Les juifs val-de-marnais à la rencontre de leurs élus

Comme chaque année dans ce département du sud francilien, la rentrée communautaire s’ouvre en fanfare avec le traditionnel dîner républicain organisé par le Conseil des Communautés Juives du Val-de-Marne (CCJ 94) à l’occasion des vœux du Nouvel An. C’est l’occasion d’une rencontre au sommet et à grande échelle, près de 300 convives, entre l’ensemble des élus, maires et parlementaires, et représentants de l’Etat du département et les dirigeants communautaires du 94.

Ce 17 septembre, c’est la ville de Saint-Maurice qui, à l’invitation de son sénateur-maire, M. Christian Cambon, honora la communauté juive en accueillant l’évènement dans ses splendides salons municipaux de l’Espace Delacroix, en présence du grand-rabbin de France, M. Haïm Korsia, du préfet du Val-de-Marne, M. Thierry Leleu, du président du Conseil Général, M. Christian Favier, des chefs d’institutions, M. Joël Mergui, président du Consistoire, Francis Kalifat, vice-président du CRIF, Gil Taïeb, vice-président du FSJU, Jean-Marc et Martine Saada, présidents de la communauté de Charenton/Saint-Maurice.

Après les mots de bienvenue du Président de la synagogue de Saint-Maurice, le Dr Jonathan Benharoch, la soirée s’ouvrit par l’allocution du nouveau président du CCJ 94, M. Gérard Uzan, qui dans un message d’une grande intensité interpella les pouvoirs publics et les élus de la république sur la situation des Juifs de France :

« … Les derniers évènements survenus tant en Israël qu’en France ou en Europe, voire un peu partout dans le Monde, ont amené nombre de nos coreligionnaires à prendre conscience de l’ampleur de la montée en puissance de l’antisémitisme en France, bien sûr, mais également en Europe, et un peu partout dans le monde. D’une simple inquiétude, cette prise de conscience s’est véritablement transformée en anxiété, au point que certains s’interrogent sur leur avenir dans notre pays, au point même d’envisager d’émigrer vers Israël ou d’autre cieux plus cléments que notre mère patrie.  Mais, aujourd’hui, en dehors d’Israël, on se demande où les Juifs sont encore en sécurité tant l’antisémitisme s’est disséminé partout de par le monde. Même aux Etats-Unis la question commence à se poser.

Mais cette prise de conscience est, pour la première fois, accompagnée d’une perte de confiance. Et cela, malgré la prise de position claire et courageuse du Président de la République et du Premier Ministre. En effet, comment comprendre qu’un multirécidiviste comme Dieudonné n’ait jamais été condamné à un seul jour de prison, ne fût-ce qu’avec sursis, quand on connait les abominations qu’il véhicule, les sombres complicités dont il bénéficie et le danger qu’il représente pour l’ordre public !

Comment comprendre que la liberté d’expression se confonde dans l’esprit de nos concitoyens avec la liberté de haïr ! Oubliant que la République est qualifiée par le bon équilibre des libertés fondamentales : liberté d’expression, certes, mais droit à la sécurité qui est la première des libertés fondamentales, et également liberté au respect et à la dignité due à chacun de nos concitoyens. 

L’antisémitisme n’est que la conséquence prévisible et visible d’une déliquescence morale qui se mesure à tous les strates de la société, et qui a pour conséquence une délinquance de plus en plus violente et morbide »

Le ton était donné à l’attention des représentants des partis politiques qui se succédèrent à la tribune. Après Christian Cambon pour l’UMP, le sénateur maire d’Alfortville, Luc Carvounas, pour le PS, le député-maire du Kremlin-Bicêtre, Jean-Luc Laurent, pour le MRC, le président PC du Conseil Général, M. Christian Favier, qui adressèrent des vœux chaleureux à la communauté juive tout en dénonçant vigoureusement la montée de l’antisémitisme et appelèrent à la plus grande fermeté des services de l’Etat face à la dégradation du climat public.

Le préfet du département, M. Thierry Leleu, qui a tenu à se faire accompagner par la totalité des sous-préfets, chefs de la sécurité départementale, et commissaires divisionnaires du Val-de-Marne, s’est montré extrêmement déterminé, avec l’appui du procureur de la république, à apporter les réponses judiciaires les plus appropriées à toutes les formes d’incivilités et de débordements antijuifs.

En cette année du centenaire de la grande guerre, le grand-rabbin de France, M. Haïm Korsia, rappela le lourd tribu payé par les Juifs de France à la défense de la patrie, donnant en exemple le célèbre rabbin Abraham Bloch qui paya de sa vie la recherche d’une croix chrétienne pour satisfaire la demande d’un poilu français agonisant, et tous ces milliers de Juifs « morts pour la France » dont les listes de noms remplissent les plaques commémoratives de nos synagogues.

Intervention très remarquée également du président du Consistoire, Joël Mergui, revenu spécialement d’une cérémonie de vœux à Lyon, pour dire avec force qu’il refusait toute complaisance à l’égard de la haine des Juifs et d’Israël, et que, s’il n’était pas mis fin aux dangers qui pèsent sur la communauté juive, après les drames d’Ilan Halimi, de l’école juive de Toulouse et du musée de Bruxelles, il ne fallait pas compter sur lui pour « jouer à l’autruche » et faire barrage au départ des Juifs de France vers des yeux plus cléments.Tout était dit. La soirée s’acheva comme de coutume sur le garde-à-vous de toute l’assemblée au son de la Marseillaise.