C’était il y a un an, c’était il y a un siècle !

A l’occasion de cette période riche du calendrier hébraïque, où se mêlent les joies de Tou Bichvat et du fameux chabbat Bechala’h, appelé « chabbat Chira » le chabbat du « chant », nous sommes nombreux à nous remémorer avec nostalgie les célébrations auxquelles ces évènements avaient donné lieu l’année dernière encore.

Et, de fait, la fête de Tou Bichvat a une résonance particulière cette année pour de nombreuses raisons. Elle est probablement la dernière fête que nous avons pu célébrer « pleinement » dans ce qu’il est convenu d’appeler « le monde d’avant ». Les souvenirs de ces buffets de fruits, de cette proximité sociale semblent même irréels tant nos repères ont été bouleversés en une année.

Par ailleurs, la fête de Tou Bichvat, chacun le sait, nous rappelle à nos devoirs envers la nature et envers le monde. Bien avant que la conscience écologique ne forme un consensus planétaire, la Torah rappelait et martelait que l’homme a une responsabilité éminente envers l’environnement. Au cours de l’histoire, l’homme a parfois été grisé par l’ivresse des progrès scientifiques qui l’ont amené à penser qu’il pourrait devenir « comme maître et possesseur de nature ». Tou Bichvat invite, en contrepoint, l’homme à l’humilité, à reconnaître que la seule relation harmonieuse à la nature est celle du respect et non de la maîtrise.

La crise sanitaire que nous traversons ne dit pas autre chose. Elle rappelle à chacun, expert, leader politique, ou simple citoyen, l’humilité et la responsabilité qui doivent nous habiter face à la nature sous peine de créer des dérèglements dramatiques.

Nul ne saurait s’exonérer de cette responsabilité, ni la déléguer à autrui. Chacun est responsable vis-à-vis de lui-même, des autres et du monde. C’est là également un leitmotiv de notre tradition « Kol Israël Arevim ze laze » « Nous sommes tous responsables de notre prochain ».

Enfin, la fête de Tou Bichvat nous invite à mesurer la beauté et les merveilles du monde qui nous entourent. Trop souvent, pris par le rythme effréné du quotidien, nous perdons de vue le privilège qui nous est offert de jouir librement d’une nature aussi merveilleuse. Pour beaucoup d’entre nous, les différents confinements et couvre-feux nous ont permis de retrouver le goût à une forme de simplicité de la vie, en portant un regard neuf sur la nature, et notamment les fruits et légumes qu’elle produit.

Cette fête de Tou Bichvat ne ressemblera donc pas aux autres. Toutefois, je veux y voir un signe d’espoir en l’avenir. La nature est un don de D.ieu fait à l’homme, certes, mais elle appelle à être achevée par ce dernier. Comme l’enseignent les maîtres du Talmud, le blé n’est jamais meilleur qu’après avoir été transformé en pain par l’homme.

Aussi, par son mérite, l’homme est capable de parachever la nature, en lui donnant toute sa grandeur. L’espoir porté par les vaccins rappelle cette liberté fondamentale laissée par D.ieu aux hommes de découvrir certaines lois de la nature, et de s’en saisir pour le bien de l’humanité.

Il nous appartient donc, mes chers amis, de méditer ces enseignements de Tou Bichvat, en redoublant de responsabilité vis-à-vis d’autrui comme vis-à-vis de la nature. En ces périodes difficiles, où le virus semble redoubler de vigueur, j’appelle chacun à appliquer les gestes barrières avec la plus grande rigueur, notamment dans nos synagogues.

Tou Bichvat coïncide cette année avec les commémorations (hazkarot) des premières victimes du COVID. Aussi, avons-nous décidé de planter symboliquement un arbre ce dimanche au Centre Européen du Judaïsme, en l’honneur de toutes les victimes du COVID. Puissent leurs âmes reposer en paix auprès de l’Eternel, et leur souvenir être une source de bénédictions.

Je conclurais ces quelques mots en attirant votre attention sur la leçon d’espoir de la paracha Bechalah : la délivrance n’est jamais loin même quand les hommes semblent acculés aux plus grandes difficultés.

Puissions-nous, avec l’aide de D., assister très prochainement à la fin de cette épidémie et à la guérison de tous les malades.

Joël Mergui