Chabbat Hanouka, par le Grand Rabbin de Paris

La haftarah du chabath de H’anouca, tirée d’une prophétie de Zacharie, est la même que celle de la sidra Béha’alothekha. Cette dernière détaille les modalités d’allumage du candélabre à peine installé dans le sanctuaire du désert, tout comme la fête de H’anouca qui est centrée sur la restauration du service de la ménorah au sein du 2ème temple, purifié des souillures idolâtres infligées sous l’occupation des troupes séleucides d’Antiochus Epiphane. Dans sa vision inspirée, Zacharie, l’un des derniers prophètes d’Israël, voit un ange qui lui montre la ménorah en lui disant : « Que vois-tu ? », et Zacharie de répondre : « Je vois un candélabre entièrement en or, surmonté d’une coupe et ses sept lampes sur lui… ». Une même haftarah pour deux situations différentes : dans le premier sanctuaire la lumière de la ménorah, allumée par Aharon le grand prêtre, est associée à la présence divine dans la plénitude de sa proximité concrète avec le peuple d’Israël qu’Elle accompagne et guide dans le désert.

 

Dans la bouche de Zacharie, on trouve un autre grand prêtre confronté à deux puissances célestes radicalement opposées : « Et Il me montra Yéoshoua’, le grand prêtre, debout devant l’ange de D-ieu, ainsi que le satan qui se tenait à sa droite pour lui faire obstacle. Et D-ieu dit au satan : que D-ieu te blâme satan ! Et D-ieu blâma le satan qui choisit Jérusalem, alors qu’elle n’est qu’un tison sauvé du feu ».

 

Pour Zacharie, contemporain de la reconstruction du temple au terme du premier exil, la ménorah prend une signification spirituelle pour symboliser la promesse du triomphe des forces de lumière sur les puissances obscures, la suprématie de l’esprit sur la force brute, vision prémonitoire de l’épisode de H’anouca qui verra la restauration miraculeuse des lampes du candélabre après l’éclatante victoire des H’achmonaïm : « …ce n’est ni par la puissance ni par la force, mais c’est par Mon esprit, dit l’Eternel Tsévaoth ».

 

Il est bien connu que la fête de Hanouca commémore deux miracles bien distincts: celui de la fiole d’huile d’une part, celui de la victoire militaire d’autre part, remportée par les Hasmonéens contre le roi Antiochus, et dont se fait l’écho le texte de Al Hanissim : « Tu as livré les forts aux mains des faibles, les nombreux aux mains des peu nombreux ». Il est permis de se demander, dès lors, pourquoi ce second miracle, contrairement au premier, ne donne lieu à aucun rite commémoratif, à aucun acte de Mitsva ? Rav Moché Feinstein zatsal, le fameux décisionnaire américain du siècle dernier, propose une réponse, confondante de simplicité, de profondeur … et d’actualité. En fait, c’est l’essence-même de Hanouca qui s’exprime dans cette absence de rite ! Parfois, explique-t- il, lorsque les ennemis d’Israël se comportent à son égard de manière trop injuste et cruelle, D. « voit, et autorise [la victoire militaire d’Israël contre] les Nations » (Habacuc 3,6). Et c’est ce qui s’est passé lors de Hanouca. Mais cela n’est jamais vécu par le peuple juif comme un événement particulièrement heureux, donnant lieu à réjouissances et festivités, mais bien plus comme un pis-aller. Car la véritable solution eût consisté en la prise de conscience par l’ennemi, autant que par le reste de l’humanité, du bien-fondé de la cause juive : cela aurait évité les pertes en vies humaines, et permis l’établissement d’une paix totale et définitive. En revanche, c’est ce schéma qui prévaudra à la fin des temps, quand « la terre sera emplie de connaissance » (Isaïe 11,9), et en vertu de ce qu’a stipulé D. Lui-même par la bouche du Prophète Zacharie (4,6) : « Non pas par la force armée … mais par Mon souffle »

 

Pour cette raison, pour signifier que nous aurions préféré que la crise à l’époque trouvât un dénouement pacifique, on ne célèbre pas le miracle militaire. Mais au contraire, on commémore celui de l’huile – symbole de spiritualité – afin d’exprimer notre certitude qu’un jour viendra où ces toutes petites lumières se transformeront en un grand et puissant foyer, qui illuminera le monde entier de connaissance, et lui apportera la paix universelle.