Joël Mergui : Quels défis pour l’avenir ?

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Après l’élection de 14 nouveaux administrateurs le 24 novembre dernier, Joël Mergui vient d’être réélu Président du Consistoire de Paris par le Conseil de l’institution ce 8 janvier. Information juive s’est entretenu avec lui de ses projets et de sa vision de l’avenir.

Information Juive : Quelle leçon avez-vous tirée de la façon dont se sont déroulées les récentes élections ?

Joël Mergui : Une élection c’est un moment de vérité. Il y a donc toujours des tensions et des heurts d’autant plus difficiles que les enjeux et le contexte sont importants, même si cette fois on peut déplorer certains excès. Nous concernant, nous avions un projet mais également un bilan concret à défendre. Les électeurs ont fait leur choix parmi tous les candidats, ils ont préféré les faits aux discours. Le travail réalisé ces dernières années par les services du Consistoire a payé. Dans un contexte de fortes inquiétudes, la communauté a privilégié le programme d’un Consistoire rassemblé et uni pour être en mesure de faire face aux enjeux actuels et à venir. Elle a fait confiance à des personnes engagées qui ont effectivement travaillé sur le terrain pour défendre les intérêts de notre communauté et c’est selon moi une des raisons majeures de notre réélection. Cette confiance renouvelée est synonyme de responsabilités encore plus grandes, ce n’est pas le signe d’un aboutissement mais au contraire d’un nouveau départ pour aller encore plus loin et faire mieux.

I.J. : Est-ce que vous diriez que l’équipe que vous venez de constituer est plus homogène que la précédente ?

J.M. : Sans conteste oui. Pour mémoire, lorsque j’avais repris la présidence du Consistoire de Paris, j’ai travaillé avec une équipe dont un certain nombre de membres ne partageaient pas du tout ma vision du Consistoire. Aujourd’hui, l’équipe élue est plus homogène, elle partage les mêmes buts et elle réunit des expériences et des compétences complémentaires pour trouver les moyens d’y parvenir. Cette homogénéité n’a pourtant rien avoir avec de l’uniformité, bien au contraire. Les profils et les générations sont très variés nous avons par exemple des chefs d’entreprise avec Alexandre Elicha et Sabine Roitman, des polytechniciens comme Max David Ghozlan ou Daniel Vaniche et des avocats comme Alex Buchinger ou Elisabeth Steiner parmi les nouveaux administrateurs. Avec les « anciens » tels que Evelyne Gougenheim, Jack Yves Bohbot, Michel Gurfinkiel ou Elie Korchia, les nouveaux élus forment une équipe de militants, proches des préoccupations quotidiennes de chacun qui n’excluent personne et mettent au contraire leurs compétences au service de la communauté et de ses besoins. J’ai invité dès le jour de l’élection toutes les bonnes volontés de toutes les sensibilités à venir travailler avec nous en faveur de notre l’institution et pour l’intérêt général de la communauté.

I.J. : Quelle est aujourd’hui la situation de l’Acip ?

J.M. : L’administration de notre institution est en bon ordre de marche et les services religieux sont fédérés autour du Grand Rabbin de Paris Michel Gugenheim et du Directeur du Séminaire le Grand Rabbin Olivier Kaufmann qui ensemble assurent l’intérim du Grand Rabbin de France jusqu’aux élections qui auront lieu dans les prochains moins. Il reste beaucoup à faire bien sûr et le Consistoire va continuer de se moderniser et de s’adapter aux demandes et aux besoins de ses adhérents comme des membres de la communauté. Nous avons tiré des enseignements de la campagne électorale et, dès le lendemain de ces élections, nous avons fait le point pour réajuster nos diagnostics sur tout ce qu’il faut améliorer dans le fonctionnement de notre institution et le travail est d’ores et déjà engagé.

I.J. : Sur quels aspects en particulier comptez-vous mettre l’accent dans l’avenir ?

J.M. : Sans que cela soit exhaustif, il y a d’abord des réformes de structure. Aujourd’hui l’union entre le Consistoire de Paris, le Consistoire Central et les différents Consistoires régionaux est une réalité qui fonctionne, mais elle reste une réalité de terrain révocable. Nous devons faire en sorte qu’elle soit inscrite dans la durée, que l’unité soit un point de départ en même temps qu’un objectif, c’est ce que j’ai essayé de réaliser ces dernières années. Depuis quelques années, on déplore un décalage entre le nombre de personnes qui s’expriment lors des élections et celui des votants potentiels. Il nous faut donc améliorer nos modèles électoraux de manière à mieux impliquer toute la base communautaire dans la marche générale du Consistoire. Nous venons de réaliser une grande enquête avec Eric Cohen et Shmuel Trigano sur la gouvernance communautaire. Il est important de savoir comment impliquer davantage les décideurs communautaires en Ile de France dans la marche générale de leur Institution. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé aux présidents de communauté porteurs de projets de participer concrètement aux chantiers du Consistoire en devenant présidents de commission. Dans 10 ou 20 ans, l’alya entraînera probablement le regroupement de plusieurs communautés pour faire face au dépeuplement. Le Consistoire doit non seulement anticiper ce mouvement mais également offrir sur place nos services aux Olim, en créant en Israël l’antenne du Consistoire qui favoriserait toutes leurs démarches. Vraisemblablement il y aura des modifications dans la répartition démographique de notre communauté et nous devons les accompagner. C’est dans cette optique que nous avons créé une communauté dans le 16ème arrondissement, et que nous construisons le Centre Européen du Judaïsme dans le 17ème arrondissement, un chantier activement soutenu par Daniel Vaniche et Murielle Gordon Schor. La dimension européenne de ce phénomène démographique est indéniable : aujourd’hui les enjeux du judaïsme parisien existent à l’échelle européenne. La consolidation de nos liens avec l’Europe est donc essentielle et si l’accent doit être porté sur l’amélioration de la qualité de nos services, nos efforts doivent se concentrer sur la jeunesse qui héritera demain de la gestion de cette situation. C’est dans cette optique qu’est né l’IFM-SAJ (SIF), un institut de formation à vocation multiple destiné à répondre à ces enjeux. Créé pour moderniser l’école rabbinique, il nous permet aussi de former nos jeunes comme nos personnels et les bénévoles de nos communautés. Opérationnel, il est déjà à la disposition des chefs d’entreprise, des communautés et des institutions comme des associations Nous avons historiquement joué un rôle dans la création de centres ou de mouvements de jeunesse, je pense notamment au Centre Fleg, à Tikvatenou ou à la ‘Hazac, et il est important que ce travail puisse se poursuivre avec les autres associations de jeunesse. Mais nous avons, au-delà de l’histoire, un devoir de transmission, c’est pourquoi je suis très heureux qu’il y ait deux jeunes élus, Sarah Tellouk et Yoann Boccara, dans une enceinte qui était traditionnellement réservée à des notables. J’aimerais que cet exemple soit générateur d’une prise de conscience et d’actes forts pour que dans chaque communauté deux ou trois jeunes participent aux décisions. Nous devons attirer la jeunesse en dépit d’une crise certaine du militantisme. Quitte à me répéter, notre devoir n’a pas changé : défendre le Judaïsme mais aussi intégrer à l’intérieur de nos communautés les juifs qui en sont les plus éloignés à commencer par les jeunes qui feront le Judaïsme français de demain.

I.J. : N’y a-t-il pas aujourd’hui nécessité d’unir les efforts de toutes les institutions juives ?

J.M. : Toutes les institutions ont leur rôle à jouer et il est normal qu’elles soient spécialisées à une époque où règne l’hyperspécialisation. Non seulement on ne se contente plus des généralistes, mais les généralistes ne sont plus en mesure de tout assumer seuls. Nous sommes toujours dans la même logique : notre environnement a évolué, nos réponses et nos outils doivent être en mesure de s’adapter pour être à la hauteur des enjeux et rester pertinents.

I.J. : C’est le médecin qui parle là…

J.M. : Non c’est l’homme de la société. Cela est vrai en médecine mais cela vaut aussi pour les avocats, les ingénieurs ou pour les hommes politiques. Notre monde ne tolère plus l’à peu près ce pourquoi l’on observe partout des rapprochements. La mise en commun des savoirs, des compétences, et la mutualisation des ressources sont en train de devenir non seulement des réalités mais aussi de nouvelles normes. Alors bien sûr les institutions doivent rester singulières et avoir des objectifs propres, mais au-delà de leurs spécificités, il est essentiel qu’elles se concertent sur les grands enjeux et travaillent en commun. Le monde bouge et nous ne pouvons pas rester immobiles à le regarder évoluer sans nous. Pour ne pas être dépassés, il est essentiel que nous travaillions de façon commune et transversale, autrement dit, que nous avancions dans la même direction et que nous soyons là aussi plus unis.

I.J. : Est-ce vraiment le cas aujourd’hui…

J.M. : Tout n’est pas parfait à tous points de vue pourtant la coopération existe bel bien par exemple pour la collecte de la Tsedaka. L’appel national est lancé par le Fond Social mais en partenariat avec le Consistoire dont le maillage des communautés sur tout le territoire permet de relayer et de soutenir l’action légitime. De même, lorsqu’il y a des combats politiques à mener pour lutter contre institutions se retrouvent autour de la table avec le SPCJ pour essayer de défendre nos projets communs. J’ai proposé que le bureau du Consistoire Central accueille- ce qui sera fait dans les mois qui viennent – deux ou trois fois par an, les présidents des autres grandes institutions pour que des échanges structurels soient mis en place. La communauté s’est clairement exprimée lors des élections consistoriales sur des sujets concrets qui, de fait, relèvent de la légitimité du Consistoire et le concerne directement au quotidien. Qu’il s’agisse de la liberté de manger casher, de continuer à circoncire nos enfants ou de défendre une laïcité tolérante, le Consistoire est aujourd’hui porteur de responsabilités très lourdes par rapport aux décennies précédentes. A l’évidence, ces défis nouveaux nécessitent que le Consistoire soit le plus uni, le plus fort et le plus performant possible. Pour autant, ils nécessitent que le Consistoire travaille avec les autres institutions et c’est ce qu’il va faire encore plus activement dans tous les domaines qui relèvent de sa compétence. Par exemple, Anne-Marie Boubli, désormais en charge de l’éducation, va rencontrer tous les directeurs des différentes écoles juives avec pour but d’harmoniser les standards éducatifs pour la Bar Mitzva. Les cantines scolaires sont cashères ? Voyons comment en harmoniser ensemble la surveillance Beth Din dans toute la France, un projet que suivent avec attention David Amar et le Grand Rabbin de Paris. Sur chaque sujet, il existe non seulement des raisons de travailler ensemble mais aussi des problèmes communs à résoudre. L’exemple le plus flagrant est bien entendu la lutte contre l’antisémitisme qui concerne non seulement tout le monde mais qui s’inscrit dans les missions de toutes les grandes institutions comme le Crif, le Fond Social ou le Consistoire. Vice-président de l’ACIP, Sammy Ghozlan va travailler avec nous dans cette dynamique. On ne se le représente pas toujours tellement c’est évident, mais le Consistoire possède également une dimension sociale importante. En effet, les communautés sont fréquemment exposées aux questions de logement, de perte et de recherche d’emploi, de précarité alimentaire ou d’isolement des personnes âgées ou handicapées notamment et s’impliquent dans le travail social de proximité. On le voit le Consistoire agit dans plusieurs domaines, il n’est pas enfermé dans une définition restrictive, il évolue à l’image des besoins et des attentes de la communauté tout en restant au coeur de ses missions religieuses. L’hyper spécialisation des institutions doit se poursuivre sans être synonyme de perte de sens, d’abandon ou d’émiettement. Chaque Institution doit continuer à entretenir sa vocation propre tout en développant un travail inter-institutionnel de qualité. Pour sa part, le Consistoire rend annuellement et régulièrement des comptes à la communauté sur ses actions et ses projets mais aussi sur ses dépenses et ses moyens financiers. Il serait souhaitable que toutes les associations qui procèdent à des collectes ou reçoivent des dons agissent avec la même transparence. Cela permettrait notamment de dissiper des malentendus et des jugements erronés comme celui qui consiste à croire que le Consistoire est le principal bénéficiaire de la générosité communautaire. Surtout, cela aurait pour avantage de clarifier les relations qu’entretient la communauté avec ses institutions. Dans le contexte de crise que nous connaissons, j’engage du reste tous les donateurs à n’accorder leurs moyens financiers qu’aux associations qui rendent des comptes à la communauté.

I.J. : Comment réagit le président du Consistoire face à ce qu’on a appelé l’affaire Dieudonné ?

J.M. : C’est le prolongement de ce que nous dénonçons depuis maintenant des années : une forme de banalisation de la parole antisémite, comme si réviser l’histoire, nier la Shoah ou haïr les Juifs, dans le fond ce n’étaient pas si grave que ça. Juste à titre de comparaison, par le passé, lors des profanations à Carpentras, un million de personnes avaient manifesté leur émotion dans la rue. Lorsqu’un certain homme politique avait estimé que « La Shoah est un détail de l’Histoire, » l’émoi fut général et il fut pratiquement mis au ban de la société de façon spontanée et évidente. Aujourd’hui, prétendre que « la négation de la Shoah et l’antisémitisme ne sont que des détails d’un spectacle » n’apparaît pas choquant et encore moins problématique. Et cela, nous ne pouvons pas l’admettre. Bien entendu dans cette affaire, les réseaux sociaux ont été des outils de transmission parfaits puisqu’ils sont très peu voire mal contrôlés. Très certainement, il aurait fallu agir plus tôt au lieu d’aboutir à une situation d’une telle ampleur mais en même temps, nous avons pu mesurer avec plus d’exactitude l’état d’esprit de la société et le degré d’implication des pouvoirs publics. Je dois dire que nous avons été soulagés et rassurés par la réaction très ferme du ministre de l’Intérieur et le soutien de la Garde des Sceaux comme du Président de la République. Il reste à attendre que la justice agisse et que les condamnations soient suivies d’effet, mais j’ai confiance dans la suite des évènements, j’espère que ceux qui s’imaginaient soutenir un polémiste « anti-système » comprendront qu’ils ont été manipulés par un ambitieux avide de gloire pour qui la haine des juifs est tout simplement un lucratif fonds de commerce.

I.J. : Est-ce que vous diriez que depuis cette banalisation de l’antisémitisme la communauté juive est d’une certaine façon déstabilisée ?

J.M. : La communauté juive est inquiète, elle s’interroge. Je le constate à chacun de mes déplacements. On me demande souvent : « qu’allons-nous devenir ? Est-ce qu’on est suffisamment défendus ». Il y a 20 ans, l’antisémitisme n’était pas si présent dans nos priorités. Il est réapparu progressivement dans les années 2000 et aujourd’hui il se dissimule à peine derrière la détestation d’Israël. Du reste, on l’a vu lors du décès d’Ariel Sharon. Alors qu’il fut un ardent défenseur de la sécurité de son pays, c’est la politique d’Israël qui fut stigmatisée au travers lui. Pour beaucoup, être antisioniste et contre les Juifs se résume à une même approche politique ou conceptuelle. Il y a 8 ans, la liberté religieuse n’était même pas perçue comme une question encore moins un enjeu. Et je dis et redis à la société civile comme aux pouvoirs publics, s’ils n’apportent pas de solution à ces deux questions, les Juifs de France auront des raisons de s’inquiéter pour leur avenir.

I.J. : Est-ce que Joël Mergui se fait le porte-parole de ces inquiétudes et de ces interrogations par exemple auprès des responsables du pays ?

J.M. : Je l’ai dit à tous les membres du précédent gouvernement et je l’ai répété à tous les membres du nouveau gouvernement que j’ai eu l’occasion de rencontrer, au Président de la République au Premier ministre et aux différents ministres concernés. Je crois que ma responsabilité est de continuer à sensibiliser les pouvoirs publics à tous les niveaux comme d’alerter la société civile sur nos difficultés. Celles-ci du reste ne sont pas à proprement parler des problèmes, mais des réajustements à faire si l’on veut bien les voir avec bienveillance et bonne volonté. Je pense notamment aux questions des examens durant les fêtes juives pour lesquels nous nous battons pour qu’aucun étudiant n’ait à choisir entre sa foi et son avenir professionnel. A Metz, il y a quelques jours, j’ai rencontré le maire, le sous-préfet et un certain nombre de personnalités politiques dans le cadre d’un hommage à Raphaël Levy, un homme injustement accusé et exécuté pour meurtre rituel il y a 344 ans, parce qu’il était Juif. Je leur ai parlé de notre malaise, et du sentiment de plus en plus prégnant qu’une certaine marginalisation des Juifs croyants est lentement à l’œuvre et qu’elle aurait des répercussions à long terme s’il s’avérait que tout n’était pas fait pour n’exclure personne. C’est une sensibilisation de terrain qu’il faut faire en permanence et à tous les niveaux de l’Etat. Si l’exemple des décisions prises au sommet de l’Etat est important, il est primordial que les relais locaux, mais les relais d’opinions comme les intellectuels, les sportifs, les hommes de médias, mais aussi tout un chacun prennent conscience des problèmes et agissent à leur tour. Lors des inaugurations ou des cérémonies d’anniversaire d’une synagogue, je répète souvent aux élus politiques que si cette synagogue dans 10 ans ou dans 15 ans devait devenir un musée, parce qu’il n’y aurait plus de Juifs, cela voudra tout simplement dire que l’on aura rien fait ou pas assez pour que les juifs aient envie autant que la possibilité de rester. Les Juifs ont conscience d’avoir contribué à bâtir l’Europe et la France, d’avoir apporté une contribution non négligeable à l’identité française et européenne. Nos coreligionnaires se sont engagés lors de toutes les guerres pour défendre leur patrie. Je ne peux imaginer un instant que l’on puisse progres-sivement renier une partie de nos droits à vivre au quotidien notre identité. Il appartient donc aussi aux différents gouvernements d’Europe de restaurer l’envie chez leurs composantes juives de continuer à faire partie de l’Europe.

I.J. : Je voudrais justement inviter Joël Mergui à faire un effort d’imagination, certes difficile, mais un peu prospectif… Comment vous voyez le judaïsme français dans 20 ans ? 20 ans c’est demain !

J.M. : Il y a près de 15 ans rappelez-vous quand l’intifada a commencé, nous appréhendions dans l’émotion que dans 10 ou 15 ans il n’y ait plus de juifs en France. En 2001, les synagogues commençaient à bruler. Au Consistoire Central (je n’étais pas encore président) on avait décidé de geler pendant un an les projets d’extensions ou de constructions. C’est d’ailleurs à cette même époque que nous avions entrepris les voyages de soutien à Israël et que nous avions été reçus par Ariel Sharon. Aujourd’hui, 15 ans plus tard, même si l’Alya a augmenté, même si l’inquiétude est là, malgré l’épisode Ilan Halimi et la tragédie de Toulouse, le Judaïsme français reste florissant bien que vigilant. La prospective en ce domaine est difficile on le voit bien et l’impact des événements doit se mesurer sur le long terme et ne pas s’arrêter à l’émotion du moment. Dans 10 ou 15 ans, la situation des Juifs dépendra très probablement de deux facteurs : la manière dont la France et l’Europe transcriront dans les faits l’idée d’une laïcité intelligente et surtout la façon dont ils auront géré l’islamisme radical et toutes les formes d’extrémisme. Quoi qu’il en soit, quelle que soit notre communauté demain, il sera toujours de la responsabilité du Consistoire de la faire vivre et s’épanouir le mieux possible conformément à ses missions et fidèlement aux valeurs du Judaïsme.

I.J. : Etes-vous aujourd’hui dans une attitude d’inquiétude, d’espérance, d’attention ?

J.M. : J’ai autant d’espoir que d’inquiétude. De l’inquiétude, du fait de la banalisation de l’antisémitisme et des atteintes aux libertés religieuses. Mais paradoxalement, je suis plein d’espoir quand je vois en traversant les communautés juives de France, la vitalité de notre jeunesse, celle de nos enfants et l’implication de nos militants, le dynamisme des Juifs de France est porteur toujours de vie et c’est ce qui est à la fois stimulant, émouvant et porteur d’espoir.