Un langage réfléchi, par le rabbin Jacky Milewski

Concernant les taches qui apparaissent sur les murs des maisons, la Torah dit que le propriétaire de la maison en question doit se rendre auprès du kohen et déclarer : « kenéga, comme une tâche, il m’est apparu dans la maison » (Lev 14, 35). La Michna Negaim (12, 5) précise que même un érudit qui connait parfaitement les lois relatives aux taches des maisons et qui en a déterminé la nature exacte, ne peut pas déclarer « une tache, il m’est apparu dans la maison ». Malgré ses connaissances et sa science, il doit lui aussi  reprendre la formule du verset « « kenéga, comme une tache, il m’est apparu dans la maison ». Autrement dit, il doit dire ce qu’il faut dire sans tenir compte de sa subjectivité. Et nul doute que si chaque homme ne disait que ce qu’il faut dire, aucune maison ne serait tachée, et la vie de la collectivité ne serait pas abîmée.


Selon le Torah Temima (sur notre verset), l’érudit ne peut déclarer « « une tache, il m’est apparu dans la maison » mais « comme une tache » car ce n’est pas à lui qu’il revient de déclarer l’impureté. C’est au kohen de se prononcer, de trancher, de dire le droit.  Ainsi, l’individu apprend à respecter le champ d’activité d’autrui, il apprend à ne pas s’emparer de prérogatives qui ne lui appartiennent pas, il apprend à rester dans les limites de ses compétences. Nul doute que si chacun savait rester à la place qui est la sienne, sans chercher à s’imposer dans des domaines qui lui sont étrangers, nul doute qu’aucune maison ne serait tachée, et la vie de la collectivité ne serait pas abîmée.


Enfin, selon une dernière explication (ibidem), on ne dit pas « « une tache, il m’est apparu dans la maison » mais « comme une tache » « pour ne pas ouvrir la bouche au satane » ; en d’autres termes : pour ne pas s’inscrire sur la voie du fatalisme, pour récuser toute forme de déterminisme où tout serait joué d’avance. Nul doute que si les hommes exerçaient leur liberté pour s’extraire des déterminismes psychologiques où ils sont plongés, pour soigner leur pathologie caractérielle et morale, nul doute qu’aucune maison ne serait tachée, et la vie de la collectivité ne serait pas abîmée.