Cérémonie des Déportés : Discours du Président Joël Mergui


Joël Mergui

Shoah : un nom « non-révisable », indissociable de la singularité du crime contre l’humanité des juifs d’Europe.


« Zakhor, souviens toi ! » n’oublie pas le drame de la Shoah, et souviens toi de l’héritage du judaïsme que les nazis ont voulu détruire avec notre peuple.

Ni la culture, ni la science, ni la laïcité, ni l’Europe n’ont été des remparts contre le mal absolu.

Souvenons nous, de tous les juifs assassinés à qui on a volé la vie, l’identité et jusqu’à la sépulture.

Avec eux, vit – comme une lumière au cœur des ténèbres – le souvenir des Justes, sauveteurs non-juifs d’Israël, pour qui le judaïsme n’était ni un problème, ni une barrière.

Aux 6 millions d’âmes qui réclament justice, nous devons plus que la mémoire.

Nous leur devons de sauvegarder au 21e siècle la seule religion que le 20e siècle a voulu et failli anéantir.

Nous leur devons de ne pas laisser en France, la première communauté juive d’Europe s’amoindrir, s’éloigner de son identité et de ses racines.

Nous leur devons des synagogues vivantes qui ne se transformeront jamais en musées d’une religion ou d’une culture européenne perdues.

Nous leur devons de refuser que l’Europe ne devienne qu’un vaste cimetière de cendres, de fosses communes et de plaques commémoratives.

Nous leur devons de relever le défi du judaïsme européen, identité à part entière de l’Europe qu’il a contribué à bâtir.

Nous leur devons de préserver Israël, reconstruit par les rescapés et leurs descendants, de préserver l’Etat juif de la volonté de tous ceux qui rêvent – aujourd’hui comme hier – de rayer les juifs de la carte du monde et de l’humanité.

Cet impératif moral s’adresse à chacun : à nous ici, dans ce haut lieu du judaïsme, à vous qui nous regardez en ce moment, à tous, juifs comme non juifs.

Des solutions que nous apporterons à ces défis dépendent l’équilibre de notre société et l’avenir de nos enfants. Elles sont les réponses aux crimes du passé.

En réponse à nos synagogues qui brûlaient hier, j’appelle aujourd’hui à la préservation de nos lieux de cultes.

A l’étoile jaune imposée hier, j’oppose aujourd’hui la liberté de porter sans crainte la kippa.

En réponse aux charniers d’hier, je demande aujourd’hui la dignité pour nos morts.

A l’exclusion hier de nos enfants et de nos professeurs de toutes les écoles et universités, interdits d’études, je requiers aujourd’hui des examens ouverts à tous, même aux plus pratiquants.

En réponse à nos rites d’abattage interdits hier, je réclame aujourd’hui le respect total de toutes nos règles alimentaires.

Ce que l’Europe a connu hier de destruction, de chambres à gaz et de négation, l’Europe d’aujourd’hui doit y répondre par la préservation et l’épanouissement du patrimoine juif et des communautés juives, pour toujours minoritaires.

Le judaïsme d’hier est bien vivant. Il enseigne toujours l’importance de la mémoire : Zakhor !

Le Consistoire organise cette cérémonie pour rappeler aussi que la mémoire seule ne suffit pas. Pour fonder l’avenir, elle doit s’articuler avec un autre commandement : « Chamor ! Protège, ou encore préserve !»

La mémoire est source de vie lorsqu’elle s’accompagne d’une démarche de préservation, et d’épanouissement pour l’avenir, notre avenir à tous, juifs comme non-juifs.

« Zahor et Chamor : souviens-toi et protège !»

Deux commandements indissociables, voilà ce que nous devons à 6 millions de disparus et à l’humanité toute entière un devoir de mémoire autant qu’un devoir d’avenir.