Conférence de Franklin Rausky – L’arche de Noé : le lien entre l’éthique, le théologique et l’écologique

Le livre de la Genèse livre la vision juive de l’homme,  de ce qui fonde l’humain  dans son universalité.  Nous nous intéressons cette année à l’apport des  penseurs juifs contemporains à cette approche. Cette quatrième conférence était consacrée à l’épisode du déluge.


Les commentateurs traditionnels avaient mis en évidence la cause première de cette catastrophe, ce qu’en hébreu, on nomme «  HAMAS » : une forme de la perversité qui se complait dans la mystification de la justice, où l’iniquité, manipulant le droit, se prétend  légitimée par la loi.  la responsabilité humaine est donc ici motrice de l’histoire.


La croyance en la véracité historique des événements fut, bien sûr, battue en brèche par les découvertes scientifiques. En 1840, Darwin affirme que ce récit est «  un mythe oriental ».


L’apport d’Umberto Cassuto (1883-1951) est ici d’une grande richesse. Ce grand savant juif était directeur du séminaire rabbinique de Florence et  enseignant universitaire, spécialiste des études sémitiques. Sa connaissance  des langues mésopotamiennes lui permit la confrontation du texte biblique aux récits mythologiques du Proche-Orient polythéiste.  Il  est frappé par la similitude du récit, mais une comparaison suivie met en évidence des différences radicales. Dans l’univers polythéiste de Babylone, les dieux agissent par colère capricieuse, pur arbitraire ; ils dévorent ce qu’ils peuvent s’approprier du monde, qui, par ailleurs leur indiffère ; ils se disputent entre eux la responsabilité d’une catastrophe dont ils ont peur et qu’ils oublient immédiatement. Le survivant, Noé babylonien, n’a aucun mérite particulier ; il monte au ciel et se confond avec les dieux.  Aucun événement ne vient clore le récit.  Dans l’épisode biblique, tout est voulu par Dieu : créateur et  justicier, qui se soucie de l’avenir du monde après la catastrophe et préserve l’ordre de la vie.  La fragilité humaine est reconnue, comme la ferveur du survivant, dont les mérites expliquent le destin particulier.  Le récit débouche sur une  alliance, une loi et  une promesse : l’alliance est faite avec l’humanité entière qui doit pour survivre respecter les sept commandements noachiques, fondement d’une morale universelle ; la promesse divine est donnée que plus jamais le monde ne sera détruit.


La démarche de Cassutto  apparait ici d’une modernité fructueuse : alors que beaucoup campent alors sur des positions rigides et frileuses,  refusant  l’analyse critique du texte biblique et  la confrontation  aux interrogations posées par la science moderne, la connaissance est ici utilisée pour poser  les questions qui éclairent sur la vraie nature du texte biblique.