La fréquentation des synagogues en pleine mutation

Si certains lieux de culte se dépeuplent, en province ou dans les banlieues « sensibles » d’Ile-de-France, d’autres gagnent de nouveaux fidèles. Le Consistoire encourage les jeunes à prendre la relève d’un encadrement juif vieillissant.

« Contrairement à ce que l’on croit, l’alya massive des années 2010 ne s’est pas traduite par une chute globale de la fréquentation des synagogues, en tout cas pas en Ile-de-France », explique le rav Haï Bellahsen, chargé des communautés locales au Consistoire de Paris, qui fédère quatre-vingts lieux de culte. Il insiste sur les fortes migrations intervenues depuis environ une décennie et toujours en cours au détriment des zones « sensibles » de la périphérie, en Seine-Saint-Denis ou dans le Val-d’Oise en particulier, au profit des quartiers plus sûrs de l’ouest de la capitale ou des Hauts-de-Seine. Si certaines synagogues se vident, d’autres sont pleines à craquer et accueillent parfois une proportion remarquable de jeunes couples, comme dans le 16ème ou à Neuilly. En dépit des problèmes budgétaires et du manque de donateurs dont pâtit le Consistoire, le rav Bellahsen égrène aussi la liste des nouveaux centres communautaires ouverts en 2016-2017 ou en projet : par exemple Courbevoie, Boulogne-Sud… et bien sûr le très attendu Centre européen du judaïsme (CEJ) de la porte de Courcelles (17ème), qui devrait être opérationnel en avril ou mai prochain. Au demeurant, le président Joël Mergui veut éviter, autant que possible, toute fermeture de synagogue. Celle de Saint-Denis a été peu à peu désertée mais l’institution se bat pour la préserver en l’état.


En province, la situation est plus difficile. Le vieillissement de la population juive, dû au départ des jeunes pour Israël ou pour la région parisienne, le manque d’emplois, de services et commerces casher… : tout se conjugue pour créer un cercle vicieux. Les fidèles sont de moins en moins nombreux dans la plupart des villes, à quelques exceptions près : Villeurbanne, la « Jérusalem » de l’agglomération lyonnaise, Strasbourg ou Marseille où les oratoires se multiplient. Mais le Consistoire n’abandonne personne : il aide matériellement, quand il le peut, telle ou telle communauté et la Hazac dépêche régulièrement des équipes de bénévoles franciliens dans les petites communautés éloignées de la capitale et dépourvues de tout, afin d’y animer notamment de vrais shabbats.


La création en quelques mois de quatre-vingts classes d’oulpan dans les lieux de culte consistoriaux, en collaboration avec l’Organisation sioniste mondiale (OSM), a également permis de redonner vie à des espaces communautaires moins fréquentés qu’autrefois. Cette initiative a remporté en effet un franc succès. Une dizaine de nouvelles classes devraient voir le jour prochainement.


On sait par ailleurs que le judaïsme hexagonal manque cruellement de cadres. Beaucoup atteignent l’âge de la retraite. Le rav Bellahsen rappelle que le Consistoire a une responsabilité particulière à cet égard, puisqu’il est – de loin – le plus gros employeur de la communauté à travers les synagogues du bassin parisien dont il a directement la charge. Il pousse les conseils d’administration à intégrer des jeunes et réunit chaque hiver, à Coudray (Essonne), un séminaire dédié aux présidents de communautés locales visant à dynamiser le leadership juif dans ce pays… et à encourager le militantisme, qui se raréfie comme dans l’ensemble de la société. Enfin, chacun a conscience de la nécessité de développer des activités culturelles destinées à ceux qui fréquentent peu, habituellement, les lieux de prière. Mieux accueillir le public en général et favoriser ce que le président Mergui appelle « l’alya interne » (en d’autres termes, le renforcement identitaire), c’est l’objectif d’un comité de réflexion mis en place en juin dernier.