Du concret et du spirituel ! par le rabbin Jacky Milewski

Quand Rivka demande à Yaacov de se rendre chez Yits’hak en se faisant passer pour son frère, Essav, Yaacov réplique : « Peut-être mon père me touchera (yemouchéni avi) et j’aurai provoqué contre moi la malédiction » (Genèse 27, 12). L’objectif de Rivka consistait en ce que Yits’hak bénisse Yaacov et non Essav. Mais pourquoi Yits’hak tenait-il tant à bénir Essav ?

 

Rabbi Elimélekh de Lizensk (No’am Elimélekh sur Parachat Tsav p. 138) explique : Yits’hak pensait prodiguer la bénédiction concernant le monde futur à Yaacov et la bénédiction relative au monde matériel à Essav. Rivka tenait quant à elle à ce que Yaacov bénéficie aussi de forces matérielles car sinon, comment le peuple juif aurait-il pu résister à l’hostilité à laquelle il a toujours été confronté ? Précisément, Yaacov craignait cette bénédiction car cette dimension concrète et matérielle porte en elle le risque d’empêcher l’homme de regarder plus haut, vers D.ieu. « Peut-être yemouchéni avi » : yemouchéni vient du terme « mamach », quelque chose de concret. « Peut-être la bénédiction matérielle va-t-elle me pousser dans le souci du concret et porter ombrage à ma spiritualité !».

 

Le verset qui suit : « Veyemouchéhou vayomer hakol kol Yaacov » est traduit : « il le toucha et dit : la voix est la voix de Yaacov mais les mains sont les mains d’Essav ». Ou selon l’explication précédente : « il le rendit concret et s’exclama : la voix est la voix de Yaacov » dessinant ainsi la conjugaison des dimensions spirituelles et matérielles qui caractérise le judaïsme.

 

Au demeurant, Yaacov sut parfaitement s’acquitter de cette tache puisque, plus tard, la Torah relate que le patriarche a envoyé « des malakhim, des anges à Essav » et Rachi commente : « Malakhim mamach », des anges bien concrets. De la spiritualité éthérée, Yaacov en a fait quelque chose de bien réel, en lien avec ce monde. Ceci est rendu possible par l’accomplissement des mitsvot au quotidien, dans tous les domaines de la vie.