Nos oncles d’Algérie, par Joël Mergui

Il y a 50 ans, les juifs quittaient massivement l’Algérie, bien malgré eux, pour s’installer pour la plupart en France avant d’être suivis des juifs Tunisiens et Marocains.


Cet exode, à bien des égards déchirant pour des familles implantées dans la société algérienne depuis des générations, a pourtant permis de revivifier nos communautés juives françaises décimées par le drame de la Shoah et de donner au Judaïsme français nombre de ses érudits et Grands Rabbins.


Qui parcourt comme moi, les communautés françaises se rend très vite compte du nombre incroyable de juifs d’Algérie qui vivent et animent dans nos communautés de province. Loin d’un centre d’activités ou d’approvisionnement casher, ils ont souvent fait preuve de ténacité dans leur fidélité à leur identité juive et d’inventivité quotidienne. Occupant pour beaucoup des postes de la fonction publique française avant leur exode en France, ils ont été mutés dans tout l’hexagone sans choisir leur affectation. Leur dispersion sur tout le territoire a permis de retisser les mailles du tissu social juif français et de redynamiser des communautés qui, sans eux et leur famille, auraient probablement disparu.


J’ai souvent alerté sur le fait qu’aucun mouvement de population juive de cette importance ne viendra plus massivement enrichir nos communautés. Désormais, nous ne pouvons plus compter que sur nos seules ressources humaines pour faire vivre nos synagogues, nos lieux de vie et d’expression identitaire. 


Ce Judaïsme français venu hier d’Algérie est si dense, si plein de ressources qu’il est porteur d’un nouvel espoir capable de revivifier nos associations cultuelles ou culturelles.  Fort d’un sens aigu de la famille, les juifs d’Algérie conservent des liens si forts entre eux que ceux qui ont glissé loin de leur identité originelle restent en contact étroit avec les plus religieux d’entre eux. 


Ces oncles d’Algérie et d’ailleurs, ces neveux ou cousins, il nous appartient de les ramener dans le berceau de leurs origines. Il est de notre responsabilité de leur montrer combien nous avons besoin d’eux et combien notre identité est assez plurielle et généreuse pour inclure toutes les manières d’être Juif. Comme la France avait servi de lien avant l’exode algérien, la famille est le lien dont dispose notre génération pour retisser les fils dénoués avec tous nos cousins et neveux s’éloignant de notre passé juif commun.