4ème édition du Séminaire des dirigeants communautaires

Et maintenant que faut-il faire ?

Venus de toute la France, les responsables de communautés n’ont pas caché le plaisir qu’ils avaient à se retrouver dans le cadre de cette 4ème édition du Séminaire des dirigeants organisé par le Consistoire au Coudray Monceau.

Comme les années précédentes ils ont trouvé là un forum unique en son genre pour débattre librement, sans tabou et sans langue de bois, de leurs préoccupations réelles et profondes pendant tout un week-end dans un cadre de détente et une ambiance aussi studieuse que chaleureuse.


Les thèmes du séminaire qui faisait suite aux évènements tragiques de ce début janvier allaient de soi :

– la gestion du changement face aux actes antijuifs et aux mutations communautaires

– les incidences de l’émigration des juifs de France

– sécuriser les personnes et les biens, comment combattre l’antisémitisme, l’antisionisme ?

Les présidents, rabbins et administrateurs des communautés, grandes ou petites, proches ou lointaines, ont exprimé leur inquiétude et celle de leurs ouailles devant la situation actuelle, et posé des questions sur les mesures à prendre. Le départ en nombre de certains vers Israël, parmi les familles les plus engagées au sein du noyau dur de nos communautés, n’est désormais plus un point d’interrogation mais une « donnée du terrain » (« ouvda ba-chétah’ »), et il devient tout aussi nécessaire d’adapter les programmes communautaires à cette situation nouvelle que d’assurer un minimum de préparation à ceux qui souhaitent faire leur alyah pour en éviter les risques d’échec.

Le chabbat a été rythmé par les offices chantés et les divrei-thora des rabbins qui ont su tenir toute leur place dans le séminaire :

Le Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim, trouva dans l’épisode d’Amalec, qui conclut la sidra Béchalah’, l’occasion de traiter avec brio un sujet hélas de circonstance : « La haine du juif : maux et remèdes dans la Thora », rappelant que le meilleur antidote à l’antisémitisme atavique et obsessionnel des ennemis d’Israël a toujours été, est et restera la nécessaire fermeté et résolution de la foi (Emouna) face à toutes les épreuves et vicissitudes de l’histoire : c’est en levant les mains vers le ciel, c’est-à-dire en recherchant son secours en Hachem que Moïse sut galvaniser ses troupes et vaincre Amalec, l’ennemi héréditaire et emblématique du peuple juif.

Le Rav Ben Ichai, père et grand-père des victimes d’Itamar, à la foi inébranlable, venu spécialement d’Israël, donna une magistrale leçon de vie en  tirant de la Torah des motifs d’encouragement et de consolation à l’attention des perplexes et des endeuillés.

Le Rav Vicky Bellahsen, directeur du département des communautés du Consistoire, s’appuya sur le midrach relatif à « l’échelle de Jacob », pour mettre en perspective la succession des exils d’Israël (Babylone, Perse, Grèce et Rome) et conclure sur l’espoir prophétique de la rédemption du peuple juif.

Au cours de la rencontre avec les représentants de l’Etat, le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, a puisé dans la sidra de la semaine des motifs de fierté en faveur des forces de police. Au risque de leur vie, elles se sont interposées entre le terroriste et les victimes de l’Hyper Cacher de Vincennes, un peu à l’image de D-ieu qui, au moyen de sa colonne de feu et de sa nuée protectrice, reçut les flèches de l’armée de Pharaon en faisant écran entre les Egyptiens et les enfants d’Israël.

Charles Sulman, vice-président du Consistoire, anima un forum sur le thème : « L’image du Juif dans la Cité, ou une autre façon de lutter contre l’antisémitisme », au cours duquel il invita divers présidents de communautés à s’exprimer sur la façon de promouvoir le judaïsme et Israël. Un certain nombre de pistes furent évoquées à titre d’exemple, dont certaines ont fait leurs preuves mais qu’il s’agit de développer ou de réorienter en fonction du contexte général ou des situations locales : les expositions, conférences et séminaires sur la connaissance et la compréhension du judaïsme, l’action interreligieuse, les voyages en Israël, les activités culturelles, les rencontres avec les jeunes des quartiers difficiles, éducation à l’école sur le fait religieux et la citoyenneté…

Alain Sebban, président du Consistoire régional Rhône-Alpes, se proposa d’examiner avec un certain nombre de ses collègues les incidences de la baisse démographique de la judaïcité française, tout en faisant l’inventaire des « recettes » susceptibles de favoriser nos retrouvailles avec nos frères juifs éloignés qui, rappelons-le pour se donner du cœur à l’ouvrage, représentent numériquement une population bien supérieure à celle qui a choisi les chemins de l’émigration et de l’alyah, ce qui nous donne la mesure du travail à accomplir et de l’ampleur des perspectives de conquête de nouveaux « friches » pastorales et spirituelles, notamment en matière de qualité d’accueil dans nos synagogues et dans tous les services communautaires.

Plusieurs intervenants extérieurs sont venus tout au long du séminaire apporter leur expertise dans différents domaines pour aider les participants à mieux appréhender la situation nouvelle à laquelle les Juifs mais plus largement la société française et le monde occidental sont actuellement confrontés. Citons Jérôme Guedj, président du Conseil Général de l’Essonne, Alexandre Adler, spécialiste des relations internationales, le géopoliticien Frédéric Encel ou encore le chercheur et documentariste Jacques Tarnero.

Sur le thème : « Les sources de la terreur islamiste, les solutions pour y remédier », et utilisant comme fil conducteur le triptyque kantien « Que puis-je savoir ? », « Que dois-je faire ? » et « Que m’est-il permis d’espérer ? », Alexandre Adler fit une analyse magistrale de la situation créée par la poussée de l’islamisme à travers le monde et par les « printemps arabes » : Après une exploration panoramique de la situation internationale, il conclut à propos de la France : « Ne jamais rien laisser passer et répondre point par point aux ennemis du peuple juif et d’Israël », égratignant au passage un certain nombre de médias (ex : l’Obs et sa une scandaleuse sur ces « Juifs français qui s’enrôlent dans Tsahal ») et de personnalités publiques qui s’illustrent régulièrement par leurs obsessions antisionistes. Cependant, suite à la manifestation géante du 11 janvier à Paris, A.Adler nous encouragea à trouver espoir dans l’attachement de l’immense majorité des français à l’Etat de droit et aux valeurs républicaines ».

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Autre forum et autres invités : Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, Patrice Latron, Préfet chargé de la protection des lieux communautaires juifs, Bernard Schmelz, Préfet de l’Essonne, ainsi que Ira Forman, Délégué du Département d’Etat U.S. pour la lutte contre l’antisémitisme, qui planchèrent sur un thème qui s’imposait assez naturellement :« Au lendemain des tueries de Charlie Hebdo et de la Porte de Vincennes, les nouveaux dispositifs de protection des lieux communautaires et de lutte contre le terrorisme ». Il se dégagea clairement de cette tribune une volonté extrêmement ferme du gouvernement français de mobiliser, sur le long terme et à l’échelle sans doute d’une génération, des moyens inédits, tant humains que financiers, contre le déferlement des incivilités, des actes racistes et de la haine antijuive : à commencer par le vecteur éducatif jusqu’aux dispositifs judiciaires de répression, en passant par la protection policière et même militaire des lieux de culte, sans oublier la surveillance des sites internet, lieu de défoulement de la haine en tout genre, qui constituera l’une des grandes priorités de l’action gouvernementale qui fait officiellement de ce combat une « cause nationale ». Pour sa part, l’américain Ira Forman, fit connaître la détermination de l’administration américaine à lutter contre ces mêmes fléaux, en concluant son propos par la formule : « on peut critiquer Israël, mais ne pas accepter sa délégitimation ».

La table ronde qui suivit réunit Jacques Tarnero et Frédéric Encel, autour de Jack-Yves Bohbot, vice-président du Consistoire. Le premier traça un long historique des relations tumultueuses et spasmodiques de type « amour et répulsion » entre la France et Israël, ainsi qu’un inventaire des tueries antisémites, de Copernic à l’Hyper-Cacher de Vincennes, en passant par la Rue des Rosiers, Ilan Halimi, Bruxelles et Toulouse, avant de dresser un réquisitoire accablant contre la pensée commune anti-israélienne dite « progressiste » et ses grands poncifs crypto-staliniens ou « lumpen-philosophes » qui bénéficient continûment de la complaisance de certains médias. Mais soucieux de conclure sur une note optimiste, J.Tarnero tint à rendre hommage à quelques grandes figures intellectuelles du monde musulman ex: Mohamed Sansal, Abdelwahab Medeb (récemment disparu), etc. dont il salua le courage, le pacifisme authentique et visionnaire. Il appela les dirigeants communautaires présents et l’ensemble des forces de paix à considérer ces hommes comme de véritables « alliés » dans leur combat contre le fléau islamiste.

Le second, Frédéric Encel, pointa du doigt les inconséquences des politiques successives qui, en dépit des nombreux signes avant-coureurs et mises en garde, depuis l’ « Intifada des banlieues », n’ont jamais pris la mesure des menaces réelles qui pèsent sur les valeurs fondamentales et la cohésion de la société française, relativisant et minimisant, au nom du « pacte social » et de la « pensée correcte », les pires dérives de la « voyoucratie » antifrançaise, raciste et antisémite. Après un détour par la genèse des « printemps arabes » (titre de son dernier ouvrage), F.Encel voulut lui aussi conclure son propos en pointant les raisons d’espérer, à commencer par le sursaut républicain et laïc de la manifestation géante du 11 janvier. Il souligna aussi le fait que la gouvernance actuelle de la France, réactive et empathique, n’avait rien en commun avec celle de l’époque des attentats de Copernic, indifférente à la douleur et à l’angoisse de la communauté juive. Enfin il fit remarquer à l’assistance, sondages d’opinion à l’appui, que contrairement à une idée reçue au sein de la communauté, l’immense majorité des français ne sont pas aussi anti-israéliens qu’on le suppose : 8% de pro-israéliens contre 9% de pro-palestiniens, ce qui signifie que la grande masse des français sont plus indifférents que partisans au regard de cette problématique proche-orientale.

Sur le chapitre Israël, Simcha Felber, Délégué Général en France de l’OSM, a dressé la liste des programmes développés en faveur de l’alyia des Juifs de France : apprentissage de l’hébreu, voyages d’étude en Israël, célébration de Yom Haatsmaout dans les communautés, mise en place d’une caravane sioniste et d’un mois de l’alyah, soutien au mouvement de jeunes H’azac, séminaire de formation en Israël pour une centaine de jeunes leaders, etc.

Enfin Uri Ariel, ministre israélien du logement et de la construction, a assuré la clôture en déclarant sa volonté d’obtenir dans un avenir proche une baisse du prix des appartements, ainsi qu’une meilleure reconnaissance des diplômes français, mesures susceptibles de favoriser plus encore l’alyah des Juifs de France.

Dans ses différentes adresses aux participants, le président Joël Mergui, déclina sous différents angles le message selon lequel la communauté juive de France devrait perdurer en dépit d’une réduction prévisible de ses effectifs dans les prochaines années, et du déclin de plusieurs petites communautés. Les responsables locaux se trouveront ainsi confrontés à une diminution des membres de leurs communautés avec pour corollaire le risque d’une baisse d’audience dans leurs services et activités, sans parler de l’effet appauvrissant de la baisse des ressources.

Il insista sur le fait que ce phénomène irrésistible de « décroissance » place la communauté organisée devant de nouveaux défis, dont le plus important et le plus emblématique sera sans nul doute la nécessité de faire tous les efforts possibles pour « remplacer » les partants à travers une politique pastorale, dynamique, volontariste et ambitieuse de conquête en direction des Juifs éloignés ou au seuil de l’assimilation.

Joël Mergui fixa un autre axe de travail à travers la nécessité d’une relève du leadership associatif, faisant obligation à chacun des participants présents d’identifier et de motiver la jeunesse dans chaque communauté afin d’assurer l’avenir du judaïsme français. C’est dans cette perspective qu’il a annoncé la tenue prochaine d’un nouveau séminaire en faveur des jeunes adultes qui devront être sensibilisés à ces grands enjeux et formés au militantisme et aux techniques de gouvernance avec l’aide de l’OSM et du KKL.

Enfin, il ne manqua pas de rappeler que tous devront se mobiliser pour réussir l’Hyper Chabbat des 6 et 7 février à la mémoire de nos chers disparus dans l’attentat de la Porte de Vincennes, paix à leur âme !

La récompense de tant d’efforts de préparation de ce week-end se présenta, lors des adieux, sous la forme d’embrassades qui toutes se conclurent par la formule rituelle : « on se revoit au plus tard l’an prochain au 5ème séminaire ».