Chasseloup-Laubat : Hommage aux soldats juifs de la grande guerre

Hommage aux soldats juifs de la grande guerre

Hommage aux soldats juifs de la grande guerre

11 novembre 2015 : La synagogue des Armées fait salle comble pour honorer la mémoire des soldats juifs et rendre hommage à son doyen.

La synagogue de Chasseloup-Laubat a connu l’affluence des grands jours ce 11 novembre 2015 à l’occasion de la sortie du livre du Conservateur des archives du Consistoire Philippe Landau sur  » Les soldats juifs dans la Grande Guerre. le Livre du Souvenir du Judaïsme français  »  qui recense – introduction, biographies et statistiques à l’appui-, les noms des 4940 disparus du premier conflit mondial grâce au soutien éditorial du doyen de la communauté Harry Kassel, co-fondateur des éditions CLKH léguées au Consistoire.

100 ans après l’œuvre du Secrétaire général du Consistoire de Paris puis du Consistoire Central, Albert Manuel, dans un contexte similaire de recrudescence de l’antisémitisme, Joël Mergui Président du Consistoire, Olivier Kaufmann Grand Rabbin directeur rabbinique accompagné d’une délégation d’élèves et représentant le Grand Rabbin de Paris, Joël Jonas Aumônier général des Armées, le rabbin de la synagogue Chasseloup-Laubat dite des Armées Mikaël Journo et le président de la communauté Claude Hadad, Pierre Birnbaum Professeur émérite à la Sorbonne, Gérard Darmon et l’association Mémoire juive ont rendu un vibrant hommage, ce 11 novembre 2015, aux soldats juifs de la Grande Guerre.

Discours du Président Joël Mergui

Dès 1914, fidèle à sa devise « Patrie et Religion, » le Consistoire a soutenu sans réserve l’effort de guerre de la nation. Sur une population totale de 180 000 personnes, 32 000 de nos coreligionnaires furent mobilisés ou se sont engagés pour défendre la France et ses valeurs.

Par leur conduite héroïque et le sang versé, les Juifs français – a rappelé le Président du Consistoire- avaient crû pouvoir éradiquer définitivement les préjugés antisémites. En vain, puisque l’Union sacrée n’aura duré que le temps d’un rêve de cohésion nationale et que moins de 30 ans plus tard, les juifs seront pourchassés et persécutés dans le cadre de la solution finale des nazis appuyés par le régime de Vichy.

Lors des cérémonies du 11 novembre plus particulièrement, il est primordial pour Joël Mergui de rappeler que des hommes sont tombés ensemble – sans distinction d’origines cultuelle, culturelle, sociale ou géographique – pour défendre la patrie. Un siècle après ce premier conflit mondial, l’Union sacrée doit renaître pour rendre hommage à tous ceux qui furent mobilisés ou s’engagèrent pour faire leur devoir avec patriotisme. Pour autant, face aux tentatives de négation ou de révision de l’histoire, comme pour honorer le courage de nos combattants et les valeurs de notre communauté qui ont toujours su concilier patrie et religion, il est essentiel aussi pour Joël Mergui de rappeler et de faire connaître combien les juifs furent des acteurs valeureux de cette page de notre histoire nationale. Raison pour laquelle Joël Mergui a chaleureusement remercié Harry Kassel pour son engagement et son implication à faire oeuvre de mémoire au travers de sa maison d’édition CLKH qui abritera désormais les Éditions du Consistoire.

Hommage solennel du corps rabbinique

Un hommage juif aux soldats juifs est aussi aussi solennel et, devant une foule recueillie, le Grand Rabbin Olivier Kaufman a chanté El Malé Rahamim, l’Aumônier général des Armées Jöel Jonas le psaume 130 Shir HaMa’alot MiMa’amakim avant la récitation avec les élèves rabbins du Kadish et la lecture par le rabbin Mikaël Journo de la Prière pour la République.

Lecture de lettres de soldats juifs par Gérard Darmon

Du front, les soldats juifs écrivent et racontent à leurs familles et amis l’horreur de la guerre et le déchirement de la séparation. Tous pourtant savent pourquoi ils se battent et combien il est important à leurs yeux que personne n’ignore que les Juifs n’ont pas peur de mourir pour la patrie, même lorsque celle-ci est la patrie de coeur des engagés volontaires.

Du silence est montée la voix basse et puissante de Gérard Darmon pour rendre vie aux soldats disparus, lire des extraits de leurs bouleversantes lettres et témoigner de leur engagement. C’est au comble de l’émotion que l’assistance a écouté par la voix de Gérard Darmon :

–     le testament du tailleur Lazare Silberman engagé volontaire dans la légion étrangère dont l’épouse fut plus tard assassinée à Auschwitz. « Avant de partir faire mon devoir envers notre pays d’adoption, il est de mon devoir de te faire quelques recommandations car je ne sais si je reviendrai. »

–     la profession de foi patriotique de l’ethnologue Robert Hertz dont la famille ne survivra pas non plus à la seconde guerre mondiale : « comme juif, je sens l’heure venue de donner un peu plus que mon dû. Il ny aura jamais assez de dévouement juif dans cette guerre, jamais trop de sang juif versé sur la terre de France. »

–     la tristesse de l’étudiant Léon Litvack devant l’antisémitisme de ses sous-officiers : « nous espérions trouver auprès des autorités militaires de ce pays un accueil en rapport avec les sentiments qui nous ont guidés. Combien fut amère notre désillusion ! (…) A chaque pas on suspectait le mobile de notre acte et notre désir ardent de verser notre sang pour la France était interprété par le désir de manger « la gamelle » ! (…) Mais la mort ne nous fait pas peur, quand nous pensons qu’elle ne passera pas inaperçue et qu’un bien en résultera pour notre race juive persécutée.»

–     La douleur de la perte du fils unique d’Emile Durkheim, douleur dont ce dernier mourra de chagrin : « parlons le moins possible de l’irréparable. Ce sont les images qui me font souffrir. Tout ce qui les réveille me fait faire des pas à reculons. (…) Que ceux qui me restent se conservent pour moi, c’est tout ce que je peux demander. »

–     Le bonheur patriotique de de Marietta née Attal de retrouver vivant son mari Victor Sebag à la fin des hostilité : « Je ne trouve la force de supporter l’épreuve de notre séparation que de l’espoir de me revoir un jour réunie à jamais à celui qui m’a rendu jusqu’ici la plus heureuse des femmes. Je suis courageuse en vraie femme française. »

Conférences de Pierre Birnbaum et de Philippe Landau

Pierre Birnbaum professeur émérite à la Sorbonne, qui a préfacé l’ouvrage de Philippe Landau a passionné l’auditoire par sa conférence intitulée «  Les Juifs et la République » durant laquelle il a rappelé l’exception historique française de l’intégration des Juifs au coeur de l’État. Parce que l’émancipation leur a ouvert toutes les portes de l’État, les Juifs français par leur niveau d’éducation et la méritocratie républicaine, ont pu accéder rapidement aux plus hauts postes de l’appareil étatique et militaire, rappelant que la France en 1914 est le seul pays à pouvoir compter 7 généraux et des centaines d’officiers dans l’Armée. C’est sur cette exception culturelle si particulière d’une importante représentation juive dans les hautes strates du pouvoir que s’est construit l’antisémitisme à la française, anti-républicain par nature tel qu’il s’est illustré horriblement durant les années noires du régime de Vichy.

Philippe Landau a ensuite exposé la genèse des notions de citoyenneté et de patriotisme qui ont conduit à l’engagement des juifs français et étrangers dans les rangs de l’armée française. Pour plus de détails, son livre qui a obtenu le label de la Commission du Centenaire 14-18, est disponible dans toutes les librairies sur commande.

Film documentaire : «  ils se sont engagés pour la France »

A l’issue de cette manifestation, hommage fut rendu en images aux engagés volontaires juifs avec la projection du film conçu et produit par l’association Mémoire juive représentée par sa présidente Michelle Levy, film qui a également reçu le label de la Commission du Centenaire.