Paracha Vayehi, par le rabbin Michaël Azoulay

Le livre de la Genèse s’achève avec un tableau touchant : celui du patriarche Jacob bénissant ses enfants et petits-enfants (les fils de Joseph) avant de quitter ce monde.


Deux lectures récentes de ce moment de transmission m’ont interpellé. La première, celle du Professeur Raphaël Draï, de mémoire bénie, consiste à y voir un Tiqoun (« réparation ») de la préférence affichée de Jacob pour Joseph à l’origine de tant de déboires familiaux. Il s’agit pour lui, à travers la bénédiction de chacun de ses fils, de leur manifester un amour qui s’étend désormais à chacun d’eux, dans la singularité et la personnalité qui les caractérise.


Nos sages ne manquent pas de souligner que les dix-sept dernières années de la vie de Jacob passées auprès de tous les siens en Egypte, furent les plus belles années d’une vie mouvementée, parce qu’harmonieuses, au sein d’une famille reconstituée.


La seconde lecture, je la dois à un politologue, spécialiste de l’islam, Olivier Roy, qui écrit dans Le Monde. Je remercie mon ami, Léo Keller, de l’avoir porté à ma connaissance.


Dans un article paru sous le titre « Le djihadisme est une révolte nihiliste » (que je vous invite à lire en totalité), ce professeur à l’Institut européen de Florence qui s’intéresse au profil des djihadistes, relève « la radicalisation de deux catégories de jeunes français, à savoir, des « deuxième génération » musulmans et des convertis « de souche » ».


Ce qu’il y a « de commun entre les « deuxième génération » et les convertis », c’est « une révolte générationnelle : les deux rompent avec leurs parents, ou plus exactement avec ce que leurs parents représentent en termes de culture et de religion ».


Ils adhèrent à l’islam salafiste parce que celui-ci « rejette le concept de culture », parce qu’il constitue « un islam de la norme qui leur permet de se reconstruire tout seuls. Car ils ne veulent ni de la culture de leurs parents ni d’une culture « occidentale », devenues symboles de leur haine de soi. La clef de la révolte, c’est d’abord l’absence de transmission d’une religion insérée culturellement ».


Je ne peux m’empêcher de voir dans le moment final de la vie de Jacob, la tentative de parer précisément à cette « absence de transmission » dont nous subissons aujourd’hui les conséquences redoutables. Cette présentation de trois générations réunies dans cette péricope, par le lien de la Bénédiction, nous autorise à prétendre que la Bénédiction c’est peut être d’abord et avant tout, le maintien de ce lien intergénérationnel.