7ème séminaire des dirigeants communautaires

Le « millésime » 2018 du Séminaire national des dirigeants communautaires fut sans conteste un grand cru. D’abord en raison de son audience (plus de 220 inscrits venus de toutes les régions de France), de la qualité des intervenants inscrits au programme, du thème choisi : « Nouveaux défis d’une communauté en questionnement », sans oublier le nouveau cadre hôtelier (après 6 éditions hébergées à Coudray-Monceau) au milieu de l’écrin forestier de la région de Fontainebleau magnifié par un manteau de neige abondant.

Comme chaque année, l’évènement débuta dans le lobby de l’hôtel par la joyeuse séquence des retrouvailles entre les dirigeants et militants de communautés venus de toute la France : congratulations affectueuses, apostrophes enthousiastes, plaisanteries de circonstance…, sachant que nombre des présents se connaissent bien et reviennent d’année en année pour retrouver des amis et tremper leur fibre militante dans le bain de jouvence du week-end consistorial.

Après l’accueil du chabbat, vinrent les mots de bienvenue du président Joël Mergui dont la bonne humeur communicative instaura d’emblée une ambiance chaleureuse propice au bon déroulement d’un programme studieux et intensif. Il présenta le programme du séminaire, son esprit, ses objectifs, et rendit hommage à l’ensemble des participants, en particulier les provinciaux venus de loin, pour l’effort consenti en quittant leurs repères familiers et leurs communautés en vue d’aller à la rencontre de l’autre, de renouer avec la grande famille consistoriale et de se ressourcer en prenant la hauteur nécessaire à une réflexion de fond sur les enjeux communautaires que sont notamment l’Alya interne, la relève communautaire, les chantiers du Consistoire, avec en premier lieu le Centre Européen du Judaïsme et la lutte contre l’antisémitisme et sa forme contemporaine l’antisionisme. Il donna ensuite le coup d’envoi à la très attendue séance de présentation des participants.

Comme chaque année, c’est au grand rabbin de Paris, M. Michel Gugenheim, qu’échut vendredi soir la tâche d’ouvrir le ban des conférences du séminaire. Il commenta la fin de la sidra Michpatim (chapitre 24) qui relate l’ascension de Moïse et des anciens au mont Sinaï et leur contemplation de la Gloire divine. Il fit un rapprochement analytique entre trois sources différentes :

1) Les versets de la sidra (Exode XXVI, 5-11) : « Il (Moïse) envoya les jeunes gens des Enfants d’Israël pour offrir des holocaustes…. Et Moïse monta, ainsi qu’Aharon, Nadav et Avihou et soixante-dix parmi les anciens d’Israël. Ils virent le D-ieu d’Israël et sous Ses pieds était comme l’œuvre d’une brique de saphir et comme le fond du ciel dans sa pureté ».

2) Pour expliciter la notion de « brique de saphir », le Targum Yonatan rapporta qu’une femme israélite enceinte, réduite en esclavage, perdit son fœtus au cours de ses travaux forcés, lequel tomba dans l’argile de la brique qu’elle était en train de fabriquer et y fut englouti. Au vu de ce drame l’ange Gabriel se saisit de cette brique et la présenta devant le Saint-Béni-soit-Il qui la posa à ses pieds pour avoir en permanence Son attention fixée sur la souffrance des Enfants d’Israël jusqu’à leur sauvetage d’Egypte.

3) Enfin le verset XV du Psaume 91 énonce : « Il (Israël) m’invoque et je lui réponds, avec lui Je suis dans la souffrance, Je le sauverai et l’honorerai ».

Le grand rabbin de Paris articula ensemble ces trois citations pour démontrer que par le mérite des sacrifices de la jeunesse, par la fraicheur de leur engagement, par la pureté de leurs forces vives (encore préservées des penchants charnels), Hachem se tient indéfectiblement aux côtés des Enfants d’Israël dans leurs souffrances.

S’ensuivit la communication de M. Michel Gurfinkiel, journaliste à Valeurs Actuelles et administrateur du Consistoire, qui aborda la délicate question du dialogue interreligieux en ouvrant son propos par quelques anecdotes (vécues) tirées de ses relations personnelles avec des représentants des autres cultes. En pointant les points communs de ces différentes expériences, il parvint à deux conclusions : tout d’abord que les tenants des grandes religions monothéistes ont pleinement conscience au fond d’eux-mêmes que le judaïsme est leur socle commun et donc la source incontestable de leurs valeurs et de leurs croyances respectives. Et il apparaît de surcroît que lorsque les valeurs du judaïsme sont affirmées clairement et avec conviction, elles suscitent un respect profond qui peut servir de base à un dialogue interreligieux sincère et fécond.

La conclusion de la soirée revint à M. Daniel Haïk, analyste politique à I24news, rédacteur en chef de Haguesher, et grand habitué du séminaire consistorial, sur le thème : « Au-delà de la motivation sioniste, l’attractivité d’Israël pour les Olim de France ». Il analysa le lien mystique entre l’Alya française, dont l’apport qualitatif est particulièrement apprécié des israéliens, et la reconnaissance internationale de l’expertise d’Israël, que ce soit dans la haute technologie, dans la sécurité et la lutte antiterroriste, ou encore dans le domaine de l’écologie avec la lutte contre la désertification.

Au terme de l’office du chabbat matin, animé par la fougue de David Amar président de la synagogue ACIP 16 de concert avec des jeunes de la Hazac, les participants au séminaire eurent le plaisir d’accueillir Mme Anne Hidalgo, maire de Paris, venue spécialement à travers neige et verglas pour s’adresser aux dirigeants communautaires. En réponse aux mots de bienvenue du président Joël Mergui, qui rendit hommage à la constance de son soutien au judaïsme parisien, elle réaffirma son attachement à la communauté juive en rappelant notamment l’ancienneté de sa présence à Paris et ses innombrables contributions à la ville lumière et à la nation : « sans les Juifs, Paris ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. »

En conclusion du déjeuner de chabbat, en présence de Mme Anne Hidalgo, promue «  séfarade d’honneur » par le Président Joël Mergui, la parole fut donnée à l’experte en éducation, Mme Josiane Sberro, auteur de l’exposition itinérante  «  A la recherche du judaïsme » présentée dans le cadre du séminaire sur le thème : « Les outils d’une pédagogie sur le judaïsme et Israël » (mise à la disposition de toutes les communautés qui le souhaitent). Elle expliqua son combat mené depuis 35 ans, avec son défunt époux, Raoul, fondateur avec elle de la communauté d’Ermont-Eaubonne-St-Leu, pour faire connaître au public le plus large, souvent hors communauté, les fondements du judaïsme, ses sources bibliques et rabbiniques, son histoire, et la richesse de ses traditions et de sa culture. Enthousiasmé par son parcours exceptionnel, sa force de conviction, et son activité militante (une centaine d’expositions à travers la France), l’auditoire lui réserva l’honneur assez rare d’une standing ovation.

Après l’office de Minh’a, assuré par les jeunes de la Hazac, une demi-douzaine d’entre eux emboitèrent le pas au grand rabbin de Paris en s’illustrant à tour de rôle par une série de « Divré-Thora » (commentaires de la sidra).

A la sortie de chabbat, le président Joël Mergui ouvrit la soirée par un hommage appuyé au ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, invité d’honneur du dîner avec M. Arié Déry, ministre israélien de l’Intérieur et du développement du Néguev, en présence M. Haïm Korsia, grand rabbin de France, S.E. Mme Aliza Bin Noun, Ambassadrice d’Israël en France, Mme Béatrice Abollivier, préfète de Seine-et-Marne, M. Meyer Habib, député.

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Dans son allocution d’accueil Joël Mergui a rappelé l’attachement des juifs français à leur pays et leur lien indéfectible à Israël, deux affinités électives parfaitement compatibles et jamais contradictoires. « Face ou terrorisme, face à la haine et à la menace, a t-il également déclaré aucun juif n’a renoncé et aucun juif ne renoncera. Aussi longtemps que les pouvoirs publics, le Président de la République, le premier Ministre et le ministre de l’Intérieur en charge de notre sécurité montreront leur intérêt et leurs préoccupations pour accompagner les projets de la communauté, nous aurons le devoir de résister et de continuer à développer notre communauté dans ses structures. » C’est en ce sens – et comme un signal fort a t-il souligné – qu’il faut interpréter la pose de la première pierre du Centre Européen du Judaïsme il y a deux ans, tout en soulignant combien le Consistoire reste vigilant sur toutes les questions liées aux libertés religieuses comme sur Jérusalem, capitale d’Israël.

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Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, tint à saluer la somme considérable de travail et d’engagement des dirigeants communautaires qui, à travers toute la France, donnent vie quotidiennement au judaïsme. Il se montra adepte d’une conception ouverte de la laïcité qui permet aux forces spirituelles d’un pays de participer à l’espérance collective. En faisant référence à la section hebdomadaire de la Thora, Michpatim, lue le matin même dans nos synagogues, il rappela que toute communauté humaine ne peut se fonder que sur des lois, mais des lois qui consistent à mettre des contenus concrets dans de grandes idées. En citant l’artiste Georges Braque : « j’aime la règle qui corrige l’émotion », il expliqua que c’est bien la loi qui donne à chacun son cadre et son espérance.


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Concluant la série d’interventions, M. Gérard Collomb s’est engagé à rester fidèle à l’esprit originel de la loi de 1905 qui conçoit la laïcité comme une loi de liberté, celle de : «  croire ou ne pas croire pourvu que l’on ne nuise pas à l’ordre public. C’est exactement comme ça, a t-il déclaré qu’il faut appliquer la laïcité. » Devant l’augmentation des actes antisémites – dont l’assassinat de Sarah Halimi est un exemple dramatique et la  persistance de la menace terroriste -, M. Gérard Collomb s’est engagé à suivre positivement la demande du Président du Consistoire, de prolonger particulièrement durant les fêtes le dispositif Sentinelle de protection des lieux de vie juif, dont la sécurité a t-il assuré est une des préoccupations essentielles du gouvernement. « Je ne veux pas qu’aujourd’hui en France les juifs de France soient agressés, assassinés parce qu’ils sont juifs (…) la République ne saurait accepter de tels crimes sans renoncer à elle-même. S’attaquer à un juif c’est s’attaquer aux valeurs de liberté, d’égalité de fraternité, qui sont le ciment de notre nation. S’attaquer à un juif c’est s’attaquer à la France.  (…) Nous voulons que toutes les communautés dans notre pays puissent vivre dans la paix, non pas d’un point de vue théorique mais d’un point de vue pratique (…) il faut appliquer partout la Loi car quand la Loi n’est plus appliquée alors c’est la loi du plus fort.»

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En visite privée en France, Arié Déry qui a pu s’entretenir avec son homologue français à cette occasion a déploré la violation de l’espace aérien israélien par un drône espion iranien la veille expliquant que la volonté de paix d’Israël ne peut tolérer la mise en danger de ses citoyens. Il s’est engagé le lendemain matin lors d’un échange avec les dirigeants communautaires à accompagner la communauté juive française et l’installation autant que l’intégration de ceux qui souhaitent construire un projet de vie en Israël, où vivent aujourd’hui près de 120 000 français. Les juifs français souhaitent conserver, légitimement a t-il déclaré, leur culture et son organisation jusque dans les synagogues et sont aussi très attachés à leur système d’éducation particulier qui n’existe pas en Israël. Il a également bien pris note des demandes de Joël Mergui de mettre en place une structure qui permette de conserver un lien étroit entre le judaïsme français et les juifs français installés en Israël.

Il donna en exemple son initiative de remplacer un élu municipal de Jérusalem appartenant à son parti (Shass) par un leader francophone particulièrement actif, M. Yoël Marciano, dans le but de promouvoir une meilleure intégration des Juifs de France. Selon lui la première condition à remplir pour aider la Aliya de France c’est de pouvoir s’appuyer sur un leadership fort et unifié de cette communauté. En réponse à des questions d’ordre sécuritaire, il déplora la fréquence des attentats terroristes qui, hélas, ne faiblissent pas. « Les offensives terroristes organisées et planifiées qu’on parvenait généralement à mettre en échec, ont laissé la place à des agressions individuelles nettement plus difficiles à prévenir et à déjouer. Cependant nous avons un sujet de satisfaction sur le plan extérieur, c’est le niveau de coopération sécuritaire entre Israël et des pays européens, notamment la France. Le ministre de l’intérieur français a reconnu lui-même que le renseignement israélien a permis de déjouer quantité d’attentats dans ce pays. »

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M. le préfet Frédéric Potier, directeur de la DILCRAH présenta ensuite son activité à la tête de la Direction Interministérielle de Lutte Contre le Racisme et l’Antisémitisme – rattachée directement au cabinet du Premier ministre, accompagné du sous-préfet de Fontainebleau, M. Jean-Marc Giraud. Si une partie de l’activité de M. Frédéric Potier consiste à financer des projets de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (600 pour l’année 2017) il lui appartient surtout de surveiller, dénoncer et lutter contre les préjugés et les actes discriminatoires. La DILCRAH intervient directement sur le terrain de l’activisme de la haine raciale et antisémite, du négationnisme et du complotisme.  Elle identifie et demande la suppression des sites web et tweets antijuifs (ex. Alain Soral, Hervé Ryssen…). Elle agit également dans la formation de policiers et de gendarmes en vue d’une meilleure connaissance du judaïsme et d’autres minorités religieuses. C’est la DILCRAH qui est notamment intervenue récemment  pour alerter le gouvernement sur le projet de publication des pamphlets antisémites de L.F. Céline, ou l’inscription de Charles Maurras dans la liste des commémorations nationales. Pour conclure Frédéric Potier incita les responsables communautaires présents à lui présenter des projets d’actions en rapport avec la vocation de son ministère.

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L’intervention de M. Jérémie Berrebi, était particulièrement attendue du public. Conseiller numérique, Investisseur (dans plus de 300 start-ups), cofondateur de 12 entreprises (dont Leetchi, iAdvize, Developers Institute…), bénéficiant dans son domaine d’une aura internationale, ce jeune français d’un milieu traditionaliste qui grandit dans le 19e arrondissement avant de faire son Alya vint spécialement d’Israël le matin même, à la demande du président Mergui, pour passer quelques heures avec les dirigeants communautaires réunis dans le séminaire… et repartir. Installé en Israël depuis dix-huit ans, profondément engagé dans l’étude et la pratique juives orthodoxes ainsi que dans la diffusion de la Thora, il a délivré un certain nombre de messages éthiques et religieux qui lui tiennent particulièrement à cœur.

Florilège de règles de vie et de conseils pour les dirigeants communautaires comme par exemple cette idée que les Juifs ont un devoir d’optimisme inhérent à leur foi ; qu’il ne faut jamais se contenter de pratiquer les commandements par habitude et coutume mais qu’il faut les connaître et les étudier ; qu’il ne faut jamais craindre de défendre ses valeurs première condition pour se faire et les faire respecter ; éviter de se considérer comme une communauté assiégée par les antisémites même s’ils sont nombreux et aller de l’avant, dans cet esprit l’antisémitisme ne doit pas occuper plus de 5% de notre temps, et 95% doit être dédié à la construction de notre judaïsme ; on ne peut pas aller le matin à la synagogue, mettre les téfilin et aller ensuite à son bureau pour transgresser les principes d’éthique juive élémentaires ; le plus grand ennemi du judaïsme, c’est la paresse. Voilà pourquoi il ne cesse partout d’appeler à l’organisation de cours, comme de rappeler la place essentielle des femmes dans la synagogue et dans le judaïsme. Un échange nourri de questions-réponses s’instaura pendant le déjeuner de clôture entre Jérémie Berrebi et son auditoire qui, s’il ne partageait pas toujours l’ensemble de ses positions, respectait sa sincérité et la force de son engagement religieux.

Joël Mergui a conclu ce séminaire de travail par un message d’encouragement à continuer les actions en faveur de la communauté tout en remerciant les directeurs des Consistoire de Paris et du Consistoire Central, Albert Myara coordinateur de ce séminaire, l’ensemble du personnel et pour leur participation tous les administrateurs du Consistoire de Paris venus très nombreux avec une attention particulière pour les jeunes, les dames ainsi que David Amar et Jack-Yves Bohbot pour leur brillante réélection.