Du bonheur d’être juif par Joël Mergui

Pour quel peuple étrange devons-nous passer aux yeux des autres, capables d’éteindre nos téléphones portables et ordinateurs en pleine ère de la communication en temps réel, d’abandonner le confort de nos voitures et de tout moyen de transports des jours entiers -le temps de chabbat ou des  fêtes-, et tout cela sans contrainte, de manière consentie et souvent avec soulagement sinon avec enthousiasme !

Nous sommes à l’image d’un petit village d’irréductibles qui, tout en entretenant d’excellentes relations avec nos voisins pacifiques, résistons à la civilisation dominante lorsque celle-ci risque d’absorber -jusqu’à la dissoudre- notre identité de peuple du Livre.

Or, si nous appartenons avec bonheur à un ensemble plus vaste qui nous englobe sans nous fondre, c’est aussi en raison de notre singularité. Peuple de la Loi, nous sommes aussi et tout autant le peuple des cabanes, autrement dit -indissociablement- celui de la rigueur et de la joie.

Cette joie constitue une dimension peu connue de notre peuple, elle incarne pourtant, avec l’étude, une autre voie vers la sagesse à laquelle nous aspirons pour mieux accomplir notre mission d’homme. Lorsqu’il nous est fait injonction de faire joyeusement d’une cabane notre résidence principale pendant 7 jours, cette notion de « besimh’a » que nous avons le devoir de vivre particulièrement à Souccot, nous enseigne que la vie vaut d’être vécue autrement que dans sa réalité physique ou matérielle.

L’inconfort relatif et la précarité des cabanes de Souccot nous arrachent à nos soucis comme à notre confort douillet pour nous rappeler que la joie de vivre, et le bonheur d’être, sont incompatibles avec l’isolement et le repli sur soi égoïste. L’un comme l’autre séparent de la communauté des hommes.

Or, pour accomplir le commandement de construire sa soucca, la convivialité tout autant que la solidarité nous oblige à partager avec ceux qui n’ont pas la possibilité ou la capacité de bâtir la leur, là est le sens des cabanes communautaires dans nos synagogues.

Du partage et de la convivialité au moment des repas commun naît la joie pure, authentique, comme une force qui encourage chacun à aller au-delà de ses apparentes limites, avec le sentiment profond de réaliser son être et de donner du sens à ses actes.

De la même manière que le Consistoire incite à l’étude, il invite à la joie parce que toutes deux fécondent et alimentent notre identité juive, notre bonheur d’être juif au service de la communauté des hommes.

Extrait du journal Actualité Juive n°1180 du 11 octobre 2011