Focus sur Les Tournelles

Inaugurée en 1876, la synagogue de la rue des Tournelles a été témoin des évolutions et des combats de la vie juive parisienne. Son Président, Marc Zerbib, nous raconte la synagogue d’aujourd’hui et ses nouveaux défis.

Les Tournelles
© Axel Perez


Marc Zerbib, vous êtes le Président de la Communauté des Tournelles. Quel est votre parcours ? Quelles ont été vos motivations pour devenir Président ?


Marc Zerbib: Je fréquente la synagogue depuis 1961 et depuis 1994, j’en suis le Président. Mes motivations pour prendre la présidence de la communauté m’ont été dictées par le devoir de transmission. L’équipe précédente, qui avait permis le développement de notre synagogue à des périodes très difficiles avec l’arrivée massive des Juifs d’Algérie, était devenue vieillissante et voulait un soutien et un relai communautaire.


Quelques amis et fidèles des Tournelles se sont réunis avec moi  pour venir relayer la direction de notre communauté.


Nous avons donc pris, avec l’accord de nos anciens, la gestion de l’administration et pour ma part, j’ai été élu Président cette commission administrative.


Pouvez-vous nous retracer l’histoire de votre Communauté ?

M.Z : La Synagogue de la rue des Tournelles était fréquentée avant la Shoah par une communauté juive ashkénaze très nombreuse et active sur le plan religieux, social et communautaire. La liturgie ashkénaze était la règle et de merveilleuses prières avec des chants rythmés par la chorale et le grand orgue, animaient cette communauté.


Après la guerre la communauté était peu fréquentée mais l’arrivée des Juifs d’Algérie à partir de 1958 a permis un renouveau. Majoritairement constantinois, les juifs d’Algérie ont permis le développement la synagogue et le Président du Consistoire de l’époque, Monsieur Guy De Rothschild, a accepté en 1961 que la synagogue suive le rite constantinois.


A partir de 1961, le Président de la commission administrative était Monsieur Edmond Cohen Tenoudji (Zal) qui a œuvré avec ses frères, Gaston et Robert (Zal) pour développer notre synagogue et accueillir de nombreux Juifs d’Algérie qui se retrouvaient pour prier selon nos rites et nos chants immémoriaux.


La synagogue des Tournelles est toujours très fréquentée par des Juifs d’origine constantinoise même si actuellement beaucoup de nos fidèles sont d’origine marocaine, tunisienne voire libanaise.


Comment s’organise la vie juive à la Synagogue des Tournelles au quotidien et pour les jours de fêtes ?

M.Z : A la synagogue, la vie Juive s’organise autour du Rabbin Yves Aaron Marciano et des Hazanims : M. Meimoune Amar, M. Dan Harbib et M. Laurent Elguir.


Chaque office de semaine est fréquenté par un certain nombre de nos fidèles très impliqués dans la vie communautaire. Le Chabbat nous comptons de nombreux hommes, femmes et enfants, heureux de venir prier aux Tournelles.


Les jours de fêtes sont exceptionnels aussi bien à Pessah et à  Soucott qu’à Chavouot pendant laquelle on a l’habitude de lire les dix paroles en Judéo-arabe, respectant ainsi nos traditions liturgiques. Pour Roch Hachana et Yom Kippour, l’assemblée est très nombreuse et les offices sont tout à fait exceptionnels. A la fin de Yom Kippour les 2000 fidèles présents ressentent une spiritualité et une foi qui donnent des frissons lors de la sonnerie du Chofar.


Quels sont les grands projets qui vous tiennent à cœur et comment compter-vous les réaliser ?

M.Z : Les projets qui nous tiennent à cœur sont de permettre à nos fidèles de venir en nombre prier dans notre synagogue qui assure des offices quotidiens et chabbatiques très fervents.

Nous aimerions créer un centre communautaire culturel Juif du « Marais » pour permettre des conférences, des cours de Thora et de Talmud. Ce n’est pas facile à organiser mais nous nous y attelons.


La communauté de la synagogue des Tournelles est certes bien présente mais elle vieillit et nous aimerions attirer des familles avec de jeunes enfants qui puissent venir densifier notre Kahal. Il est vrai que dans le Marais, les logements sont relativement onéreux mais nous ne désespérons pas d’attirer de jeunes familles pour enrichir notre communauté.


Votre synagogue est très largement connue pour la célébration des mariages. A votre avis, pourquoi les jeunes couples sont-ils si attirés par votre synagogue ? Maintenez-vous un contact avec les nouveaux mariés ? Sont-ils à la suite de leur mariage plus amenés à fréquenter votre synagogue ?

M.Z : Notre Synagogue est effectivement connue pour célébrer de nombreux mariages chaque année. Nous l’avons entièrement rénovée et comme elle a été classée aux monuments historiques et aux bâtiments de France, son magnifique embellissement attire les jeunes mariés et leurs familles. La taille de la synagogue est suffisante pour réaliser des mariages avec une solennité et une spiritualité qui sied bien à cet évènement. Le Rabbin Marciano s’investit énormément dans l’accueil des futurs mariés et outre la préparation avant le mariage, nous continuons de les suivre après le mariage et souvent nous célébrons la Milah, la Bar ou Bat mitsvah d’enfants de couples qui se sont mariés aux Tournelles.

Témoignage

Beaucoup de familles ou de couples qui me rencontrent en dehors de la synagogue, me rappellent qu’ils se sont mariés aux Tournelles et qu’ils considèrent notre synagogue comme étant la « leur ». De tels témoignages me procurent un immense plaisir.

Pour moi la synagogue des Tournelles, c’est avant tout les âmes des fidèles ashkénazim qui prièrent en ces lieux avant la Shoah. Ensuite, c’est le renouveau apporté par les juifs du constantinois dont les chants liturgiques entonnés par toute la Communauté avec foi et conviction, résonnent sous les voutes altières de ce bel édifice. Ce sont aussi ces fêtes ferventes qui revêtent un charme si particulier.

C’est dans cette synagogue que les mariages ont le plus de solennité, lorsque la mariée s’avance avec  émotion dans la longue allée centrale pour rejoindre l’élu de son cœur, qui ose à peine la regarder. Les Tournelles sont également le cadre de magnifiques concerts de musique religieuse, de musique andalouse inspiratrice du rite constantinois et de musique Klezmer.

Des repas chabbatiques  prolongent parfois l’office du samedi pour un moment fraternel autour d’un bon repas suivi d’une conférence.  Aux  Tournelles les fidèles sont sensibles aux belles voix et aiment écouter notre rabbin Yves Marciano ainsi que nos chantres Mimoun Amar, Dan Arbib et Laurent Elguir.

Enfin, je dois dire que c’est une des synagogues où les fidèles sont encore assez nombreux et qu’il est difficile d’aller prier ailleurs tant on reste attaché à ce haut lieu de prières.

Claude-Yaël A.

Pour plus de détails, un livre intitulé: “Les Tournelles, une grande synagogue parisienne” peut être commandé à l’adresse suivante : paul.attali@wanadoo.fr