Message à l’ensemble des communautés juives de France

C’est un grand honneur pour moi de rédiger ce message à l’ensemble des communautés juives de France. C’est aussi une grande responsabilité que d’avoir été élu pour accompagner chaque rabbin, chaque présidente et président dans les besoins de ses fidèles, de développer le judaïsme français et de contribuer ainsi à l’unité de toutes nos actions et de toutes nos synagogues.

L’unité vient toujours de la diversité et c’est précisément notre force que de pouvoir additionner toutes vos réalisations afin d’illustrer le dévouement et l’engagement de tous les cadres communautaires, salariés ou bénévoles, qui bâtissent au quotidien un judaïsme de la joie, du bonheur et du partage. Certaines communautés comptent de très nombreux fidèles, d’autres sont moins fréquentées, mais il n’y a jamais de petites communautés car la force d’une vie juive locale ne se mesure qu’à l’énergie que vous déployez. Et je sais qu’elle est grande. J’ai pu le mesurer lors de mon premier chabbat passé en province, auprès d’une communauté, celle de Bayonne-Biarritz, où, avec le président Joël Mergui, nous avons vu les traces du passé avec un des plus anciens cimetières de France, le présent avec la réinauguration de la synagogue, et la garantie du futur avec la somme de dévouement de toute une communauté portée par son rabbin et sa présidente. Mais il sera important dans le futur de trouver des synergies locales ou régionales, de créer des partenariats nouveaux entre des grandes villes et de plus modestes, et de réaliser une véritable ahdout, une belle unité, c’est-à-dire une complémentarité.

Nous devons prendre la mesure de notre immense patrimoine et pouvoir le mettre en valeur. Ainsi, la collecte des photos des monuments ou des plaques à la mémoire des soldats tombés pour la France est une oeuvre de mémoire importante initiée par l’aumônerie militaire et qui concerne notre histoire commune.

Nous avons nommé deux médiateurs auprès du président du consistoire et de moi-même afin de faciliter les relations entre nos communautés et les fidèles, et c’est déjà une réussite. Tout comme la mise à disposition de nos rabbins auprès de très nombreuses colonies de vacances qui a été un beau succès.

Nous lancerons ensemble encore beaucoup de projets portant toujours le même objectif de réunir, de rassembler et de forger un esprit réellement communautaire. Nos synagogues sont les épicentres de la vie juive et si d’autres portent avec nous cette belle idée de communauté, le Consistoire en est le coeur parce que nous sommes le point fixe du judaïsme. Pour ceux qui le savent, mais également pour ceux qui ne le savent pas encore et pour qui nous n’avons pas trouvé les mots et les gestes pour les en convaincre.

Méconnu du grand public, le septième et dernier jour de Soukot, la fête des cabanes, le 21 Tichri, joue un rôle essentiel dans notre calendrier. En ce jour appelé Hochana Raba, la grande délivrance, nous tournons sept fois autour des rouleaux de la Torah en implorant : «De grâce Eternel, sauve-nous, de grâce Eternel, fais nous réussir». Puis nous prenons un bouquet de cinq branches de saule que nous frappons sur le sol. Le Imré Emet, rabbi de Gour au début du XXème siècle, en donne la signification suivante : parmi les quatre espèces agitées quotidiennement à Soukot, le palmier, la myrte, le cédrat et le saule, ce dernier est le plus modeste car il ne donne aucun fruit comestible ni ne dégage le moindre parfum.

Il représente ces personnes dépourvues de la connaissance de la Torah et distantes de la pratique des commandements.

Au terme de notre chemin de vingt jours d’élévation spirituelle du mois de Tichri, nous tenons, en nous saisissant de ces branches de saule, à associer au destin de notre peuple, ces juifs oubliés de tous et souvent d’eux-mêmes, leur tendre la main, leur garantir qu’ils ont leur place dans nos communautés, dans nos synagogues et dans nos coeurs. J’aime cette fête car elle reste peu connue et pourtant elle est au centre de nos préoccupations de toute l’année.

Après les événements si douloureux que nous avons traversé durant les dernières semaines, et si beaucoup peuvent s’inquiéter, la foi du peuple juif en l’Eternel, la détermination de tous et le soutien fort de l’Etat nous poussent à retrouver confiance en notre futur. Personne ne nous fera abdiquer de notre vie juive.

Depuis 3500 ans, c’est pourtant l’objectif de nos ennemis que nous rappelons le soir du seder de Pessah: «À chaque génération, quelqu’un se dresse pour nous exterminer, et l’Eternel nous sauve de leurs mains». Il en ira de même, ici, en Israël et partout dans le monde, car le judaïsme français a toujours donné l’exemple en ne cédant jamais, y compris pendant la Seconde Guerre mondiale où les synagogues sont restées ouvertes malgré tout.

Nous savons que la République ne reculera pas devant ses ennemis, qui sont aussi les nôtres, car si nous ne devons pas avoir peur par vocation, nous devons être confiants parce que l’antisémitisme, en France, est bien désormais l’affaire de tous.

Que cette nouvelle année 5775 soit porteuse de santé, de bonheur et de paix pour l’ensemble de notre communauté, pour la France et pour Israël.

Haïm KORSIA, Grand Rabbin de France