Paracha Vayera, par le rabbin Michael Azoulay

L’épisode le plus troublant de cette péricope est bien évidemment celui du non sacrifice d’Isaac par son père, Abraham. Surtout en ces temps de fanatisme religieux causant tant de ravages dans le monde.


On serait tenté d’éluder LA question vertigineuse posée par un Dieu qui demande à un père de sacrifier son fils, un enfant octroyé de surcroît à des parents d’un âge certain plutôt que d’un certain âge, et vecteur du projet abrahamique selon la promesse divine.


La première échappatoire consiste à se focaliser sur l’épreuve extrême exigée d’Abraham, De réfléchir à la notion d’épreuve, comme moyen de nous révéler à nous mêmes et au monde, pour reprendre l’analyse de Nahmanide. Car l’Eprouvant, Dieu, doté de la prescience sait déjà si l’éprouvé surmontera l’épreuve ou échouera.


La seconde réside dans le non sacrifice comme leçon apportée au monde que Dieu a en horreur les sacrifices humains que tant de civilisations pratiquèrent (songez, par exemple, aux Aztèques).


En intervenant avant qu’Abraham ne porte le coup fatal à Isaac, Dieu enseigne qu’il réprouve le sacrifice humain.


Mais ce serait trop simple, car après tout, le seul fait que Dieu exprime une telle demande est problématique.


Pour ma part, je pense qu’il s’agit d’une épreuve exceptionnelle, à laquelle est soumis un être exceptionnel, le « père des croyants », et, qu’à ce titre, cet épisode ne saurait nourrir de fanatisme. Celui qui s’en inspirerait, estimant que sa foi justifierait le meurtre d’innocents,  serait un fou, un fondamentaliste au plein sens du terme, prenant à la lettre un texte qui n’a pas vocation à servir d’exemple, si ce n’est, bien évidemment, à nous éclairer sur la crainte et l’amour de Dieu.


C’est dans cette direction de pensée va, par exemple, le rabbin et philosophe Rabbeinu Behaye ( Bahya ben Asher ibn Halawa, 1255-1340), lorsqu’il écrit que dans le premier paragraphe du Chéma’, il nous est demandé d’aimer Dieu de tout notre cœur (avec notre penchant au bien et notre penchant au mal), de tout notre être (en allant jusqu’à se laisser tuer plutôt qu’abjurer notre foi)  et de tous nos moyens (en sacrifiant toute notre fortune pour le servir), mais Abraham a dépassé ces trois exigences en allant jusqu’à sacrifier son fils. L’amour d’un père pour son fils, surpassant l’amour de soi.