Message du Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim

L’unité d’Israël


« Le méchant, que dit-il ? – « Que signifie pour vous ce service? » (Exode 12, 26) « Pour vous », et non pour lui ; et puisqu’il s’est exclu lui-même de la communauté, il a nié l’Essentiel ».

Ce jugement, que-nous lisons chaque année dans la Hagada de Pessa’h, paraît bien sévère. On peut rejeter 1’un ou l’autre des commandements de la Tora – en l’occurrence les rites pascaux – sans pour autant être incroyant. Pourquoi le méchant est-il alors traité de négateur absolu ?

L’auteur du Midrach Chemouel, commentant la fameuse maxime de Hillel « ne te sépare.pas de la communauté » (Avot, 2, 5), propose une explication étonnante. C’est dit-il, que l’unité de 1a maison d’Israël procède de celle de D. L’âme juive est une étincelle divine, et par conséquent, la foi en l’unité de D. implique celle en l’unité de la Communauté. De par son existence même, Israël est donc le témoin sur terre de l’unité divine. Tout comportement séparatiste, parce qu’il menace la cohésion du peuple juif, constitue un défi à 1a volonté divine et met en cause Son unité même. D’où la condamnation du « méchant ».

Mais le Midrach Chemouel expose aussi que l’injonction de Hillel doit être comprise comme un prolongement de l’enseignement, exprimé juste avant dans les Pirké Avot, par Raban Gamliel, fils de Rabbi Yehouda Hanassi : « que tous ceux qui se dévouent aux intérêts de la communauté, le fassent par amour du Ciel ». La leçon de Hillel revêt dès lors, nous semble-t-il, une dimension saisissante :

Pour renforcer l’unité d’Israël, pour rester fidèle à sa mission ontologique, chaque individu a le devoir de se consacrer à la collectivité !

Et même lorsqu’il accomplit cette obligation, il n’est pas encore quitte: tous ceux qui se dévouent et agissent pour le bien de la communauté doivent avoir comme souci prioritaire, de maintenir, voire de raffermir sa cohésion et son unité ; c’est seulement ainsi qu’ils manifesteront leur « amour du Ciel »!

Dans la mesure où la commémoration de la sortie d’Egypte est aussi celle de la constitution d’Israël en tant que peuple, ce jugement porté à l’encontre du Racha’ s’adresse en fait à chacun d’entre nous, et apparaît comme une des leçons centrales de la fête de Pessa’h.

‘Hag saméa’h !