Archives – Les sidrot du rabbin Milewski

Créateurs de mondes !

 

« Rassemblez-vous, écoutez fils de Yaacov ; et écoutez el Israël avikhem, Israël votre père » (Beréchit 49, 2). La Torah a formulé les choses de façon inattendue car Yaacov aurait pu dire simplement « vechim’ou élaï/Et écoutez-moi ». Aussi, le Midrach Beréchit Rabba (98, 3 et Yefé Toar, ibidem) explique : il y a comme un terme absent, un terme présent dans le sens de la phrase mais absent de l’énoncé explicite. Ce terme est celui de « Kel », D.ieu, présent par Son être et absent du point de vue de Sa visibilité dans le monde. Donc, le verset veut dire : « Ecoutez vers Kel, Israël votre père !». « De même que D.ieu crée des mondes, de même votre père crée des mondes ». Il y a ici une incroyable et si surprenante analogie entre Yaacov et D.ieu. Yaacov est tel D.ieu ; il crée des mondes ! (Boré ‘olamote).

 

Le Maharzo (sur Vayikra Rabba 36, 4) explique : Dans la Tefila de cha’harit de Chabbat, il est rappelé que D.ieu éclaire le monde entier et ses habitants, le monde qu’Il a créé, par l’attribut de ra’hamim, miséricorde. Rachi rapporte (sur Beréchit 1, 1) l’enseignement midrachique selon lequel au début, il était monté à la pensée de D.ieu de créer le monde selon l’attribut de justice mais Il vit que jamais le monde ne pourrait subsister ainsi. C’est pourquoi Il fit précéder la mesure de ra’hamim et l’associa à l’attribut de justice. La mesure de ra’hamim fut donc prépondérante dans l’œuvre de la création.

 

Le terme ra’hamim vient de ra’ham, matrice, soit l’espace de la formation de la vie. En même temps, le ra’hamim résulte de l’association du dine, de la justice et du ‘hessed, la bonté. Le ra’hamim représente donc cette chance de vie offerte à nouveau, chance qui devra avoir été mérité rétroactivement. Avec la justice stricte, l’homme est condamné d’office. Avec la bonté gratuite, jamais il ne pourra progresser. Avec le ra’hamim, l’homme a la possibilité de se bonifier. Une chance nouvelle lui est offerte.

 

Les patriarches incarnent des mesures : Avraham excelle dans la bonté, Yitsh’ak dans la justice ; et Yaacov dans la conjugaison de ces mouvements, le ra’hamim. C’est par l’attribut de Yaacov que le monde fut créé. Nous saisissons donc que pour que le monde se maintienne, il a besoin de ra’hamim. Yaacov crée des mondes ! C’est par l’attribut de Yaacov, le ra’hamim, que la société humaine peut exister.

 

 

L’exemple de l’oncle…

 

« Yossef dit à ses frères : ‘’Je suis Yossef, mon père vit-il encore ?’’. Ses frères ne purent lui répondre » (Gen 45, 3).

Pourquoi Yossef demande-t-il à ses frères si son père vit encore alors qu’ils le lui avaient bien affirmé avant ?

On rapporte au nom de Rabbi Chelomo Vozen l’explication suivante : Yossef souhaitait apaiser ses frères. « Mon père vit-il encore ? Bien sûr puisque vous me l’avez dit. Ne craignez donc rien. Songez à notre oncle Essav qui avait déclaré qu’il ne s’en prendrait à son frère – notre père – qu’une fois son père – Yits’hak notre grand- père – mort. Pas avant.

Ses frères ne surent alors que répondre car eux-mêmes avaient fait disparaître Yossef (en le jetant dans la fosse pour le vendre ensuite) alors que Yaacov, leur père, vivait encore…

 

 

Des provisions pour l’autre monde…

 

Quand Yaacov apprend que l’Egypte regorge de blé alors que la famine sévit en Canaan, il demande à ses fils de se rendre au pays des pyramides : « Descendez là-bas, fournissez-nous en blé de là-bas, ainsi nous vivrons et ne mourrons pas » (Gen 42, 2). Comment comprendre ce qui semble être une redondance « nous vivrons et ne mourrons pas » ?

Rabbi ‘Haïm Bénattar explique : si les fils de Yaacov ne font pas le nécessaire pour acquérir des provisions, ils seront reconnus responsables de leur situation ici-bas et aussi là-haut, devant le Tribunal céleste pour n’avoir rien tenté. C’est pourquoi Yaacov dit : « Faites le nécessaire et nous vivrons dans ce monde ; et nous ne mourrons pas dans l’autre ». Yaacov inculque ainsi à ses enfants la croyance, la émouna, en l’existence d’un autre monde. Des provisions pour l’autre monde…

 

 

L’oubli de l’oubli…

 

Le maître échanson « ne se souvint pas de Yossef et il l’oublia ». Ainsi se termine notre sidra. Bien sûr, les commentateurs s’interrogent sur la redondance. S’il ne s’est pas souvenu, c’est qu’il a oublié !

Une personne peut oublier quelque chose et ensuite s’en rappeler d’elle-même. Elle se souvient alors qu’elle a oublié. La chose oubliée n’était pas encore trop loin dans les oubliettes. Mais si une personne a oublié qu’elle a oublié, elle ne pourra jamais se souvenir de ce qu’elle a oublié avoir oublié puisqu’alors, la chose n’existe plus (à moins qu’un événement extérieur ne vienne le lui rappeler). Le maître échanson n’a pas été frappé d’un simple oubli mais de l’oubli de l’oubli…

 

 

De la nuit au jour…

 

Dans la paracha de Veyetsé, la Torah dit : « Yaacov passa la nuit là-bas car le soleil s’était couché » (Gen 28, 11). Rachi écrit : le soleil a précipité sa course pour que Yaacov passe la nuit sur le Moria. Dans notre sidta, le texte biblique énonce : « Le soleil a brillé pour lui » (32, 32), expressément pour lui c’est-à-dire que le soleil s’est pressé de se lever afin de soulager la souffrance de Yaacov provoquée par la blessure que l’ange d’Essav lui infligea. Le soleil a des vertus thérapeutiques sur certaines plaies.

Le Sefat Emet (Vayichla’h 5634, p. 137) fait observer alors : sur le chemin qui mène à ‘Haran, le jour est devenu nuit. Sur la route qui ramène Yaacov en terre promise, la nuit est devenue jour. Sur le chemin qui mène à ‘Haran, le jour est devenu nuit puisque Yaacov s’en va dans d’obscurs endroits (chez Lavan) afin d’y trouver là-bas aussi la lumière et transformer la nuit en jour. N’est-ce pas aussi l’une des conséquences de l’injonction des lumières de ‘Hanouka qui approche à grands pas: transformer un peu de nuit en jour ? Cette transformation s’opère grâce à la Torah puisque le verset nous dit que « la Torah est lumière ».

 

 

Tellement rusé !

 

Sur son chemin, Yaacov rencontre des bergers de ‘Haran et leur demande : « Connaissez-vous Lavan fils de Na’hor ? » (Beréchit 29, 5). Les commentateurs demandent : Lavan n’est pas le fils de Na’hor ! Il est le fils de Betouel comme le dit la sidra de ‘Hayé Sarah ! Na’hor est le grand-père de Lavan le frère d’Avraham (Beréchit 24, 15) !

Le Keli Yekar explique : Yaacov ne posait pas simplement la question de savoir si ces bergers connaissaient Lavan. Ils voulaient savoir s’ils le connaissaient en tant que descendant de Na’hor et non en tant que fils de Betouel. Ce dernier était un homme rusé sans scrupule, un malin, un escroc. N’a-t-il pas tenté de s’en prendre à la vie d’Eliézer pour s’emparer de ses biens en empoisonnant le plat qu’il lui présentait ? Au contraire, Na’hor était un homme droit

Et les bergers répondent à Yaacov : « Nous le connaissons » sous-entendu : il est bien le fils de Na’hor. Incroyable ! Lavan a trompé son gendre des dizaines de fois sur différents plans ! C’est que Lavan est tellement le fils de Betouel, il est tellement rusé et malin qu’il a réussi à faire croire aux bergers de ‘Haran qu’il est fils de Na’hor !!!

 

 

Du nouveau en haut, du nouveau en bas !

 

Le Psaume de Roch ‘Hodech (Psaume 104) énonce : « Te’hadech pené haadama / La surface de la terre se renouvellera ». Ce renouveau de la terre est évoqué le jour d’un renouveau céleste, celui de l’astre lunaire !

On en conclut qu’un engagement renouvelé dans « les affaires célestes » aura des répercussions dans « les affaires terrestres ». Quand la dimension spirituelle connaît un regain de vitalité (la lune renaît), quand le lien avec la Torah vraie se renforce, alors « pené haadama / les visages de la terre » s’embellissent !

 

 

Qu’est-ce qui fait courir Lavan ?

 

La sidra raconte que Rivka « couru et relata à la maison de sa mère ce qui était arrivé [la rencontre avec Eliézer]. Rivka avait un frère du nom de Lavan. Lavan couru vers l’homme [Eliézer]… Quand il vit l’anneau et les bracelets aux mains de sa sœur… il vint (vayavo) vers l’homme (Eliézer] » (Beréchit 21, 29-30). Les commentateurs remarquent que dans un premier temps, il est dit de Lavan qu’il courut vers Eliézer, puis ensuite, qu’il vint (vayavo) à lui, comme s’il y avait eu un changement, comme s’il n’avait pas couru jusqu’au bout. Pour ne pas arriver essoufflé ? Pour ne pas donner l’impression qu’il avait été pressé de rencontrer Eliézer alors qu’en fait, il était impatient de le voir ?

Le Méchekh ‘Hokhma explique : Lavan courre vers Eliézer car il pensait que c’était lui qu’Eliézer était venu rechercher pour lui faire épouser la fille d’Avraham, Bakol. Mais quand il vit les bijoux portés par sa sœur, il comprend que c’est elle qu’Eliézer est venu cherchée, non lui. Son intérêt pour Eliézer a donc considérablement diminué. Il n’est plus pressé…

La thématique morale qui en découle est considérable : pourquoi se presse-t-on auprès des gens ? Pour eux-mêmes ou pour ce qu’ils peuvent nous apporter ?

 

 

Quand on mange, on ne parle pas !

 

Concernant les mystérieux visiteurs accueillis par Avraham, la Torah dit : « Ils mangèrent et ils lui dirent… ». Le Baal Tourim nous dit qu’il y a, dans ce passage, une allusion à l’enseignement talmudique (Taanit 4b) selon lequel « on n’entame pas une conversation lors d’un repas de crainte que la trachée ne s’ouvre avant l’œsophage » et que l’on avale de travers. Les visiteurs ont d’abord mangé, puis ils ont parlé : « Ils mangèrent et ils lui dirent… ».

Symboliquement parlant, la trachée est le conduit de l’air, de la parole, des pensées exprimées, élaborées, alors que l’œsophage est le conduit de la nourriture, de la matière qui descend dans le système digestif.

Si l’élément matière est mal positionné, il peut boucher les canaux spirituels dont l’humain est doté. C’est pourquoi la Torah nous indique la place des choses dans la vie.

 

 

Deux rencontres…

 

Lorsqu’Avraham revient du combat mené contre Kedarlaomer et ses alliés, il est très certainement épuisé. Il fait alors deux rencontres :

  • le roi de Sedom qu’il a libéré il y a peu de Kedarlaomer et qui se présente à lui pour le saluer et lui réclamer les captifs faits par Kedarlaomer.
  • Malki Tsédek, roi de Chalem, qui apparaît pour la première fois, qui n’était en rien concerné par le conflit et qui présente à Avraham pain et vin ! (cf. Rav Hirsch sur Gen 14, 17 et 18).

L’homme qui devrait exprimer sa reconnaissance à Avraham pour l’avoir délivré formule ses exigences. A l’inverse, une personne ne devant rien à Avraham se manifeste et lui apporte son soutien ? N’est-ce pas le tableau classique de certaines relations humaines, tableau classique mais toujours surprenant où ce qui arrive n’était pas attendu, ni dans un sens ni dans l’autre ?

La Torah ne nous raconte pas seulement une histoire ; elle permet à chacun de réfléchir à son quotidien.

 

 

De la lumière sur les mots !

 

« Une lumière, tu feras pour la téva, l’arche » (Gen 6, 16). Le mot « téva » désigne aussi « un mot » de sorte que HaChem dit à Noa’h : « Du mot, tu feras une lumière », non un instrument démagogique utilisé pour tromper, embrouiller, falsifier mais un instrument de clarté, de cette clarté si nécessaire au cœur de la confusion qui a provoqué la survenue du déluge c’est-à-dire la fin d’une société humaine qui a programmé elle-même sa propre fin en oubliant précisément que cette fin pouvait avoir lieu.

En cette époque où la société humaine subit une déstructuration totale de ses présupposés, fondements et assises, et ce dans tous les domaines, plus que jamais, nous avons besoin de cette lumière qui se pose sur les mots.

 

 

 

Le cheminement de la bénédiction

 

La dernière paracha de la Torah porte le nom de « veZot haBerakha », « Et voici la bénédiction ».

Le Midrach Beréchit Rabba explique que la Torah commence par la lettre « Bet » car celle-ci est la première lettre du mot « berakha ». La bénédiction que la Torah porte en elle est simplement suggérée à son début. Il faut déployer le rouleau de parchemin dans sa totalité, cheminer sur toute la Torah, pour parvenir à la Berakha explicite.

Quand une personne s’engage dans la Torah, elle peut ne pas percevoir aussitôt la berakha que son engagement porte en lui. Du temps doit passer, l’imprégnation doit se réaliser, le cœur s’ouvrir. Et ce n’est que plus tard que l’on peut s’exclamer « veZot haBerakha », « Et voici la bénédiction ». Entre temps, le « Bet » s’est déployé, étendu, développé. D’autres lettres s’y sont associées. Et le terme « BERAKHA » a pu se former.

 

 

 

Des anges libérés…

 

Au jour septième jour de Soukot appelé Hochana Rabba, nous récitons de nombreuses suppliques où nous demandons à HaChem de nous sauver, de nous délivrer. L’une des formules des Hochanot énonce : « Comme Tu sauvas une foule nombreuse et avec elle des anges de D.ieu, ainsi sauve-nous ! ». Cette phrase fait référence à la sortie d’Egypte où deux millions d’hébreux quittèrent le pays de l’esclavage. Mais qui sont ces « anges » qui recouvrirent aussi la liberté ?

Ces « anges » désignent les forces spirituelles qui étaient retenues prisonnières dans l’esprit des esclaves. Quand un humain est asservi dans son corps, maltraité, instrumentalisé, battu, il ne peut se rendre disponible pour la question spirituelle. Il souffre, il n’aspire qu’au repos. Avec la libération de l’esclavage, c’est toute la dimension spirituelle des hébreux qui fut délivrée. 

Le vendredi soir, nous accueillons des anges. Nous leur souhaitons la bienvenue (« Chalom alékhem malakhé hacharet... »). Quand le Chabbat arrive, nous nous rendons naturellement disponibles pour délivrer l’énergie spirituelle qui se cache en nous. Le fait de nous abstenir d’un certain nombre d’actions (les 39 travaux défendus du Chabbat), de prier, de retrouver les siens, permet à ces anges de l’intérieur de surgir des tréfonds de l’âme. On comprend alors que le Chabbat est célébré en souvenir de la sortie d’Egypte…

 

 

Tel le vent…

 

Quand la maison de David apprit que l’un de ses ennemis s’était allié avec Ephraïm, « son cœur et le cœur de son peuple frissonnèrent (vayana’) comme les arbres d’une forêt frissonnent (kenoa’h) au vent (mipené roua’h) » (Isaïe 7, 2). C’est le vent qui déplace les branches et les feuillages des arbres.

A Soukot, il nous est demandé de procéder à des na’anouïm, d’agiter la branche des palmiers et les autres espèces dans toutes les directions. Dés lors, l’homme est tel le vent qui redistribue les éléments, tel le vent qui redessine les paysages, rétablissant les équilibres perturbés, raffermissant les fragilités matérielles et spirituelles, soignant les injustices du monde, tel un vent qui met de l’ordre dans les choses et la vie.

Le peuple ainsi inspiré pourra commencer à mentionner de nouveau, dans la Amida, lors du moussaf de Chemini ‘Atséret, l’expression désignant D.ieu comme étant « Celui qui fait souffler le vent et tomber la pluie » …

 

 

Qui pense encore à Kippour ?

 

Qui pense encore à Kippour ? Qui pense à l’immense émotion suscitée par ces prières ? Qui songe à cette communion si rare, à ces foules rassemblées autour des livres de prière dans lesquels nos ancêtres ont prié ? Sans doute, sont-ils été rangés dans la bibliothèque jusqu’à l’année prochaine.

Un verset des Psaumes (106, 3) énonce : « Heureux sont ceux qui conservent le jugement, ils accomplissent des actes de justice en tous temps ». Rabbi Moché Chik explique cette phrase en développant l’idée selon laquelle Roch Hachana et Kippour sont censés nous inspirer toute l’année, dépasser les frontières de leur date, nous accompagner. « Heureux sont ceux qui conservent en mémoire le jugement de Roch Hachana et de Kippour car de la sorte, ils accompliront des actes de justice tout au long de l’année ».

La sonnerie du chofar qui retentit à la fin de Kippour annonce déjà le prochain Roch Hachana.

 

 

Le cheminement de la confession

 

Voyons quelques points sur le service du Grand-Prêtre au jour de Kippour, dans le Temple.

La Michna (Yoma 3, 8) décrit la confession que le Kohen Gadol récitait, au jour de Kippour, sur le taureau qu’il présentait au Temple : le Grand-Prêtre se tenait à l’est (mizra’h), son visage tourné vers l’ouest (ma’arav) ; il posait ses mains sur la tête du taureau et il se confessait. 

Mizra’h vient de la racine « ZR’H » qui veut dire : briller. 

Ma’arav vient de la racine « ‘ERV » qui renvoie au soir (‘érev), à la confusion (ta’arovet). 

Le Grand-Prêtre se situe au « mizra’h », le visage tourné vers le « ma’arav ». Dit autrement, il éclaire, il fait la lumière, sur la part d’ombre qui est en lui ; il fait la lumière sur l’obscurité qui habite son cœur et son esprit. C’est cette posture qui rend possible le vécu profond de la confession.

 

 

De la naissance du monde 

 

« Hayom harate ‘olam / Aujourd’hui, l’univers a été conçu » clame le rituel de Moussaf de Roch Hachana. Pourtant, Roch Hachana célèbre la création d’Adam, au sixième jour de la semaine primordiale, non la création du monde !

Cette formule liturgique nous enseigne donc que le monde n’existait pas tant qu’Adam n’avait pas ouvert les yeux. Bien sûr, l’univers et la nature existaient mais c’est à partir de l’homo-adamique – à qui est confiée une vocation spirituelle – que le monde va commencer à avoir un sens autre que celui de la simple application des lois de la nature. C’est là que le monde va être conçu existentiellement parlant car il va pouvoir alors intégrer un projet moral.

Nous retrouvons cette idée dans le phénomène de la révolution terrestre autour du soleil. Au niveau de la perception humaine, c’est le soleil qui tourne autour de la terre (le soleil se couche, se lève). Et si l’homme a cette impression – nous dit un maître – c’est que d’une certaine façon, l’homme se situe au centre du jeu c’est-à-dire que bien des choses dépendent de lui. Il tient en mains un certain nombre de clés qui peuvent ouvrir sur un monde meilleur. Roch Hachana nous le rappelle : le monde commence à prendre sens avec Adam.

 

 

Au bord de l’eau…

 

Apercevant Jérusalem en ruines, le prophète Jérémie s’exclame : « Ah ! Puisse ma tête (rochi) se changer en eau » (Jérémie 8, 23). Le Midrach explique que le prophète a voulu dire la chose suivante : « Ah ! Si l’on pouvait tout recommencer, tout depuis le début, depuis le moment où tout était eau et où l’esprit du Messie planait encore sur les eaux ! » (cf. Yéarot Devach de Rabbi Yonathan Eybéchutz, II p. 146). Il est question ici des eaux primordiales qui recouvraient la terre et dont il est question dès le deuxième verset de la sidra de Béréchit.

On saisit alors parfaitement qu’à Roch Hachana – jour de la tête de l’année – on se rende au bord de l’eau pour Tachlikh, telle l’expression de l’aspiration à revenir aux temps génésiaques.