Chana Tova 5780, par le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia

Chers amis,

Tout débute par là où tout finit. A la veille de cette nouvelle année, l’enjeu est de se souvenir des évènements particulièrement marquants pour mieux transformer demain le monde, et nous transformer nous-mêmes. Cette période est également l’occasion de nous projeter dans le futur et de sortir du quotidien. Comme la terre que nous travaillons, cultivons et tendons à conserver, l’année est circulaire et cyclique. Elle est faite de changements, positifs ou négatifs, mais toujours en mouvement.

Cette année encore, la France fût le triste théâtre de la permanence de l’extrême-droite lors des élections européennes. La haine venant de l’autre extrême, celle que l’on a vu a l’œuvre dans les rues de nos villes samedi après samedi, n’est pas plus recommandable. Si la situation n’est malheureusement guère nouvelle, indignation et dénonciation ne suffisent plus à la contenir. Il y a désormais, et plus que jamais, urgence à réagir et agir, car nous ne pouvons collectivement demeurer spectateurs d’une telle désolation. Acteurs de la société, nous devons le devenir ou l’être pleinement tout affaire cessante. Le judaïsme a toujours manifesté cette façon de s’engager et de ne pas être indifférent à l’histoire du monde, de ne pas être seulement un consommateur de ce que d’autres produisent. S’engager c’est dire comme les prophètes : Hineini – « me voici ».  Je suis présent aux autres ; j’agis et porte ma part de responsabilité. Chacun et chacune à sa façon, chacun et chacune dans ses fonctions.

Beaucoup d’entre vous s’engagent et œuvrent au quotidien pour faire rayonner le judaïsme, ce que je constate toujours avec bonheur lors de mes visites dans vos communautés. Sans pouvoir être exhaustif, j’ai une pensée particulière pour la synagogue de Verdun, qui bénéficie cette année du loto du patrimoine, ou de Périgueux, qui n’avait pas accueilli de Grand Rabbin de France depuis 1967, mais aussi Roanne, La Rochelle et tant d’autres.

Partout en France, j’ai rencontré nombre de communautés et j’ai pu mesurer votre volonté si forte et si belle de faire perdurer ce judaïsme si chaleureux et si vivant.

Partout en France, je suis allé à la rencontre des colonies et camps de vacances, comme le faisait également Mardochée en d’autres temps. Ces échanges avec nos jeunes sont une thérapie à nul autre pareil, tant ils sont empreints de vitalité, de dynamisme, de joie et d’espérance. A vous, à nous, de continuer à transmettre les valeurs du judaïsme, toujours dans le respect de la Halakha et des lois de la République, et toujours dans le bonheur.

Parmi les plus importants de nos préceptes émerge sans conteste l’unité. L’année dernière, nous avions inauguré le Sefer Torah de l’unité à la mémoire du Grand Rabbin Joseph Haïm Sitruk zal. Cette année, il a continué de voyager, de Villejuif à Marseille et maintenant à Nice, la ville qui a vu grandir, s’engager avec les EEIF et se marier, cette grande figure du judaïsme. Il rejoindra ensuite Cannes, avant une autre destination, et continuera à relier comme un fil l’ensemble des communautés qui l’auront accueilli, pour leur donner la même espérance, même si elle peut revêtir diverses formes, pour ne faire qu’un, à l’image du peuple juif au pied du Mont Sinaï : ke ich ekhad be lev ekhad – « comme un seul homme avec un seul coeur ».

Dans la Bible, on apprend des Hébreux leur capacité à se projeter dans l’avenir, proche ou plus lointain, comme ce fut le cas pendant les quarante années qu’a durées la traversée du désert au cours desquelles ils n’ont eu de cesse de penser et imaginer la terre Sainte. Les Hébreux ont fini par arriver en Israël. Après l’exil, nous avons répété comme une litanie : « l’an prochain à Jérusalem ! » et le peuple juif y est retourné. Et nous avons tous un peu de Jérusalem en nous… à Paris aussi ! La Maire de Paris, Anne Hidalgo, a repris ma proposition formulée à l’automne dernier à l’Hôtel de Ville de Paris lors de la remise du prix internet de la Conférence des rabbins européens et formalisée ensuite avec pugnacité par le Président Joël Mergui, de re-créer dans notre capitale, une rue Jérusalem, comme c’était le cas dans le quartier de la Cité avant l’extension du palais de justice. C’est désormais chose faite avec la Place Jérusalem dans le 17è arrondissement, à quelques pas du Centre européen du Judaïsme qui devrait ouvrir prochainement ses portes.

Lors des offices de Roch Hachana, nous lisons, entre chaque sonnerie du Chofar, pendant la prière du Moussaf : hayom arat olam – « Aujourd’hui est la création du monde ». Cela ne signifie pas simplement que le monde est créé aujourd’hui, mais qu’il nous revient, à tous, de créer ce monde.  Comme Rachi nous l’enseigne avec l’un de ses très nombreux et célèbres commentaires, en écrivant : « aujourd’hui : aujourd’hui », nous sommes contemporains de ce que la Torah nous rend possible.

Le mois de Tichri est le temps des vœux. Souhaitons-nous donc bonheur et santé et surtout espérons pouvoir le faire longtemps, très longtemps, sans jamais le prendre à la légère.

Que cette année soit douce et belle, qu’elle vous apporte satisfactions et succès.

Puisse cette année être porteuse de santé, de bonheur, de paix et de prospérité pour la communauté juive, pour la France, pour Israël et pour le monde.

Puissiez-vous, ainsi que vos proches et celles et ceux qui vous sont chers, être inscrits dans le Livre de la Vie.

Chana Tova !

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