Communauté n’est pas communautarisme par Joël Mergui


Rien n’est plus naturel aux juifs que nous sommes que de citer la communauté lorsque nous évoquons notre vie quotidienne ou les événements qui touchent chacun d’entre nous, quelle que soit du reste la pratique religieuse de chacun.


Le mot lui-même renvoie à une double dimension, puisqu’il sous-entend à la fois un pluriel et un singulier. En effet, non seulement il nous désigne collectivement -comme formant un Tout singulier-, mais il signale également notre appartenance individuelle à un groupe suffisamment uni et distinct pour renvoyer à une notion qui nous est chère à savoir, une famille au sens large, dont chacun ferait partie comme membre, plus ou moins fidèle ou actif.


Si la réalité de cette appartenance vécue concrètement, symboliquement ou abstraitement paraît à certains surprenante c’est probablement parce qu’elle pose la question de la nature sinon de la qualité du lien qui, par delà le temps et l’espace depuis des millénaires, accorde entre eux des individus que distinguent pourtant l’histoire, la langue, la culture, le mode de vie, les traditions ou les coutumes.


Depuis 200 ans que le Consistoire existe comme union des communautés juives de France -créée pour organiser le Judaïsme en France-, nous répondons que notre communauté est notre manière de mieux faire partie de la communauté nationale et de la défendre au travers de la pluralité de nos institutions toutes représentatives et légitimes de notre singularité. Communauté n’est pas communautarisme. La première unit, le second divise. L’une est solidaire et renforce les liens, l’autre exclut et enferme.


C’est dans ce cadre que la communauté est pour nous naturelle et indispensable : elle renvoie à un sens et un usage essentiels et intrinsèques au judaïsme : il n’est de pratique et de partage de valeurs communes que vécues collectivement, dans la pluralité des différences et des particularités de chacun.


Voilà pourquoi, si la croyance appartient à l’individu dans le secret de son cœur et de son âme, l’exercice quotidien de la foi et de l’identité sont des pratiques collectives, communautaires qui ne peuvent se passer d’autrui pour exister dans leur complétude et leur plénitude. Là est le sens du minyan : la communauté avec ses différences, car personne n’existe à l’exclusion des autres.

(Extrait d’Actualité Juive n°1193 du 12/01/2012)