Message de Joël Mergui, Président du Consistoire

Les membres du Conseil du Consistoire de Paris viennent de me reconduire à la fonction de Président de notre institution et je les en remercie.

Leur vote est le résultat de la confiance que vous m’avez témoignée le 24 novembre dernier, en soutenant mon programme et en choisissant, parmi les candidats, 11 hommes et femmes de mon équipe pour être les nouveaux administrateurs d’un renouveau du Consistoire.

Je mesure à sa juste valeur le poids des responsabilités que vous avez bien voulu me confier et je m’engage devant vous à m’en montrer digne et à tout faire pour ne pas décevoir les attentes que vous avez placées en nous.

A cet effet, j’ai présenté hier au Conseil qui l’a approuvé, un nouveau Bureau – volontairement restreint pour plus d’efficacité-  afin de mettre en chantier sans tarder les engagements que nous avions pris devant vous.

Vous connaissez les personnalités qui composent ce nouveau Bureau et celles qui viennent également d’être élues à la présidence des commissions de travail. Parmi elles se retrouvent les hommes et les femmes que vous avez désignées pour porter pendant les prochaines années le destin du Consistoire de Paris, avec conviction, rigueur et enthousiasme.

Personnalités de terrain, engagées au service de la cause communautaire et consistoriale, elles ont toutes un domaine de prédilection pour lequel elles vont développer des actions ou proposer de nouvelles orientations, après avoir pris la pleine mesure des besoins et des possibilités d’agir.

En effet, pour l’expérimenter vous-même au jour le jour, vous savez que seule la confrontation quotidienne et régulière avec la réalité permet de comprendre véritablement les enjeux et les attentes qui s’expriment dans toute la diversité et la complexité des aspects concrets de toutes les facettes de la vie juive.

Ce sont par exemple, les plus jeunes administrateurs de notre histoire qui vont se saisir de la question de la jeunesse, tandis que des chefs d’entreprises vont nous apporter leur savoir-faire en termes de rationalisation et d’efficacité. C’est à une professionnelle de l’éducation que j’ai confié la tâche de développer ce secteur et de l’adapter aux nouvelles exigences des familles et à une spécialiste du droit autant que du statut personnel que j’ai demandé de prendre en charge la question de la famille et des couples. Parallèlement, j’ai aussi ouvert nos commissions à des présidents de communauté dont le travail de proximité nous permettra de poser un regard et un questionnement différents.

Ces nouvelles expertises au service de notre institution vont s’additionner avec celles qui ont déjà fait leurs preuves et toutes ces expériences et compétences confondues vont nous permettre, ensemble, de tenir notre engagement pour notre identité et de refonder un Consistoire uni et fort.

Les événements de ces derniers jours nous renforcent dans la certitude que nous avons besoin, plus que jamais, d’unité et de cohésion pour faire face aux attaques contre notre identité, notre histoire et tout ce qui pourrait ou voudrait nous dénier le droit même d’exister comme Juifs en France.

L’antisémitisme, on l’a vu, a emprunté des masques nouveaux pour propager sa haine du Judaïsme et de notre peuple. Un provocateur qui faisait métier de faire rire s’est appuyé sur la volatilité et la souplesse des nouvelles technologies de la communication et des réseaux sociaux pour développer une véritable propagande contre les Juifs, sous couvert des pires préjugés antisionistes. Abrités derrière la liberté d’expression, inconditionnelle, se cachent à peine des individus et des mouvances que la seule haine d’Israël et du peuple Juif réunit comme boucs émissaires des maux de notre temps.

Longtemps, certains ont cru que la démocratie était synonyme de la liberté d’exprimer toutes les outrances, tous les excès jusqu’aux pires rancœurs. Ils ont volontairement privilégié l’expression  en oubliant que l’expression doit s’arrêter là où commence aussi la liberté d’autrui.

Généreuse notre République a fondé la laïcité comme un principe de neutralité pour fédérer en un même creuset démocratique les peuples, les cultes et les communautés. Crispée et échaudée par des tentatives de détournement de sens ou de récupération, la laïcité s’est durcie jusqu’à perdre sa souplesse originelle. Dans une société en quête de valeurs, devant la montée des extrêmes à mesure du développement de la crise économique et de l’accroissement de la mondialisation, les repères traditionnels auxquels se rattacher se sont troublés, laissant place à une angoissante recherche de sens et à des réflexes de peurs attisés par des profiteurs sans vergogne.

Dans ce contexte, les libertés religieuses des plus petites minorités ont semblé parfois vaciller dans leurs réalités quotidiennes et je songe notamment à notre droit à manger casher, à circoncire nos enfants ou à enterrer nos morts dans le respect de nos règles. C’est dans leurs applications concrètes que l’on juge autant des principes de laïcité que de leur réalité sur le terrain du quotidien.

Il nous appartient autant que tout autre – mais avec peut-être plus d’enjeux et de conséquences pour notre culte et notre culture- de veiller à ce qu’à l’image de la devise du Consistoire depuis deux cents ans, « Patrie et Religion », toutes nos valeurs continuent de pouvoir coexister ensemble dans le respect de chacun et dans l’observance de la devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité. »

A nous, à vous, ensemble, de nous réapproprier notre institution pour la rendre plus forte, capable de protéger notre communauté et lui servir de bouclier comme d’étendard. Nous avons reçu en legs de magnifiques valeurs, des trésors de vitalité et de bonnes volontés autant que d’imagination pour créer un espace de sérénité  et de convivialité ouvert à tous pour l’épanouissement de notre identité juive, le développement de nos structures, l’embellissement de nos synagogues et de notre patrimoine, l’éclosion de nos projets comme le futur Centre Européen du Judaïsme et l’essor de notre jeunesse articulé autour du lien intergénérationnel et de la solidarité.

Notre Consistoire aura la dimension que vous lui donnerez, avec vos administrateurs, vos présidents, vos élus, vos bénévoles. Il aura la force de toutes les bonnes volontés qui voudront venir nous rejoindre et que j’appelle de mes vœux pour travailler ensemble et donner vie à toute bonne initiative dans le sens de l’intérêt de tous. Il sera aussi le fruit du rapprochement amorcé ces   dernières années entre le Consistoire Central et le Consistoire de Paris, les Consistoires régionaux et nos communautés. Mutualisés, regroupés en une synergie efficace et dynamique, nous saurons mieux répondre à vos besoins et serons plus à même de lutter contre toutes les menaces qui pèsent sur nous et sur la transmission de vos valeurs et de notre identité.

Une dynamique est en marche, la mutation vers le Consistoire de l’avenir est enclenchée. A nous de la faire fructifier, de donner à nos idéaux, l’écho, le travail et la réalité que nous leur devons dans l’unité et la cohésion, à la base de toute réussite, et au service solidaire de chacun.

Le Ministre de l’Intérieur, la Garde des Sceaux et l’ensemble des pouvoirs publics viennent de nous donner des motifs supplémentaires d’espérer et de croire en la force des valeurs républicaines fermement ancrées dans notre pays. La plus haute instance administrative juridique de l’Etat vient de statuer de façon exemplaire sur le sens des fondements de notre société, sur la nature de ce qui la fonde et qui en aucun cas ne peut se prévaloir de la haine pour exister, s’exprimer ou se diffuser.

Il était fondamental que la Justice tranche, rappelle à l’ordre ceux qui commettent délits et désordres et démontre qu’une démocratie pour vulnérable qu’elle peut sembler n’est ni faible ni « molle. » Si la Shoah n’est pas un détail -comme l’affirment autant la Loi que l’histoire ou l’éthique-, la négation de la Shoah ne peut pas non plus être perçue comme un détail d’un pseudo spectacle.

J’ai confiance en l’avenir de notre communauté dans une France où les lois conservent le pouvoir et la liberté de garantir à chacun -même s’il appartient à la plus petite des minorités-, le droit fondamental d’être protégé dans sa vie et son identité.

A nous de tenir nos promesses vis à vis de nous-mêmes et de nos enfants et de faire en sorte que nos actions pèsent favorablement sur l’équilibre du monde où nous vivons.

Merci pour aide, merci de m’avoir permis de mettre mon engagement à vos côtés et au service des vôtres,

Avec mon cordial chalom,

Joël MERGUI