Message du Président, Joël Mergui

Pessah ou la perfection de notre identité

 

Nous connaissons l’histoire et pourtant chaque année, inlassablement  nous la contons et nous rassemblons pour revivre symboliquement  les événements qui se déroulèrent du temps où notre peuple  était esclave de pharaon. C’est pour nous et nos enfants comme nos  ancêtres que la mer des Joncs s’est ouverte pour nous laisser passer  à pied sec sous la conduite de Moïse, tandis qu’elle engloutissait nos  ennemis lancés à notre poursuite.

 

Dans leur clairvoyance, nos sages ont institué ce qui pourrait paraître  pour certains comme des pratiques étranges qui, avec le temps,  seraient passées du statut de rites ancestraux à celui de coutumes  dépassées. Or, nos rituels sont des guides et des liens qui permettent  de transmettre un message au-delà du temps et entre les  générations.

 

Ce rituel, qui à Pessah porte à leur perfection les règles de la cacherout  et de la tradition, c’est notre bouclier contre la dissolution de  notre identité. C’est le signe que nous restons nous-mêmes contre  vents et marées, fidèles à une vision du monde, une idée de  l’homme et de l’humanité. C’est le symbole d’un peuple à jamais  minoritaire au sein des peuples. Un peuple dont l’idéal lui permet de  traverser l’histoire et le temps sans contradiction avec la succession  d’âges modernes qu’il a contribué à construire partout où il a vécu.

 

Partout de l’Occident à l’Orient, notre identité n’est jamais entrée en  contradiction avec les lois, les traditions ni la modernité des sociétés  où elle s’est exprimée. Partout, les Juifs que nous sommes et voulons  demeurer se sont intégrés au tissu social, y brodant leur singularité  parmi les autres dans la discrétion et le sens de la fête et du  partage.

 

Pessah est emblématique de cette perfection de notre engagement  qui s’affirme dans la solidarité. Pessah est le refus des  exclusions et des prisons, des vues étroites où la peur se mêle  au refus de l’autre jusqu’à vouloir restreindre sa liberté de culte.  Pessah, c’est le contraire du conformisme de pensée, du confort  de croire que la liberté peut se quantifier, se négocier entre  petits arrangements et grands compromis.

 

Là se joue le message de Pessah, derrière la joie de la fête, se ressentent l’émotion et la gravité d’une nuit pas comme les  autres. Une nuit où la transmission est essentielle, où les  enfants joueront un rôle majeur parce qu’ils seront les témoins  de ce qu’ils auront un jour à enseigner à leur tour. Une nuit où  personne ne doit rester à la porte, hésitant à franchir le seuil  d’une demeure qui doit rester largement ouverte à tous, à tous  les fils et filles qu’ils soient ignorants, rebelles, incertains ou  savants. De même que nous avons toujours su collectivement  concilier les derniers progrès scientifiques et culturels avec une  fidélité sans faille à notre identité, nous devons individuellement  savoir nous ouvrir à autrui pour mieux rester fidèle à notre  idéal de partage, car fidélité et liberté ne peuvent être qu’entières.

 

L’an dernier, au lendemain de l’horrible tuerie de Toulouse où  Jonathan, Gabriel et Arieh Sandler et Myriam Monsonégo ont  péri des mains d’un assassin assoiffé du sang des innocents, Eva  Sandler, la maman, l’épouse, s’est adressée aux fils et filles  d’Israël en demandant à chacun de ne laisser personne célébrer  Pessah dans la solitude. Au plus fort de la détresse ou de la  joie, que nous soyons tous, responsables de communauté  comme simples fidèles, aussi forts et aussi libres pour préserver  ensemble, solidairement, notre identité, la transmettre et commémorer  la fin de notre esclavage.

 

Pessah cacher vésaméah.