Roch ‘hodech ‘Hechvan par le rabbin Michaël Azoulay

 

Le mois de ‘Hechvan ou Mar’hechvan, 8ème mois de l’année, Nisan étant le 1er mois de l’année (cf. Exode, 12,2). Les noms donnés aux douze mois sont d’origine babylonienne, tandis que la Bible les identifie selon leur ordre numérique.??L’auteur du livre Bené Yisakhar, Rabbi Tzvi Elimelekh Spira de Dinov (1783-1841), notre principale source d’inspiration pour l’année à venir (en raison de ses commentaires lumineux sur chacun des mois de l’année hébraïque), cite systématiquement le Séfer yetsirah qui relie chaque mois à une lettre de l’alphabet hébraïque, à un sens ou à une volition, à un signe zodiacal, à un organe du corps humain et à l’une des douze tribus. Notre auteur, n’ignorant pas les problèmes posés au libre arbitre par les déterminations de chaque mois, affirme d’emblée que c’est précisément la connaissance de ces influences positives ou négatives qui mettra l’homme en capacité de les combattre ou d’en bénéficier.

 

Ce mois se caractérise par l’absence de solennités, par contraste avec le précédent (Tichré) si chargé en célébrations. D’où Mar qui signifie amer, selon Eliahou Ki Tov (1912-1976). Ou peut-être Mar signifie-t-il « goutte », en raison de l’arrivée attendue de la pluie (cf. Isaïe, 40, 15 : « … comme une goutte (kemar) tombant du seau… »). En effet, dès le 7 Hechvan, les habitants du pays d’Israël demandent la pluie dans la 9ème bénédiction de la ‘Amidah. Ce décalage avec la mention de la pluie dans la 2ème bénédiction de la ‘Amidah depuis le 8ème jour de Soukkot (donc le 22 Tichri) se justifie par le fait qu’il fallait deux semaines au pèlerin le plus éloigné de Jérusalem pour retourner chez lui à l’issue de la fête de Soukkot. En diaspora où l’eau est plus abondante, la demande de pluie est plus tardive (le 5 ou le 6 décembre).

 

C’est en ce mois, dénommé également Boul (en I Rois, 6, 38. Rachi estime que Boul dérive du verbe Balo qui signifie « flétrir », l’herbe se desséchant en ce mois), que le roi Salomon acheva la construction de son Temple. Toutefois, l’inauguration n’eut lieu qu’au mois de Tichré, soit près d’un an plus tard. Un Midrach (Yalqout mélakhim, remez 184) enseigne que Dieu compensera cette « spoliation » par le choix de ce mois pour la dédicace du 3ème Temple.?C’est en ce mois que Noé quitta son arche après le déluge, Boul évoquant le Maboul (« déluge »), selon Radak) sans la première lettre, le mem, ayant pour valeur numérique 40, renvoyant ainsi aux 40 jours durant lesquels le déluge s’abattit sur le monde (Eliahou Ki Tov).

 

Hechvan est relié à la tribu de Ménaché, fils aîné de Joseph et petit-fils de Rachel, celle-là même qui connut un exil posthume, car seule des matriarches à avoir été enterrée hors de la caverne de Makhpéla, à Bethléem. Le 3ème Temple signe la fin de l’exil des enfants d’Israël sur lesquels pleure Rachel (Jérémie, 31, 15), implorant leur retour.?Le 11 ‘Hechvan commémore le jour du décès de Rachel, dont le tombeau est accessible, tant bien que mal, depuis la guerre des Six jours.?Ce mois qui a vu le schisme (division) du royaume davidique à la mort du roi Salomon et le sacre de Jéroboam (II Rois, 17, 21 et I Rois, 12, 33), verra la restauration de ce règne avec le dernier Temple.

 

L’olfaction s’attache au mois de ‘Hechvan, car la construction du 3ème Temple coïncidera avec le règne du Messie qui tranchera les litiges en recourant à ce sens (Isaïe, 11, 3 : « Animé (Vahari’ho, verbe dans lequel on retrouve réa’h/ « odeur » ainsi de la crainte de Dieu, il ne jugera point selon ce que ses yeux croiront voir, il ne décidera pas selon ce que ses oreilles auront entendues »). Ce qui s’explique par le fait que l’olfaction fut le seul sens à ne pas avoir été impliqué dans l’attrait pour le fruit défendu. La femme écouta le serpent, vit, toucha et consomma le fruit mais il n’est pas dit qu’elle le sentit (Genèse, 3, 1-6).  ?Par ailleurs, Ménaché comporte par anagramme les mêmes lettres que le mot Néchama, l’âme, dont le Talmud dit qu’elle jouit seule des parfums (traité Berakhot, p.43b), justifiant de la sorte les bénédictions de nos sages sur les senteurs.

 

Le scorpion constitue le signe du zodiaque de ce mois, dont la dangerosité évoque les événements néfastes de ce mois.?Toutefois, ‘Aqrab, terme hébreu désignant le scorpion, donne, par changement de voyelles, ‘iqar baït, le bet s’écrivant et signifiant baït/ « maison », c’est-à-dire, la « fondation du Temple », qui se réalisera dans les temps messianiques. Enfin, ‘Aqrab a pour valeur numérique David Machia’h, ce mois voyant la restauration du règne absolu de David auquel le schisme avait mis fin.