Le Consistoire toujours présent sur tous les fronts, par Joël Mergui

L’année qui s’ouvre marque une étape essentielle pour la communauté juive de Paris et de France. Après avoir fêté l’an dernier ses 210 ans, le Consistoire entame un tournant historique. Pour mieux s’adapter aux impératifs du temps présent et aux besoins de la communauté, le Consistoire du XXIe siècle a entamé sa mutation. Il a restructuré ses activités, repensé son offre de services. Il a impulsé une nouvelle dynamique afin que les activités de nos communautés puissent réinvestir les champs de la culture et de l’identité juive qui ont toujours été consubstantiels du fonctionnement cultuel et institutionnel du Judaïsme consistorial.

Ce mouvement s’est traduit par la construction du Centre Européen du Judaïsme (CEJ) comme un vaste complexe à dimension locale, nationale et européenne incluant les trois pôles : culturel, cultuel et institutionnel. Je suis heureux que nombre d’entre vous m’aient accompagné, encouragé et je les remercie pour leur confiance et leur amitié. Ils ont eu la force et la pugnacité de croire, eux aussi, à la possibilité de créer une pépinière de nouveaux talents et un incubateur de projets pour notre communauté. Érigé au cœur du 17e arrondissement de Paris, le CEJ va ouvrir bientôt, non seulement ses portes, mais aussi une nouvelle ère dans le fonctionnement des centres communautaires, où vous avez tous votre rôle à jouer, en devenant force de propositions et de créations.

Plus qu’un bâtiment de 5 000 m2, le CEJ illustre le tournant dans lequel s’est engagée l’institution consistoriale pour favoriser la vie juive. Il est la démonstration de la résilience du Consistoire et d’une communauté qui sait se réinventer dans un contexte difficile et s’adapter aux nouvelles contraintes pour garder espoir en l’avenir et rester en perpétuel mouvement.

Devant le triste constat de la hausse continue des actes antisémites qui semblent désormais devenus d’une effroyable banalité, il était de notre devoir de susciter et d’entretenir l’espoir tout en restant lucides face aux dangers qui nous guettent. Certes, dans un grand élan républicain à l’appel des principaux partis politiques, la société civile s’est mobilisée mais il faut plus encore pour refuser la fatalité d’un mal qui gangrène l’ensemble de la société et mine ses fondements chaque fois que des juifs sont pris pour cible, des synagogues ou des cimetières profanés. Cette année aura vu s’établir un triste record dans une vieille démocratie comme la nôtre avec un accroissement des actes antisémites de +74% par rapport à l’an passé.

Alors que disparaissent les derniers témoins directs de la barbarie nazie du XXe siècle, que les voix de Marceline Loridan-Ivens, Claude Lanzmann et Georges Loinger ne s’élèveront plus contre la mauvaise foi et la volonté mauvaise des négateurs et des révisionnistes, qui se dressera pour combattre les falsificateurs de l’histoire et les calomniateurs de plus en plus relayés et amplifiés par internet et les réseaux sociaux ? Qui, sinon les défenseurs de la mémoire, les porteurs de valeurs, les citoyens de bonne volonté et tous les Juifs ?

Ne serions-nous pas fondés à faire assumer leur part de responsabilité à ceux qui transforment internet en zone de non-droit et qui lentement transforment des mots « irresponsables » en complicités des pires maux ? A quand cette loi pour éviter que la haine virtuelle se mue en haine réelle ? Quand donc les pouvoirs politiques et la société accepteront enfin de comprendre que l’antisionisme bafoue les droits et la bonne foi les plus élémentaires ? Qui peut ignorer encore que ces imprécateurs n’ont de cesse de vouloir la perte de ce petit État juif, comme celle de tout le peuple juif, où qu’ils soient et quoi qu’ils fassent ?

Mais nous ne baisserons pas les bras et je ne renoncerai pas. Je ne dérogerai jamais à mon devoir de vérité. Pour les Juifs, pour Jérusalem, pour Israël, jamais je ne me tairai.

Depuis plus de 210 ans, le Consistoire veille sur la communauté juive en France. Il en est l’instance opérationnelle au quotidien, présent sur tous les fronts et sur tout le territoire au travers de toutes ses communautés. Qu’il s’agisse de défendre l’alimentation casher, la liberté de culte, le port de la kipa dans la rue, ou de réaffirmer le droit de circoncire nos fils, d’éduquer nos enfants, de respecter et transmettre nos traditions, de célébrer nos fêtes ou le souvenir de nos morts : le Consistoire est là et nous nous battons au service de tous les Juifs, quels qu’ils soient, où qu’ils soient sans jamais cesser aussi d’offrir, au quotidien, tous les services nécessaires à une vie juive concrète et épanouie.

Ni l’avenir ni l’espoir ne sont des concepts vides de réalités. Ils s’enracinent dans notre histoire, dans nos valeurs et dans nos traditions sages de plusieurs millénaires, que chacune des générations passées a étudiées, enrichies de ses expériences et rehaussés de ses savoirs pour les transmettre, intactes mais toujours plus vivantes et belles, aux générations suivantes. C’est ma responsabilité et celle du Consistoire que de nourrir cet espoir au quotidien autant qu’il est possible, d’accompagner ceux qui font le choix de partir en Israël tout autant que d’encourager aussi toutes celles et ceux qui œuvrent au quotidien, dans des conditions de plus en plus difficiles, pour faire vivre leur communauté, la développer et porter haut les valeurs du Judaïsme en France.

Pour lutter contre le renoncement, je n’ai eu de cesse d’engager tout le poids du Consistoire, de donner une direction, pour stimuler et promouvoir vos projets, pour vous aider à les concrétiser fort de l’exemple du CEJ, car toute réalité s’enracine d’abord dans l’espoir. A ce titre, le CEJ est la démonstration par l’exemple qu’un rêve peut se concrétiser, qu’il est possible de bâtir ensemble notre avenir et de résister à l’immobilisme, à la morosité et au défaitisme, par exemple en inaugurant partout où la communauté bouge et en éprouve le besoin : des nouvelles synagogues comme à Courbevoie, Perpignan, Bagneux ou des mikvaot, des bains rituels à Neuilly-sur-Seine, Saint-Mandé, Fontenay-aux-Roses ou Toulouse, ou en rénovant des structures historiques comme à Lille ou Colmar, Nice ou Versailles.

Résister c’est aussi faire découvrir la beauté, la diversité et l’histoire de notre magnifique patrimoine vivant comme en ont le projet – sous l’impulsion du CEJ et de ses programmes clés en main avec « Vive notre patrimoine !» -, le futur Espace du Judaïsme du 16e arrondissement de Paris, ou la création à Lyon d’un Institut du Judaïsme. A cet égard, nombre d’événements qui se sont déroulés dans nos communautés témoignent de la vitalité du Judaïsme français, de sa volonté – aujourd’hui comme hier – de participer à la construction d’une société française plurielle, ouverte sur le partage entre les cultes et les cultures, dans le respect des croyances de chacun.

Grâce à sa légitimité historique, son rôle de gardien fidèle des traditions, ses rabbins et présidents, ses bénévoles comme ses adhérents, le Consistoire nourrit un dialogue fécond avec toutes les composantes de la société civile et politique, en contact permanent avec les différents ministères, pour dénouer des situations, faire avancer nos projets et apporter la position officielle du Judaïsme français. C’est à ce titre que, pour la première fois, le Consistoire a accueilli le Président de la République Emmanuel Macron, à la Grande Synagogue de la Victoire, pour la traditionnelle cérémonie de présentation des vœux à la communauté juive, le 4 septembre dernier, en présence d’une foule considérable et d’invités aussi prestigieux que l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy.

Si la devise du Consistoire demeure Patrie et Religion, notre institution n’en oublie pas moins son engagement et sa fidélité vis à vis de l’État d’Israël avec qui il entretient des liens de cœur étroits. Nous avons ainsi eu la joie d’accueillir le Premier Ministre Israélien, Benjamin Netanyahou, à la Grande synagogue de la Victoire dans le cadre des célébrations du centenaire de l’armistice du 11 novembre 1918. Après avoir rappelé l’engagement exemplaire des soldats juifs pour leur patrie, le Consistoire a souligné l’exemplarité de tous les volontaires, engagés aux côtés de leurs frères juifs, pour défendre la France et dont certains, accourus de Jérusalem, y ont laissé la vie.

Jérusalem, un nom dont nous avions tous rêvé le retour dans les rues de la capitale depuis qu’il en avait disparu en 1883. Mais espérer ne suffit pas, il faut mettre en œuvre, concrétiser le rêve. N’est-ce pas le sens que les Juifs ont toujours accordé à la prière, à l’attente : une action à mille lieues du fatalisme, de la passivité ou de l’inertie ? C’est ainsi que l’État d’Israël est né. C’est ainsi que le nom de Jérusalem est revenu dans notre capitale après 136 ans d’absence, étape après étape : d’abord la demande, puis le choix du lieu, ensuite l’inauguration avant celle du CEJ. Tout cela s’inscrit dans un processus de plus de 15 ans de travail têtu et acharné pour réaliser des projets de coopération entre Jérusalem et Paris. J’ai choisi le moment symbolique de la venue à l’Hôtel de Ville de Paris du Président de l’État d’Israël, Reuven Rivlin pour saisir publiquement et officiellement la Maire de Paris Anne Hidalgo de ce projet que nous avions mûri conjointement. Qu’elle soit chaleureusement remerciée, avec le Conseil de Paris, pour leur accord et leur décision de nommer « Place de Jérusalem » précisément là où elle prend légitimement sens : devant le CEJ, avant son inauguration. Quel honneur, après ces années de combat en faveur de Jérusalem, que d’inviter au Consistoire et de recevoir Moshé Leon, le maire de la capitale d’Israël, venu pour inaugurer, aux côtés d’Anne Hidalgo, la place de Jérusalem !

C’est le sens de tous mes engagements pour vous : aller au bout, réaliser, transformer une idée en projet et un projet en réalisation concrète. Être un leader communautaire présent, c’est comme vous le savez si bien, avoir plus que des idées, c’est trouver et se donner les moyens de les rendre réelles, de finaliser des projets en réalités concrètes et tangibles pour le quotidien des Juifs, pour notre institution comme pour notre société et ses relations avec Israël. Au service de la communauté, le Consistoire vieille jalousement sur l’identité juive française dans l’ancrage européen, qu’il s’est donné pour mission de sauvegarder et de transmettre.

Dans un monde où tout n’a de cesse de changer, le Consistoire constitue un repère stable et permanent. Présent sur tous les fronts, il détient l’expérience et l’expertise nécessaire pour apporter à notre communauté, comme à notre pays, plus qu’un espace de questionnement et de réflexion, un éclairage particulier sur notre société, une vision originale nourrie du message universel dont les juifs portent le témoignage depuis leur alliance originelle.

Nous devons tous être conscients du rôle qui est le nôtre face aux enjeux auxquels nous sommes et serons tous de plus en plus confrontés. Nous nous devons de répondre présents aux défis qui se présentent à nous. Nous avons le devoir de rapprocher et de rassembler dans nos communautés toutes celles et ceux qui sont à la recherche de leurs racines.

J’en ai fait mon objectif, mon impératif moral et comme tous ceux qui doivent assumer ce qu’ils ont commencé, j’ai répondu présent. Présent pour les Juifs de France. Présent pour le Consistoire. Présent pour finaliser le concept du CEJ, car si le Consistoire s’installe au CEJ, il ne s’agit pas d’un simple changement d’adresse. Ce n’est pas non plus une fin en soi mais un tournant véritable et le début d’une nouvelle dynamique, celle de donner à chaque juif la conscience aiguë de sa judéité à transmettre.

Bonne et heureuse année 5780 !

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