La Victoire : Conférence de Georges Bensoussan

Conférences de Georges Bensoussan

  

Conférence du 30/01/2013

« La condition juive dans l’Orient arabe avant 1914 »


Ce premier cours visait à montrer comment les germes de la tragédie se retrouvent déjà présents dans la condition des juifs en pays arabo-musulmans avant 1914.


  • La condition des dhimmis est une situation de dominés.  Les sources d’origines diverses convergent pour témoigner de la misère du mellah et de l’archaïsme de sa société ; l’infériorité juridique du Juif en fait un être  protégé  mais méprisé, victime de toutes les violences.


  • Dans le monde ottoman, le statut de dhimmis a été supprimé en 1839 puis 1856, mais dans les faits et plus encore dans les mentalités, il ne disparaît pas. Il reste que la condition des Juifs est pire dans les pays non conquis par les Turcs, comme le Maroc ou ceux où la présence turque a été brève comme le Yémen


  • La modernité, partie de France avec la philosophie de Lumières, véhiculée  par la Révolution et des conquêtes napoléoniennes touche ces communautés très tôt. La campagne d’Egypte (1798 – 1801) en est le premier acte, la colonisation et le développement du grand commerce poursuivent cette œuvre, relayée par l’action d’institutions juives de solidarité, en particulier l’Alliance Universelle Israélite, dont on a rappelé ici l’importance.  La communauté algérienne, dont la situation est unique,  joue ici un rôle pionnier.


  • Cette modernité remet en cause le monde juif traditionnel et provoque l’opposition des rabbins et notables.  Si, en Orient, le fossé creusé est moins important que dans le monde ashkénaze,  le déracinement  s’opère en deux générations dans le mode de vie et dans les mentalités.


  • Cette modernité va bouleverser le monde traditionnel arabe, qui la rejette très massivement.


  • On comprend donc comment l’arrivée des colonisateurs est vécue par les communautés juives comme libératrice, comment les Juifs en deux générations ont misé sur l’école française, publique, religieuse chrétienne ou école juive de l’Alliance pour émanciper leurs enfants. Un fossé se creuse donc entre les deux communautés autrefois si proches religieusement et culturellement et l’affrontement devient inévitable : conquête de la dignité,  de l’égalité, du droit à la promotion sociale pour les Juifs, maintien de l’ordre traditionnel voulu par Dieu pour les Arabes.

Conférence du 06/02/2013

« Le monde arabe et le nazisme »

La germanophilie arabe précède l’avènement du nazisme: elle repose sur les relations économiques de l’empire ottoman avec l’Allemagne avant la Première Guerre mondiale, l’alliance militaire pendant celle-ci et l’admiration de l’élite arabe devant la modernité  efficace et réactionnaire du deuxième Reich.

A partir de 1933, l’idéologie nazie pénètre largement l’opinion arabe. On distinguera ici la majorité de la population analphabète, vivant en milieu rural et une élite plus cultivée. Une propagande impressionnante est établie en direction du monde arabe : une radio qui émet en quatre langues ou dialectes dont l’arabe diffuse jusqu’en 1945 cinq journaux de propagande politique, Mein Kampf, les Protocoles de Sion sont largement répandus.  Si le but d’Hitler est d’affaiblir l’empire colonial français, cette propagande rencontre un succès inimaginable. Cette pénétration de l’idéologie nazie s’explique par plusieurs facteurs : le rejet de la puissance coloniale est indiscutable, mais il faut aussi prendre en considération une même conception ethnique ou raciale de la Nation qui génère un nationalisme d’exclusion, un même rejet des Lumières, un même ressentiment devant la défaite en 1918 et les traités de paix : on sait que les Arabes attendaient l’indépendance et non le traité de Sèvres. On ne doit pas négliger l’antijudaïsme arabe : Le Juif apparaît alors comme la cristallisation de la modernité ; il est rendu responsable de tous les maux.

La nazification du monde arabe pendant la Seconde Guerre mondiale est une réalité : au niveau politique, le parti Baas, les mouvements de jeunesse traduisent cette référence au modèle totalitaire, mais les chansons populaires et la violence de la masse en montre une pénétration profonde dans l’opinion, toute acquise aux forces de l’Axe. Celle-ci s’accompagne d’une véritable explosion anti-juive dont attestent  en 1941 les deux pogroms de  Bagdad et Gabès en Tunisie. On connaît les appels du Grand Mufti à l’extermination des Juifs sur la radio allemande en Mars 1944, en pleine connaissance de cause et ses tentatives d’organiser une collaboration militaire avec l’Allemagne. On sait que celle-ci fut limitée surtout par le fait qu’Hitler ne s’intéressait pas au monde arabe.

En 1945, les communautés juives apprennent  l’ampleur de la catastrophe en Europe ; on sait alors que l’extermination est possible. Leur place dans des pays qui acquièrent alors rapidement leur indépendance apparaît bien compromise. Le développement du mouvement sioniste et la création de l’Etat d’Israël vont amplifier les difficultés, mais ne les ont pas créées.