La fonction initiatique de la Sortie d’Egypte, par le Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim

De tous les sacrifices qui étaient offerts au Temple de Jérusalem, le sacrifice pascal était le seul à devoir être impérativement consommé par son propriétaire.

Aujourd’hui encore, la fête de Pessa’h est le seul moment de l’année où il nous est fait obligation, par la Torah, de manger un mets bien particulier – en l’occurrence la Matsa. Pourquoi la célébration de la Sortie d’Egypte doit-elle donc s’effectuer à travers la nourriture ?

Il est très important de prendre conscience du fait que le Don de la Tora a révolutionné, chez le peuple juif, la conception du service divin : contre toute attente, le corps et la matière n’en sont pas exclus. Bien au contraire, ils en constituent le support, la charpente, l’outil incontournable. Si bien que l’esprit et le corps se révèlent complémentaires ; ils s’enrichissent mutuellement, et fonctionnent en synergie au service de D.

Cette révélation s’avère très favorable à l’équilibre humain : tant qu’il l’ignore, l’homme est le terrain d’une guerre perpétuelle, il est tiraillé sans cesse entre les exigences contradictoires de ses deux composantes. Grâce à cet apport unique de la Torah, il peut trouver la paix.

Tel est le sens profond du fameux verset (Ps.29,11) : « D. donne à Son peuple une Force – la Torah – et à travers ce don D. bénit Son peuple par la paix! »

Or l’asservissement en Egypte, – confrontation forcée avec la civilisation de l’impureté, le culte de l’animal et de la matérialité. La leçon de Hillel revêt dès lors, nous semble-t-il, une dimension saisissante : Pour renforcer l’unité d’Israël, pour rester fidèle à sa mission ontologique, chaque individu a le devoir de se consacrer à la collectivité !

Et même lorsqu’il accomplit cette obligation, il n’est pas encore quitte: tous ceux qui se dévouent et agissent pour le bien de la communauté doivent avoir comme souci prioritaire, de maintenir, voire de raffermir sa cohésion et son unité ; c’est seulement ainsi qu’ils manifesteront leur «amour du Ciel» !

Dans la mesure où la commémoration de la sortie d’Egypte est aussi celle de la constitution d’Israël en tant que peuple, ce jugement porté à l’encontre du Racha’ s’adresse en fait à chacun d’entre nous, et apparaît comme une des leçons centrales de la fête de Pessa’h.

‘Hag saméa’h !