Ne le laisse pas tomber ! par le rabbin Jacky Milewski

« Quand ton frère s’appauvrira et tendra sa main vers toi, tu le rendras fort, le prosélyte ou le résident, et il vivra avec toi » (Lev 25, 35). Rachi commente l’expression  « « tu le rendras fort » comme signifiant : tu le soutiendras ; « Ne le laisse pas tomber car à ce moment [une fois à terre], il sera difficile de le relever. Soutiens-le dès qu’il tend la main ! A quoi la chose ressemble-t-elle ? A une charge portée par un âne : tant qu’elle se trouve sur le dos de l’âne, un seul homme peut la maintenir mais si elle tombe, même cinq personnes ne peuvent la relever ». Ne pas laisser les choses s’empirer…

 

Rabbi Israël de Gour (Bet Israël III, p. 204-5-8) explique que ce verset ne se limite pas à sa compréhension littérale qui demande de soutenir matériellement une personne en difficulté. Il se comprend aussi sur le plan spirituel et religieux. Il s’agit de ne pas laisser tomber une personne que l’on voit s’appauvrir en mitsvot, prendre ses distances avec la Torah. Car c’est là un appel au secours qu’elle formule, elle tend la main ; elle exprime mal le mal dont elle souffre mais il nous appartient de la renforcer, de lui expliquer, de la convaincre que choisir une autre voie que celle de la Torah n’a jamais résolu aucun problème. Il ne faut pas attendre qu’elle s’assimile pour s’affoler car alors la tache sera bien difficile à assumer. A la moindre faiblesse religieuse d’autrui, il faut répondre. Cela s’applique à tout juif, qu’il initie son service de D.ieu (le prosélyte) ou qu’il fut déjà bien établi dans le judaïsme (le résident). « Il vivra avec toi », il partagera ta vie, ta vie de Torah.

 

Il y a des gens dont le corps est affamé et d’autres dont c’est l’âme qui a faim. Mais autant le corps réclame son dû, autant l’âme ne demande pas le pain qui lui revient. Parfois, elle oublie même sa faim, elle ne sait même pas qu’elle a faim. Elle commence à la ressentir, cette faim, paradoxalement, quand elle goutte à cette nourriture de Torah. Il y a des juifs qui ont faim, des juifs dont l’âme a faim, qui ne le savent pas, qui tendent la main ou ne la tendent pas. « Aujourd’hui, on n’a plus le droit ni d’avoir faim ni d’avoir froid » clame la chanson des restos du cœur. C’est aussi vrai sur le plan de l’âme juive.