Sortir de soi ! par le rabbin Jacky Milewski

Qu’une sidra de la Torah débute par le sujet de la guerre peut surprendre : « Lorsque tu sortiras en guerre contre tes ennemis… ». Des esprits malintentionnés en déduiraient le caractère va-t’en guerre des hébreux. Esprits malintentionnés car les commentateurs expliquent qu’à notre époque, dans cette loi, les ennemis sont les forces du mal qui habitent le mal, ses inclinaisons mauvaises et ses penchants destructeurs (le yetser hara).

Autrement dit, la Torah demande surtout à l’homme de se combattre lui-même, de lutter contre ses défauts et ses défaillances. C’est ce cheminement qui mène à la paix et l’harmonie entre les hommes. En effet, tant qu’un individu s’entête dans son mauvais caractère, il reste source de conflit et de mésentente. C’est donc en acceptant la confrontation de soi avec soi que l’on peut parvenir à pacifier ses liens avec autrui. On peut aussi ajouter cette remarque de type « psy » : il arrive que des gens fassent la guerre à d’autres pour éviter de se faire la guerre à eux-mêmes. On saisit alors qu’un sujet aussi essentiel se lise en filigrane au début de notre sidra (et la suite sera à interpréter dans cette perspective) où l’homme est appelé « à sortir » (ki tetse), à sortir de lui, de ses positions, à prendre de la distance avec lui… pour mieux se retrouver, se réconcilier avec lui-même.

 

La fin de la sidra évoque également la notion de  « sortie » puisqu’elle mentionne Amalek qui agresse Israël « au sortir de Mitsraïm », de l’Egypte mais littéralement « au sortir de l’étroitesse », de l’enfermement psychologique, de la prison mentale. Amalek se présente toujours sur le chemin de la sortie de soi vers soi pour nous enchaîner en Mitsraïm, pour que l’on fasse la guerre aux autres et non au mal qui nous habite. La Torah nous met en garde ; la difficulté est inhérente à la réconciliation de soi avec soi. « Souviens-toi ! Ne l’oublie pas ! ».