Temple des Vosges : Conférence de Nathalie Zadje

TEMPLE DES VOSGES

« Synagogue Charles Liché »

14 place des Vosges

75004 PARIS


MERCREDI 11 JUIN 2014

à 20h00


NOUS RECEVRONS NATHALIE ZAJDE


EN PRESENCE DE NOMBREUX DE SES GRANDS TEMOINS

autour de son livre

« QUI SONT LES ENFANTS CACHÉS ?

Penser avec les grands témoins« 

Qu’est-ce qu’un « enfant caché » ?

Qu’a-t-il vécu ? Qu’est-il devenu ?

Il a été caché pendant la Shoah pour échapper à l’extermination. Il a souvent été séparé de ses parents. Il a généralement été victime de frayeurs. Il a dû renoncer à son identité juive durant la période de persécution meurtrière. Au lendemain de la guerre, il était l’un des rares survivants de sa famille et a de nouveau dû changer d’identité.

Pour la première fois en France, une rencontre pluridisciplinaire entre grands témoins, anciens enfants cachés en France et en Belgique, réunit des historiens, des psychologues, des sociologues, mais aussi des psychiatres, des ethnopsychiatres et des écrivains, pour tenter de mieux comprendre ce que fut la réalité singulière de ces enfants.

Eliezer Ben-Rafael, Boris Cyrulnik, Jacques Fredj, Catherine Grandsard, Katy Hazan, François Heilbronn, Serge Klarsfeld, Liliane Klein-Lieber, Israel Lichtenstein, Tobie Nathan, Adolphe Nysenholc, Carole Zalberg.

Réservation Obligatoire :

de préférence par mail : synadesvosges@noos.fr

ou sur répondeur téléphonique : 01.43.44.48.82

Soirée présentée par le Grand Rabbin Olivier Kaufmann et Claude Bochurberg

Nathalie Zajde

En ce mercredi 11 juin 2014, nous recevons à notre « Syna des Vosges » Nathalie Zajde, pour son dernier ouvrage : « Qui sont les enfants cachés ? », Penser avec les grands témoins.Comme toujours lorsque Nathalie Zajde vient nous présenter un de ses travaux, notre salle de réception était comble : comment aurait-il pu en être autrement ? Elle s’adresse à chacun de nous, personnellement, ce qu’elle décrit est notre vécu, même si nous ne saurions nous comparer aux Grands témoins qu’elle raconte !

Accompagnée de Catherine Grandsard, du Centre Georges-Devereux, avec qui elle travaille beaucoup, Nathalie a été présentée par notre ami, Claude Bochurberg. Celui-ci a insisté sur le fait qu’elle fut l’une des premières personnes à s’intéresser en profondeur aux enfants de Déportés – survivants ou non. Ce soir, en se demandant « Qui sont les enfants cachés ?», avec le recul on peut réfléchir au destin de ces enfants : qui sont-ils ? et : que sont-ils devenus ?

Nathalie rappelle le colloque de juillet 2012 au Mémorial de la Shoah, exposant ses recherches au Centre Georges-Devereux. La base de la réflexion était simple, s’adressant aux enfants cachés (aujourd’hui grands-parents) : tu souffres par ce qu’on t’a fait, et non par ce que tu es. Les parents déportés étaient étrangers, Juifs, religieux ou non, sionistes ou non.Il faut réaliser que les Juifs vivaient dans les grandes villes, et brusquement on a séparé les enfants de leurs parents. Du jour au lendemain ils n’ont plus de famille, deviennent des chrétiens, sinon on se poserait des questions…

Réalise-t-on le processus de métamorphose, ces enfants dès la première seconde ont senti la nature du danger, quel que soit leur âge. Comment vit-on, que devient-on ? ils n’ont pu bénéficier de leur propre culture. Comprenant et parlant souvent le yiddish, ils ont su dès le premier instant que cela les marquait gravement en tant que Juifs : même très petits, ils sont devenus francophones très rapidement. Privés de l’attachement familial, ils ont dû se reconstruire seuls.Et en sens contraire, dans le même temps où les parents sont devenus presque des étrangers pour leurs enfants, les enfants sont devenus des étrangers pour leurs parents.Ceux qui après la fin des déportations, ont été amenés à aller vivre en Israël, se sont battus pour ce pays qui est devenu le leur, ils y ont créé entre autres l’Association Aloumim. Ce fut leur manière de vivre leur vie, de se reconstruire.

Nathalie nous explique que grâce à Serge Klarsfeld lorsqu’en 1978 il a fait éditer le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, chacun de nous a su par quel convoi et à quelle date avaient été déportés son père, sa mère, et les autres membres de sa famille. Et c’est à partir de ce moment que nous avons pu sortir du chagrin par l’action : recherche des anciens nazis, procès. Pardon Nathalie, cela nous a été pour la plupart d’entre nous, plus efficace que les psychologues ! Il faut dire que lors de chacune de nos rencontres, les prises de paroles entre nous étaient inutiles : nous nous comprenions avant le premier mot échangé.

Ensuite Catherine Grandsard nous a expliqué le travail du Centre Georges-Devereux, au sein de l’équipe d’ethnopsychiatrie du Professeur Tobie Nathan.Il s’agit de la prise en charge d’enfants mineurs, isolés, étrangers. On ne parle pas là d’enfants Juifs de parents déportés, mais le rapprochement est clair quant à l’obligation de changement d’identité.

Témoignage de Rachel Jédinak :à l’âge de 8 ans, elle s’est échappée du Vel d’Hiv, puis un peu plus tard, toujours à 8 ans, elle a réussi à s’échapper du commissariat de police. Elle considère que sa revanche sur la vie (ses deux parents ont été déportés sans retour), ce sont ses petits-fils et leurs questions.


Béatrice Boukris explique : aux E.I., on apprenait aux enfants des chants, le shabbat, l’hébreu. Pourquoi a-t-on attendu si longtemps pour leur permettre de parler, de pleurer ?


Une assistante venue entendre Nathalie : mon père a 83 ans, n’a jamais parlé. Il m’a parlé seulement d’une voisine qu’il a pu aider lorsqu’il a réussi dans son travail. Elle a découvert que c’était son arrière-grand-mère, décédée depuis longtemps. Et maintenant elle hésite à solliciter la parole de son père, de peur de le perturber…


Notre ami Guiora Markowicz : je n’ai jamais pu parler à mes enfants. Ma fille est partie en Israël, où elle vit.Guiora a toujours attendu ses parents ; le « déclic » s’est produit lorsqu’il a atteint ses 41 ans : l’âge de la déportation de son père…

Un assistant à notre soirée : le 28 août 1939, je suis passé en train de Vienne pour Londres. J’insiste sur le fait qu’on parle plus aisément à ses petits-enfants qu’à ses enfants. J’ai été placé dans un home avec d’autres enfants dont les parents ne sont pas revenus. J’ai été placé en foyer jusqu’à l’âge de 18 ans. J’ai pu parler, difficilement.


Sarah Wojakowski : il semble que parfois tout se passe comme si, l’un de nos parents étant revenu, ou tout simplement du fait que nous-mêmes sommes restés vivants après la guerre, nous devrions nous sentir soit reconnaissants envers le destin, soit coupables d’avoir échappé à la mise à mort.J’ai cependant un bonheur qu’ont peu d’enfants de Déportés : les Justes qui nous ont protégés, mon frère et moi, n’ont jamais tenté de nous convertir au catholicisme, par respect pour nos parents. Nous sommes restés en contact très proche avec toute leur famille, et il y a une semaine exactement, est né leur arrière-arrière-petit-fils. Une récompense que ces Justes ont tellement méritée !