Médiation et guett, évolution ou révolution ?

Ces deux dernières années ont été l’occasion d’une expérimentation unique au service des divorces religieux ou guett au Consistoire de Paris et l’heure est venue de dresser un premier bilan.

Sans faire de triomphalisme – car une famille qui se brise est toujours un échec – nous avons pu mettre en place des outils de nature à favoriser une pacification des procédures, pouvant conduire dans certains cas à des temps de réflexion parfois propices à des réconciliations.

Le service de médiation familiale du Consistoire de Paris a vu le jour en juin 2017 sur proposition de la commission Famille, en accord avec M. le Grand Rabbin de Paris, le Président Joel Mergui, le vice-président Jack-Yves Bohbot et l’ensemble du conseil.

La création de ce service répondait à une double attente :

– aider les familles à résoudre leurs conflits pacifiquement grâce à l’intervention bienveillante d’un tiers neutre et impartial, qualifié et soumis à la plus stricte confidentialité

– protéger les rabbins en charge du guett de toute implication dans des conflits ou règlements de compte d’ordre privé

Une étape supplémentaire a été franchie lorsque la médiation familiale préalable à toute ouverture de dossier de divorce ou guett a été rendue obligatoire sur décision du Grand Rabbin de Paris en date du 14 novembre 2017.

Depuis cette date, à moins qu’ils ne soient déjà divorcés civilement ou qu’ils fassent état de violences conjugales avérées, tous les couples ont l’obligation de rencontrer un médiateur au Consistoire lors d’un entretien préalable à leur ouverture de dossier.

Curieusement, ceux qui de prime abord estiment qu’il s’agit pour eux d’une perte de temps, sont finalement conquis par cet espace de communication unique et livrent en toute confiance leur histoire commune et leurs inquiétudes, avant d’envisager plus sereinement leur avenir et celui de leurs enfants.

Les médiateurs – qui sont strictement sélectionnés pour leurs compétences professionnelles et leur expérience – font preuve d’une grande capacité d’écoute et de conseil, et il n’est pas rare que les couples décident de s’accorder une seconde chance ou un délai de réflexion à l’issue de ce premier entretien.

Il va sans dire que ce nouveau processus a permis de désengorger le tribunal rabbinique et a entraîné une réduction des délais de procédure devant cette juridiction, actuellement ramenés à deux mois environ.

Parallèlement, soucieuse de ne laisser aucun des conjoints seul face à un refus de délivrance ou de réception du guett, la commission Famille a mis en place une permanence d’avocats spécialisés en droit de la famille, qui prodiguent chaque semaine, au sein même du service des divorces, des conseils, et peuvent mener à bien pour les époux des procédures civiles, le cas échéant.

La province n’est pas oubliée puisque nous disposons d’un réseau d’avocats spécialisés dans l’obtention du guett sur tout le territoire français.

L’envoi d’un simple courrier d’avocat suffit bien souvent à débloquer un dossier lorsqu’est rappelée la jurisprudence constante de la Cour de Cassation en matière de guett.

L’intervention des membres de notre équipe, qui sont à la fois médiateurs diplômés et, pour la plupart, avocats spécialisés, dépasse aujourd’hui largement le cadre de Paris et de l’île de France, puisqu’il arrive que des couples habitant en régions, se déplacent spécialement à Paris pour rencontrer un médiateur du Consistoire.

Actuellement, les communautés de Marseille et Nice, ont sollicité notre concours pour la création de services similaires dans leurs villes.

Une antenne de notre service de médiation familiale a vu le jour en Israël en février 2019, elle est spécifiquement dédiée aux francophones ayant fait leur alyah et rencontrant des problèmes familiaux qu’ils souhaitent résoudre hors des tribunaux.

Nous avons pu rencontrer à Tel Aviv, il y a quelques mois, Ayelet Chaked, alors ministre de la justice, qui a accueilli favorablement ce projet à destination de la communauté francophone et recevra notre équipe suite aux prochaines élections législatives en Israël, afin d’officialiser notre mission auprès des tribunaux israéliens.

Mais nous sommes bien conscients que d’autres problématiques d’ordre familial peuvent se résoudre en médiation et nous sommes aujourd’hui face à un nouveau défi.

Notre équipe est sollicitée dans les maisons de retraite, les écoles juives, dans le cadre de successions délicates, de liquidations de régimes matrimoniaux, de rupture de liens familiaux et cette liste n’est pas exhaustive.

Rencontrer au Consistoire un médiateur de la communauté, soumis au plus strict secret, rassure et apaise les familles.

Les résultats sont le plus souvent à la hauteur de leurs espérances et elles n’hésitent pas à le faire savoir.

En effet, en règle générale, à l’issue de trois séances d’environ deux heures chacune, un accord est conclu et il peut, au besoin, être homologué par le tribunal.

Cette évolution procédurale devant le tribunal Rabbinique de Paris est une véritable révolution puisqu’il a pu être constaté qu’après le rendez-vous obligatoire de médiation imposé par le tribunal rabbinique, les époux, qui ont largement pu exprimer leur ressenti, leur frustration, leurs inquiétudes, ne refusent que très exceptionnellement de délivrer ou recevoir le guett, le médiateur ayant largement attiré leur attention sur les conséquences d’une telle attitude.

Dans les quelques rares cas de crispation, les avocats spécialisés de notre équipe entrent en action jusqu’à l’obtention d’un résultat, avec l’aide, parfois, de nos correspondants israéliens.

Une douzaine d’experts, parmi lesquels d’anciens magistrats, des avocats et des médiateurs chevronnés, sont mobilisés en permanence pour venir en aide aux familles en difficulté.

Ces professionnels se forment continuellement au Consistoire et à l’extérieur pour offrir le meilleur service à la communauté.

Ils sont tous placés sous la supervision pédagogique de Madame Jocelyne Dahan, elle-même formatrice et médiatrice de référence, et l’expertise de Madame Danièle Ganancia, Magistrat honoraire, ancienne vice-présidente des tribunaux de grande instance de Paris et Nanterre.

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