Pessah : Sortir de nos enfermements, par le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia

Alors que nous nous apprêtons à célébrer Pessah, il est essentiel de revenir aux fondements de la fête, de l’esclavage à la sortie de l’Egypte. Rassemblés autour de la table du Seder, nous raconterons, comme chaque année, la sortie d’Egypte et l’Exode, pour qu’à leur tour, nos enfants perpétuent le récit en le contant à leurs enfants : « Tu donneras cette explication à ton fils : ‘C’est dans cette vue que l’Eternel a agi en ma faveur, quand je sortis d’Egypte » (Ex. XIII ; 8).

Arrivés en Egypte à la suite de Joseph, les Hébreux ont crû et se sont multipliés, jusqu’à ce que les Egyptiens, les réduisent en esclavage, en leur imposant les pires travaux et les avanies les plus blessantes. Moïse, encouragé par l’Eternel, leur propose alors de quitter cette terre, où, bien qu’humiliés et maltraités, ils sont assurés de leur subsistance et de leur survie, pour s’aventurer dans le désert, à la recherche improbable d’une terre promise, où ruisselleraient « le lait et le miel ».

La Bible rapporte alors les paroles de Moïse aux Hébreux : « Si l’enjeu en vaut la peine, on aboutira à quelque chose ». Les Hébreux souhaitent quitter l’Egypte, non pas pour être libres, mais pour servir D.ieu. Cette libération n’est pas une aspiration à la non-imposition d’une décision, mais bien la volonté d’être soumis à la volonté de D.ieu, et non à celle de Pharaon.

« Nous devons choisir si nous servons sous le joug des hommes ou sous celui de D.ieu », nous enseignent également les Maximes des Pères. Ainsi, être sous le joug de D.ieu revient à être libre de choisir !

A-t-on toutefois mesuré la dose de foi, de confiance et de courage qu’il a fallu à ces femmes et ces hommes qui ont décidé de quitter leur inconfortable sécurité, pour accomplir ce passage vers l’inconnu ? Rachi nous enseigne que seuls 20% des Hébreux établis en Egypte ont eu le l’audace de prendre le risque de croire Moïse et la promesse faite par le Créateur.

Le mot Mitzraïm (Egypte) vient du mot metzar qui signifie « étroit » ou « enfermement ». Si nous construisons nous-mêmes nos enfermements, nous pouvons tout aussi bien en sortir. Comme l’Eternel l’a dit aux Hébreux, il nous le rappelle aujourd’hui : nous pouvons sortir de tous les enfermements que nous avons bâtis, bien qu’ils soient les plus terribles et les plus difficiles à quitter…

Du refus de se voir imposer une façon de voir ou de penser le monde, ou de vivre notre vie, naît la liberté : celle que nos sociétés chérissent tant et ont érigé en valeur universelle, et que d’aucuns obscurantistes nous envient tellement qu’ils tentent par tous les moyens, et souvent les plus sanglants, de porter à mal…

Quelques jours après le décès dans des circonstances terrifiantes de Madame Mireille Knoll (zal), rescapée de la Shoah, quasiment un an jour pour jour après l’assassinat de Madame Lucie-Sarah Halimi Attal (zal), force est de constater que l’horreur du crime et la violence des bourreaux sont identiques et renvoient à la même négation du visage humain. C’est précisément ce que nous rappelons à Pessah : à chaque génération, quelqu’un se dresse pour nous exterminer, mais l’Eternel nous sauve parce qu’il nous empêche de nous confiner dans la haine et l’enfermement.

Au moment de traverser la Mer Rouge, Moïse dit au peuple : « N’ayez pas peur, n’ayez pas peur quand vous êtes unis ». (Ex. XIV ; 13). Divisés, ils allaient droit à l’échec, mais en conjuguant leurs efforts et leurs forces, les Hébreux sont parvenus à braver l’obstacle, comme le dit le Midrach : « ils vont entrer dans la mer par 12 chemins (correspondant aux 12 tribus) et vont sortir par une autoroute ». Ainsi, face à l’adversité, ils ont réussi à construire ensemble. Là est un des messages essentiels du récit de Pessah : on est toujours plus fort avec le concours de son prochain ; on grandit toujours d’avoir su trouver le chemin du cœur et de l’esprit de l’Autre, pour partager et construire un destin qui nous rassemble.

Pessah Casher Vesameah

Bonnes fêtes de Pessah !