Nos élus locaux : un relais indispensable par Joël Mergui

« Nous espérons que nos futurs élus seront attentifs
à la préservation et la défense de nos valeurs »

L’étroite collaboration entre élus locaux et responsables communautaires est indissociable de la pratique du judaïsme dans la Cité, dans le strict respect des valeurs de la République. Les contacts réguliers, parfois quasi-quotidiens entre élus et acteurs associatifs permettent de mener à bien nos actions et de faire avancer nos causes.

Sur le terrain, ce travail en commun permet notamment la sécurisation des lieux de cultes, la lutte contre l’antisémitisme et l’antisionisme, la rénovation et la pérennité de notre patrimoine, la préservation des carrés confessionnels ou tant d’autres projets qui peuvent varier d’une ville à l’autre.

Au moment du renouvellement des mandats municipaux et à la veille du scrutin européen, nous espérons que nos futurs élus seront attentifs à la préservation et à la défense de nos valeurs. Ils doivent non seulement être sensibilisés aux préoccupations des Juifs de France mais également écouter nos propositions pour que la société française retrouve ses valeurs de générosité et de partage, lesquelles tendent à se décomposer avec la grave crise qui nous frappe tous, faisant le lit des extrêmes. Ce sont en effet les mêmes qui prennent pour cible l’étoile de David et le drapeau tricolore comme l’ont montré les meurtres de Toulouse et de Montauban.


Si au plus haut niveau de l’Etat, nous avons pu établir des relations de confiance qui ont conduit nos dirigeants politiques à se prononcer clairement sur plusieurs sujets qui nous sont chers, notamment sur l’antisémitisme et nos règles et coutumes millénaires (abattage casher, circoncision…), j’ai souvent répété que les relais d’opinion ont cruellement manqué. Nos élus locaux sont aussi ces maillons essentiels, ils sont des faiseurs d’opinion, notamment par l’intermédiaire de leurs canaux de communication réticulaires (médias, système éducatif, expositions culturelles …).


De leur implication sincère et effective dépend le bien vivre de la composante juive de leur cité. Les villes abritant des communautés juives sont peu nombreuses et leur responsabilité est d’autant plus grande.


Tous les élus, lors des différents messages qu’ils nous délivrent à l’occasion du Nouvel An juif ou autres cérémonies de commémoration, ne cessent d’affirmer que l’identité juive fait partie intégrante de l’identité et de la richesse culturelle de la cité. Quelle politique ont-ils ou vont- ils engager pour préserver cette identité ?


Parmi les 36.000 communes de France, combien y a-t-il de rues Rachi, combien de villes sont-elles jumelées avec des villes israéliennes, combien de mairies ont affiché le portrait de Guilad Shalit, combien ont inscrit dans le marbre les noms d’Ilan Halimi, d’Arié, Gabriel et Jonathan Sandler ou Myriam Monsonégo, combien ont contribué à la vie juive de leur cité ?


Commémorer est utile et nécessaire, soutenir des projets de vie est non moins indispensable.


Les élus doivent être accompagnés dans  leur démarche pour mieux faire connaître et diffuser les valeurs du judaïsme français ou les aspects positifs, toujours ignorés, de la société israélienne à leurs administrés. Pourquoi n’évoque-t-on Israël que sous le prisme – trop souvent – négatif du conflit israélo-palestinien ? Le génie israélien en matière de nouvelles technologies ou d’électronique de pointe ne pourrait-il pas être mis à l’honneur dans les médias ou faire l’objet d’expositions dédiées ?


Si la France est aujourd’hui malade, il est de notre devoir d’aider à trouver les remèdes. Dans les années 2000, pendant la deuxième Intifada, la communauté juive était inquiète des tentatives d’une petite minorité, d’importer en France, le conflit au Proche-Orient. Il est d’ailleurs aisé de faire le lien entre la désertification de la population juive dans certaines villes avec la politique de leurs édiles outrancièrement anti-israélienne, entraînant nécessairement des comportements antisémites chez leurs citadins.


Nous pensions toutefois cette situation conjoncturelle, comparable à une maladie aigüe, violente et douloureuse qui serait vite endiguée par quelques réactions énergiques.


Or depuis une dizaine d’années, la condition des Juifs de France s’est progressivement dégradée. Ce climat délétère qui ne devait être qu’épisodique, s’est durablement enraciné, au point de devenir structurel. L’inquiétude lancinante s’est installée de façon permanente, récurrente, comme une habitude ; le mal est devenu chronique. Le relais local devient essentiel pour le guérir.


Nous, Juifs de France, sommes profondément attachés à notre Pays, à ses valeurs et à ses principes, qui nous ont permis de vivre, depuis des siècles, sereinement et librement, notre judaïsme. Notre vœu le plus cher est de conserver notre foi en la France et en sa capacité à faire face à l’adversité. Il nous incombe de tirer la sonnette d’alarme et de sensibiliser les pouvoirs publics, mais s’il nous faut être en état d’alerte permanent, on ne doit pas céder à la panique.

Soyons vigilants, les résultats des suffrages à venir constitueront le nouveau baromètre de notre société. Demain, de nouvelles épreuves, au niveau national et européen nous attendent notamment sur nos pratiques religieuses.


Demain, la préservation d’une laïcité généreuse et « intelligente », digne de la France des Droits de l’homme que nous aimons tant, face à une laïcité combative, dévoyée et toujours plus restrictive, constitue aussi l’un des grands défis qu’il nous faudra relever ensemble.

(Paru dans Information Juive n°340)