Parachath Ki tétsé

Parachath Ki tétsé

 

Une guerre contre le Mal

Par le Rabbin Elie Dahan, Rabbin regional Nord Pas de Calais

 

La particularité du temps juif s’exprime de différentes façons. L’une d’entre elles voit dans l’agencement des évènements de notre histoire, une profonde et merveilleuse corrélation. Ainsi, affirment nos Maîtres, si un fait se produit au cours d’une période précise, c’est l’indice certain qu’ils possèdent entre eux un lien étroit. On a pu dire à ce propos que le passé est un temps toujours vivant ! C’est ce que nous enseigne le début de notre paracha…qui nous rappelle allusivement le mois d’Elloul dans lequel nous nous trouvons actuellement.

 

Le premier verset de la parachath Ki tétsé nous rapporte une mitzva liée avec un fait de guerre. Lorsque le peuple juif se trouvait sur sa terre et qu’il entreprenait une guerre en dehors de son territoire, il avait le droit de libérer « une femme de belle apparence » qui se trouvait parmi les prisonniers du peuple vaincu afin de l’épouser (après conversion). Parmi tous les détails relatifs à cette démarche, le texte nous dit qu’elle devait pleurer son père et sa mère durant un mois avant sa conversion. Nous dépasserons aujourd’hui le cadre historique de cette mitzva pour comprendre le sens allusif qu’elle sous entend dans son rapport avec le mois d’Elloul. Car on ne peut séparer une paracha du temps dans laquelle elle est lue.

 

Un mois propice

 

Cette femme de belle apparence dont il s’agit ici, c’est la néchama, l’âme juive, prisonnière de l’ennemi qui n’est autre que le corps. Elle désire faire la volonté de D.ieu mais le corps, attiré par les plaisirs de ce monde, la tient  captive et l’empêche, de ce fait, de pratiquer la Thora et les mitzvoth. Puis arrive un temps de libération où elle se dégage de l’emprise des désirs du corps. Elle devra alors pleurer durant un mois. Les pleurs sont une allusion à la Téchouva (le repentir) et le mois, c’est le mois d’Elloul qui précède la nouvelle année. Durant ce mois, chaque Juif a l’obligation de faire un bilan de l’année qui est passée afin de prendre de bonnes décisions pour l’année qui s’annonce. On pourrait penser alors que la Téchouva que D.ieu attend de nous concerne tout simplement les fautes les plus courantes de l’existence. La fin de notre paracha vient nous enseigner qu’il s’agit d’autre chose. Les derniers versets de Ki tétsé nous mentionnent l’obligation de se souvenir du Mal que nous a fait le peuple d’Amalek. A son propos, Rachi, le commentateur du sens premier du texte, précise que ce peuple refroidit Israël à sa sortie d’Egypte. Au niveau du sens simple, cette idée de refroidissement est quelque peu difficile à comprendre. Mais au second degré, Rachi nous propose ici une signification plus suggestive.

 

Se dépasser

 

Amalek n’est pas qu’un peuple. C’est aussi un concept qui habite au plus profond de nous, une tendance aussi grave qu’une faute et qui entraîne l’individu à devenir froid et insensible au judaïsme. Corriger un mauvais comportement est une chose relativement facile dès qu’on le veut. Eradiquer, par contre l’insensibilité exige souvent un effort considérable parce que la froideur confine à l’indifférence et contre cette tendance, on ne peut pratiquement plus rien faire. C’est d’ailleurs ce que dit un dicton hassidique : entre l’athéisme et la froideur, la séparation est très fine. Toutefois, il reste toujours une porte de sortie : le dépassement de soi. Quand un homme décide de se départir de ses habitudes et de son confort intellectuel pour viser l’Infini, il peut arriver à anéantir le point de Amalek qui est en lui. C’est la raison pour laquelle la paracha porte le nom de Ki tétsé qui signifie « Quand tu sortiras ». C’est la clé pour vaincre ce point négatif en nous : sortir de ses limites…