Du chant des anges, du chant des hommes ! par le rabbin Jacky Milewski

A la fin du combat qu’il a mené contre Yaacov, l’ange mystérieux lui dit : « Renvoie-moi car le matin est monté » (Gen 32, 27). Pourquoi l’ange demande-t-il à Yaacov de le renvoyer ? Ne peut-il pas partir tout seul ? Et quel rapport y a-t-il avec le matin qui se lève ? Rachi écrit : « Renvoie-moi car le matin est monté et donc je dois chanter en ce jour ». La source de Rachi se situe dans ‘Houline (91b) : « Je suis un ange et depuis le jour où j’ai été créé, ce n’est qu’à présent qu’arrive pour moi le temps de chanter ». Il nous faut tenter de comprendre cet ange qui demande à entonner son chant.


Rabbi Chelomo de Radomsk (Tiféret Chelomo I p. 119) propose le développement suivant : la Guemara de ‘Houline (91b) rapporte : « Les anges du service ne commencent pas à chanter en haut avant qu’Israël ne chante en bas ». Or, « pendant toute la durée de l’exil que Yaacov a subi, en raison de l’oppression exercée par Lavan et Essav, les anges n’ont pas chanté ». Ce n’est que lorsque Yaacov est délivré de tous les affres qui le menaçaient que les anges se sont mis à chanter. En effet, « ce n’est que lorsque les enfants d’Israël connaissent le salut ici-bas, heureux et emplis de bien, disposés à dire la louange de D.ieu que les anges l’entonnent aussi ». Yaacov est sauvé, l’ange peut alors chanter « car le matin est monté », la lumière pour le patriarche, le chant pour le serviteur céleste.


Que nous livre cet enseignement ? Deux choses parmi tant d’autres : l’une à portée spirituelle et théologique, l’autre à portée sociale et éthique (avoir associé ces deux dimensions (spirituel et social), c’est avoir déjà dit beaucoup sur la Torah).


La vie spirituelle ne provient que des hommes. Les symphonies angéliques qui habitent le ciel et chantent la présence divine dépendent du chant des hommes. C’est le silence dans le ciel si sur terre, D.ieu n’est pas chanté.


« Les anges du service ne commencent pas à chanter en haut avant qu’Israël ne chante en bas ». Pour pouvoir mener une vie spirituelle, une vie de pensée et de réflexion, de méditation et de contemplation, pour pouvoir chanter en haut, l’homme doit chanter en bas, vivre dans des conditions matérielles satisfaisantes. Un homme ne peut s’adonner à l’étude de la Torah en sachant que sa famille a faim. On ne chante dans le ciel que si l’on chante en bas. Donc, œuvrer pour la tsedaka, c’est contribuer à régler des problèmes économiques et sociaux et c’est aussi une démarche qui permet à autrui de mener une vie religieuse digne de ce nom, de manger kacher, de dégager du temps pour prier à la choule… La tsedaka dispense du bien au corps et à l’âme !