme ou animal qui se trouvera dans les champs et ne sera pas rentré dans les maisons, sera atteint de la grêle et périra. Ceux des serviteurs de Pharaon qui révéraient la parole du Seigneur mirent à couvert leurs gens et leur bétail dans leurs maisons ». (Ex ; IX ; 19-20)

Ce verset résonne de façon particulière cette année pour nous tous qui vivons confinés. Tout comme d’ailleurs l’injonction de Moïse aux Hébreux d’apposer une marque rouge sur les linteaux des portes de leurs maisons pour les protéger de la destruction : « Que pas un d’entre vous ne franchisse alors le seuil de sa demeure, jusqu’au matin ». (Ex ; XXII ; 22). Cette année, notre seder aura sans doute un goût particulier, pour certains, malheureusement, le gout amer, bien plus encore qu’à l’accoutumée, celui de la solitude, celui de ne pas être entouré de toutes celles et tous ceux qui nous sont chers, jeunes ou anciens. Dans le contexte de cette crise sanitaire sans précédent, nous savons pourtant qu’il est du devoir de chacun de respecter les réglementations en vigueur, pour se protéger soi-même et pour protéger les autres.

Il nous faudra donc redoubler d’effort pour raconter et transmettre. C’est le sens même du mot Pessah, lorsque nous le décomposons en Pé, la bouche, Sakh, qui parle, qui raconte.

Ainsi l’enseigne la Bible : « Ce jour sera pour vous une époque mémorable et vous le solenniserez comme une fête de l’Eternel ; d’âge en âge, à jamais, vous le fêterez » (Ex ; XII ; 14). Autour de la table du Seder, parlez-vous, interrogez-vous les uns les autres, parlez-vous à vous-même s’il le faut, ne soyez pas prisonniers de l’angoisse, des échecs, ou d’éventuels enfermements du passé, mais regardez loin vers l’horizon, en toute sérénité et avec au cœur l’envie et l’ambition de nouveaux et nombreux accomplissements, pour vous, pour celles et ceux qui vous entourent et pour la société dans laquelle vous rêvez de vivre et qu’il vous faut contribuer à bâtir.

Rappelons-nous que Pessah symbolise le passage, le mouvement.

Puisse-t-elle être cette année annonciatrice de meilleures nouvelles sanitaires pour la France et pour le monde.

Puisse notre confiance et notre foi en l’Eternel guider nos pas et nous accompagner dans ces moments difficiles pour nombre d’entre nous et donner la force à tous les malades de trouver le chemin de la guérison.

Puissions-nous tous sortir de nos Egyptes et rapidement de ce confinement aujourd’hui encore vital.

Pessah Casher Vesameah. Bonne fête de Pessah à toutes et tous.