Quand la communauté juive se souvient de l’innommable

27 nissan c’est la date choisie par l’Etat d’Israël pour rendre hommage aux insurgés du Ghetto de Varsovie, aux résistants juifs pendant la guerre ainsi qu’aux six millions de personnes assassinées par les bourreaux nazis.

Le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, le Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim, le Directeur de l’Ecole rabbinique, le Grand Rabbin Olivier Kaufmann, et le Président du Consistoire, Joël Mergui, ont participé mercredi soir 4 mai, au Mémorial de la Shoah, à la traditionnelle cérémonie d’ouverture de la lecture des noms. C’est le Ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve qui a débuté cette lecture avant d’être suivi par plus de 200 personnes qui ont lu pendant 24h00 et à tour de rôle les noms des déportés des convois n° 1 à n° 31 ainsi que les noms inscrits sur les listes 90 et 91. Organisée sous l’égide de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, en partenariat avec le Mouvement juif libéral de France (MJLF), l’Association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France (FFDJF) et le Consistoire de Paris, de nombreuses personnalités civiles, politiques et religieuses étaient présentes à cette cérémonie, notamment l’imam de Drancy Hassen Chalgoumi.

Office solennel à la mémoire des 6 millions d’âmes par l’école rabbinique

Pour la seconde année consécutive, un office a été animé et conduit jeudi 5 mai par une délégation d’élèves rabbins au Mémorial de la Shoah. Les anciens déportés ont déposé symboliquement le Sepher Tora devant la maquette du Ghetto de Varsovie, qui porte les points de résistance contre l’armée nazie des 19 avril et 16 mai 1943. Le Grand Rabbin Olivier Kaufmann a alors procédé à la lecture des téhilim et le rav Mevorah Zerbib à celle du El Malé Rahamim avant que Monsieur Milo Adoner, ancien déporté et rescapé de la marche de la mort, prononce le Kadish pour les 6 millions d’âmes exterminées par les nazis, au moment même où la sirène retentissait dans tout Israël.


Le Président du Consistoire a souligné que cette cérémonie, initiée depuis dix ans par le Consistoire, associe aujourd’hui les nouvelles générations qui s’adonnent à l’étude de la Torah pour qu’elles soient garantes, en plus des valeurs et des traditions juives, de notre mémoire. Cette nécessité de conserver et transmettre notre histoire, n’est pas uniquement l’apanage des futurs cadres et leaders communautaires, elle s’adresse à tout un chacun, comme a affirmé Joël Mergui « je forme le vœu que l’année prochaine, comme les années passées, les écoles juives puissent être, elles aussi, associées à cette cérémonie et à cet office, pour que le négationnisme ne puisse définitivement jamais remettre en cause cette partie de l’Histoire ».


« Yom Hashoah mais aussi Yom Haguevoura » a martelé le Grand Rabbin Olivier Kaufmann. Le jour de Yom Hashoah vient tout d’abord honorer la résistance et les actes de bravoure des anciens déportés face à leurs bourreaux inhumains et primaires, avant de rappeler le souvenir des 6 millions d’âmes cruellement exécutées. Placée sous le signe de la vie et de la résilience, cette journée est désormais marquée par la bénédiction avec la mise en place de cet office solennel.


Les élèves rabbins accompagnés par leur Directeur se sont ensuite dirigés vers le parvis du Mémorial pour lire 200 noms de déportés.


Dans une salle mise à disposition par le Mémorial, les élèves rabbins ont écouté religieusement le témoignage de Milo Adoner. Retraçant son parcours d’avant-guerre dans le quartier du Pletzl (aujourd’hui le Marais), il a raconté son intégration au sein de l’école publique et la pratique religieuse de sa famille originaire de Varsovie. Il a expliqué les douloureuses conditions de son arrestation ainsi que celles de son père, sa mère, ses frères et ses sœurs par la gendarmerie française. Les étapes de sa déportation, de Drancy à Auschwitz-Birkenau et des Blechhammer, ont été détaillées, de telle sorte à ce que chacun puisse plus concrètement s’imaginer l’enfer que les nazis avaient créé pour les Juifs. S’adressant aux élèves, Milo Adoner a assuré avoir survécu aux tortures, aux sévices et aux supplices grâce à la bénédiction que son père, un Cohen, lui avait donnée lors de son arrestation. Ce témoignage poignant a pris fin sur son combat d’aujourd’hui : témoigner pour que jamais le négationnisme mette un jour en doute cette partie de l’Histoire.


Le Président de la commission Shoah au Consistoire de Paris, Claude Bochurberg, qui est aussi le compagnon de route du fameux couple Klarsfeld, a vivement demandé aux futurs rabbins de s’engager et de s’impliquer encore davantage dans ce travail de mémoire. Il a souligné qu’ils seront amenés à rencontrer, dans le cadre de leur travail pastoral, les descendants des déportés et qu’il est indispensable de pouvoir les comprendre et de savoir les accompagner pour mieux intégrer leurs histoires.


Le Directeur du Mémorial de la Shoah, Jacques Fredj, a procédé à un exposé historique en expliquant qu’à l’origine du Mémorial, se trouvait le centre de documentation juive contemporaine. Il a insisté sur la formation scientifique des rabbins, indispensable pour participer aux travaux et débats actuels. Invitant les élèves et le Directeur de l’école rabbinique à visiter le musée, il a également guidé ses visiteurs dans la librairie, la bibliothèque et les archives.

La lecture des noms s’est achevée jeudi soir avec la cérémonie religieuse à la synagogue des Tournelles. De nombreuses personnalités civiles, politiques et religieuses ont pris part à cet évènement tel qu’Aliza Bin Noun, Ambassadeur d’ Israël, Isabelle Debré, représentant le Président du Sénat, Michel Gugenheim, Grand Rabbin de Paris, Olivier Kaufmann, Grand Rabbin Directeur de l’Ecole Rabbinique, Joël Mergui, Président du Consistoire, le Rabbin Yves Marciano, le Président de la communauté Marc Zerbib et Philippe Allouche, Directeur de la FMS. Les chants et psaumes entonnés par les Rav Mevorakh Zerbib et Ouriel Elbilia ainsi que le témoignage de Milo Adoner ont plongé l’assistance dans le recueillement et la solennité de ce jour.