L’antisionisme systématique est un antisémitisme, par Joël Mergui

Un siècle ne s’est pas encore totalement écoulé, des témoins et des acteurs de l’époque la plus sombre de l’Europe sont encore en vie, des familles conservent toujours la mémoire douloureuse de leur disparus, que déjà resurgissent sur le vieux continent les violences, la haine et les relents antisémites.

En France, lorsque ce n’est pas sur les synagogues, des graffitis souillent les murs d’une faculté de Droit à Strasbourg, des croix gammées vandalisent massivement des cimetières juifs, dont celui, il y a quelques jours de Westhoffen, où s’égrènent sur les tombes profanées des noms de familles juives célèbres, synonymes de grands serviteurs de l’État comme Blum ou Debré.

Les vieilles thèses nazies – que l’on avait espérées bannies à jamais de la conscience collective – reprennent de la vigueur. Elles s’appuient sur toutes sortes d’inepties, à la faveur de la banalisation des théories complotistes, de la superficialité des connaissances, de la floraison bavarde de réseaux sociaux concurrents et de la difficulté politique et sociale à voir se construire un sens commun de l’intérêt général.

Lorsque les forums d’internet confondent liberté d’expression et appels à la haine, lorsqu’en réaction à la peur de l’immigration et à la dissolution des identités, les violences des suprémacistes blancs – nouvelle garde des nazis d’hier- se conjuguent à la terreur des islamistes radicaux, le produit de cette confrontation explosive est comme toujours l’opprobre et la condamnation des juifs et désormais celles d’Israël.

Certains font mine de croire qu’il est juste, moral et pacifique d’appeler aux sanctions, au boycott et de mettre à l’index un seul pays au monde, son économie entière, son peuple sans distinction, tous les pans de sa culture, ses universités, ses sportifs, ses scientifiques, tout autant que ceux qui partagent partout ailleurs le même culte et la même identité de cœur.

Ceux-là ne reconnaissent jamais rien de positif aux israéliens ni aux juifs que ces derniers soient : Prix Nobel, chercheurs, artistes, intellectuels, inventeurs, politiciens, créateurs, hommes ou femmes de bien.

Ils affirment pourtant refuser tout amalgame – un bien joli mot qui bouche les carences de la pensée -, ceux qui refusent la « judéophobie, » créée sur le modèle de « l’islamophobie ». Et pour cause, l’antisémitisme traine un lourd passé de juifs assassinés par millions, toujours sauvagement. Le négationnisme et la révision de l’histoire n’empêchent pas de réviser la réalité d’aujourd’hui et les mots du présent. L’antisémitisme n’a cessé d’évoluer, la sémantique antisémite aussi. Les faits ne mentent pas : c’est bien un nouveau visage de l’antisémitisme qu’abrite l’antisionisme systématique, lequel n’a rien de critique !

Voilà pourquoi, je remercie les 154 députés qui viennent d’adopter la résolution du député Sylvain Maillard de souscrire à la définition de l’organisation intergouvernementale pour la mémoire de la Shoah (IHRA). Celle-ci, qui compte 31 pays membres dont la France, avait adopté, en mai 2016, une définition consensuelle et non contraignante de l’antisémitisme permettant d’inclure cet antisionisme négateur. Leur vote permet enfin à la France de suivre la recommandation du Parlement européen qui, depuis sa validation en juin 2017, appellent ses États membres à en faire de même.

L’Allemagne qui y avait souscrit dès septembre 2017, a connu pour 2018 une augmentation de près de 20% des actes antisémites par rapport à l’année précédente, des actes principalement dus à des néonazis, comme celui qui a tué deux personnes à Halle, après avoir voulu commettre un massacre dans la synagogue, le jour emblématique de Yom Kippour. La même année en 2017, l’Office fédéral pour la protection de la Constitution (BfD) attirait l’attention sur les campagnes de boycott systématique d’Israël accusé de tous les maux et nié dans son droit à l’existence.

Si l’Allemagne dénonce sans fard les rejetons d’une idéologie mortifère antisémite et antidémocratique qu’elle a vu naître et prospérer, pourquoi en France devrions nous avoir des états d’âme et nous effaroucher d’une réalité dont la méconnaissance risque de nous faire perdre de précieuses années dans la lutte contre la haine des juifs et toutes les haines ?

C’est à l’honneur de l’Allemagne démocratique d’aujourd’hui que sa Chancelière madame Angela Merkel,  refuse d’oublier le passé en allant se recueillir à Auschwitz, ce vendredi 6 décembre, pour tenter d’éveiller à la paix les consciences des jeunes générations d’aujourd’hui, pour que ces dernières n’oublient pas combien il est facile de sombrer dans l’horreur absolue, avec au départ simplement la haine de tous les juifs, quels qu’ils soient.