Temple des Vosges : Serge Klarsfeld et les enfants du Talmud Torah

Serge Klarsfeld avait offert pour les enfants, l’ « Additif n°8 du Mémorial des Enfants Juifs Déportés de France ».

Le Grand Rabbin Olivier Kaufmann, désirant que cet ouvrage ne soit pas distribué aux enfants d’une manière neutre, anonyme, a demandé à Serge Klarsfeld de venir ce dimanche matin (jour des cours de Talmud Torah), afin d’expliquer ce que ce livre qu’il leur offre représente, quant au destin dramatique qu’a été celui de ces enfants.

Le Grand Rabbin a tenu à rendre hommage à Beate et Serge Klarsfeld, pour leur immense travail de recherche sur la tragédie juive qu’a été la Shoah. Il a précisé aux enfants qu’il estime Serge Klarsfeld comme le plus grand historien français depuis 1970

Claude Bochurberg a lui aussi évoqué le travail de Serge Klarsfeld: le Mémorial de la Déportation des Juifs de France paru en 1978 fut le travail fabuleux de recherche de Serge et Beate, avec un petit groupe de ceux qui formeront les F.F.D.J.F., afin d’établir la liste exacte, le nombre exact, des déportés Juifs de France ; pour la première fois on a pu savoir qui avait été déporté, quel jour, par quel convoi, vers quelle destination. Cela ne s’était jamais fait, Serge a voulu que les données soient précises, ni minimisées, ni majorées.

Le Mémorial fut le premier d’une longue série d’ouvrages et de publications – sans compter toutes les actions entreprises : pour ces recherches, et pour la traque des anciens nazis et de leur collaborateurs, jugés et condamnés

Depuis 1994, publication du Mémorial des enfants Juifs déportés de France : ils étaient plus de 11 400. Serge Klarsfeld a recueilli plus de 4 500 visages d’enfants engloutis durant la Shoah.

Ceci n’est pas une œuvre de mort, mais de vie, car elle reconstitue la mémoire de ces enfants exécutés pour le seul crime d’être nés.

Le Shoah, puis la post-shoah, que l’éducation a trop laissée de côté…

Ces livres : l’Additif n°8 du Mémorial des Enfants Juifs déportés de France, distribués par les enseignants du Talmud Torah, sont offerts par les F.F.D.J.F. En couverture : la photo du petit Richard Lercher, 7 ans, né à Paris, déporté par le convoi n°25 du 28 août 1942.

Serge Klarsfeld explique : nous avons refusé que ces enfants disparaissent dans ce qu’on nomme « les poubelles de l’histoire ». il s’agit de massacres gigantesques commis dans toute l’Europe, mais aussi dans une partie de l’Afrique.

A Pithiviers, des enfants ont été séparés de leurs mères à coups de crosse, puis envoyés seuls, séparés de leurs parents.

Ce fut une guerre mondiale, mais ce fut aussi une guerre contre les Juifs.

Durant le Grande Peste du 14ème siècle, on tuait et on brûlait les Juifs.

Il faut savoir que durant cette seconde guerre mondiale, lorsque la population a vu qu’on s’attaquait aux femmes et aux enfants, la réaction en France fut remarquable. L’Eglise, les simples gens, ont sauvé 75% des Juifs : en Hollande la proportion fut inverse 90% des Juifs furent déportés.

La période actuelle est bien plus heureuse, bien que l’an dernier à Toulouse on a tué des Juifs – un adulte et trois enfants – parce que Juifs, en plus de trois militaires, tués parce que français.

Evénement actuel heureux : depuis 1948 existe et est reconnu, l’état d’Israël, où vivent 5 millions de Juifs. Mais Israël est menacé par des ennemis se voulant aussi implacables que l’Allemagne d’Adolphe Hitler. Aujourd’hui, l’obsession des dirigeants de certains pays est de détruite Israël.

Nous avons fait juger un certain nombre de responsables de ce crime absolu.

Klaus Barbie fut retrouvé grâce au courage de Beate.

Chaque enfant, chaque adulte, a sa place dans le grand Mémorial par l’an dernier.

Des plaques dans les grandes et les petites villes de France, sont apposées sur les écoles, ou dans les jardins pour la mémoire des enfants non scolarisés.

On sait ce qui s’est passé, on en a conscience.

Pour vous, enfants, c’est lointain.

Il faut savoir qu’être juif est particulier, il vous incombe d’être le meilleur possible, de respecter les valeurs qu’on vous enseigne à l’école et à la synagogue. Il faut savoir qu’Israël est garant de la dignité et de la sécurité des Juifs, et permet de vivre la tête haute.

Il y a des ennemis, mais ce sera le défi à relever par vous et par la république.

Il nous faut, il vous faut être unis : je vous souhaite le moins de problèmes possible : c’est pour cela que vous êtes formés à l’école et à la synagogue.

Le Grand Rabbin Olivier Kaufmann : être religieux ou non, c’est à vous de choisir. Le vrai problème est de savoir qui nous sommes.

Dans notre prière du matin nous nous disons « heureux de pouvoir nous tenir debout », d’avoir la tête haute. La tête haute, mais aussi bien pleine, capable de parler de notre histoire avec ses moments heureux et moins heureux.

Cet Additif n°8 est destiné à les faire un peu vivre à nos côtés.

Questions des enfants :

–        Léa : peut-on retrouver les noms des Déportés ?

–        Serge Klarsfeld : oui, sur le nouveau grand Mémorial puisque tous les noms des déportés Juifs de France y sont rassemblés, on peut aussi consulter le site internet du Yad Vashem, et le Mémorial de la Shoah à Paris

–        Lio : Hitler a-t-il été jugé ?

–        Serge K. : il s’est tué pour ne pas être jugé ! Il a tué son chien, puis sa femme, puis lui-même.

–        Naomi : comment peut-on retrouver les déportés d’une même famille ?

–        Serge K. : sur le nouveau Grand Mémorial, toutes les personnes d’une même famille et vivant à la même adresse sont rassemblées (cela ne s’était jamais fait).

–        Un autre enfant : comment avez-vous survécu ?

–        Serge K. : nous aurions pu être arrêtés le 24 août 1942. Mais nous étions d’origine roumaine, donc pas arrêtables. Mais une semaine après par une loi nous devenions arrêtables ! mais les militaires italiens ont occupé la zone sud, nous laissant en paix. Mais ensuite ce sont les militaires allemands qui sont arrivés ; mon père Arno a construit une double paroi au fond d’un placard, derrière se sont cachés ma mère, ma sœur et moi. Lorsqu’on est venu nos arrêter on ne nous a pas trouvés. Mon père a été emmené puis déporté sans retour.

Serge K. : nous coopérons avec Yad Vashem, lui avons donné des documents importants, et nous avons retrouvé l’Album d’Auschwitz.

A Paris, avec la FMS (Fondation pour la Mémoire de la Shoah) , nous finançons des recherches sur la Shoah, pas seulement en France, mais aussi en Hongrie : dans les archives municipales et départementales, et chez des particuliers.

L’Album d’Auschwitz comporte des photos connues. Il a fallu retrouver d’où elles venaient, retrouver des anciens déportés pour qu’ils donnent leurs documents.

Au sujet de la France de Vichy : son dirigeant, Pétain, n’était pas indifférent à la question juive : il a annoté le Statut des Juifs, en l’aggravant de sa main.

–        Question d’un enfant sur l’Etoile juive :

–        Serge K. : cette mesure était destinée à stigmatiser les Juifs. Des Juifs ont été arrêtés parce qu’ils ne la portaient pas, d’autres parce qu’ils la cachaient avec leur main ou avec une écharpe, d’autres parce qu’ils la portaient et étaient reconnus comme Juifs…

Les Juifs arrêtés, ont été déshumanisés : à Auschwitz ils devenaient des numéros, tels le numéro tatoué sur leurs bras. Certains étaient conduits dès leur arrivée à la chambre à gaz.

–        Question d’un enfant : avez-vous parfois été découragé ?

–        Serge Klarsfeld : non, jamais ! Notre ressort familial a toujours été tendu, nous avons été animés par la volonté de continuer ; le découragement ? Non, jamais.

Lors de cette présentation de Serge Klarsfeld, nous avons tous été impressionnés par sa volonté de ne pas traumatiser les enfants, mais de les encourager à étudier toujours plus, que ce soit à l’école ou à la synagogue. Apprendre où peut mener une politique incohérente ou contradictoire, et s’informer tout au long de leur enfance et de leur vie.

Nous avons souligné que contrairement aux conférences qui sont données habituellement aux adultes, dès qu’on a demandé aux enfants ce qu’ils voulaient savoir, aucune timidité : une multitude de mains se sont levées pour poser des questions, toutes plus pertinentes les unes que les autres. Belle rencontre, vraiment !