L’Histoire de notre Centre Communautaire

1 9 3 3 : LA PENSION ZYSMAN

C’est aussi le petit train de la Bastille qui favorise l’installation des maisons d’enfants juifs à La Varenne.

La pension ZYSMAN dite  » la maison des enfants heureux  » est sans doute la plus célèbre. Elle est créée en 1933 par Sarah et Isaak ZYSMAN au 57 rue Georges Clemenceau et reçoit de nombreux enfants qui se souviennent encore de Louise & Pierre et de celle dont ils parlent encore affectueusement  » Mademoiselle Fanny « .

Une trentaine d’enfants y séjournent en permanence et reçoivent le dimanche la visite de leurs parents qui viennent par le petit train dont les arrêts correspondent aux actuelles stations du RER.
Lazare DOMNIEZ, ancien maire adjoint de Saint-Maur, évoque le souvenir de cette pension, appelée « La Maison des enfants heureux », où il vécut enfant : elle était le dimanche le lieu de rendez-vous des parents qui venaient y passer la journée avec leurs enfants. Le bord de Marne était une promenade, les canots à rames animaient le paysage, les saules pleureurs apportaient leur charme romantique au rivage, les artistes fixaient sur leurs toiles l’atmosphère heureuse qui s’en dégageait (…) »

« (…) une trentaine de petits pensionnaires y séjournaient constamment, permettant ainsi à leurs parents de travailler. Fanny, la monitrice, consacrait tout son temps et sa vie aux enfants (…)

Nathan Domniez entra dans la Résistance. Arrêté, il fut déporté sans retour.

Les années passaient, les enfants grandissaient et prenaient leur envol, d’autres les remplaçaient. Leurs parents, qui leur rendaient visite le week-end, devaient prendre le train à la petite gare de la Bastille, en direction de La Varenne, village verdoyant, sous le soleil qui répandait une atmosphère chaleureuse. Chaque dimanche le parc était animé par des familles qui y déjeunaient à la grande table d’hôtes. Ainsi se déroulait, heureuse, la vie. »

1 9 3 4 : L’ORPHELINAT DU 30 RUE SAINT HILAIRE

Revenons à la communauté juive du marais qui a en charge des petits orphelins placés chez des nourrices, à la campagne. Quand leur nombre devient plus important, les responsables communautaires pensent qu’il serait sage de les regrouper sous un même toit afin d’assurer leur éducation dans une ambiance chaleureuse.

Il sera ainsi plus facile de suivre leur scolarité et leur éducation religieuse dans de bonnes conditions.

Pour agencer la maison acquise en 1929 au 30 rue Saint-Hilaire à La Varenne et réunir les fonds nécessaires, les dirigeants de la communauté du marais font appel à la générosité de donateurs, ils organisent des soirées de bienfaisance, des quêtes, des spectacles.

C’est ainsi que la solidarité est mise à contribution et que la réalisation de ce projet devient possible.

L’orphelinat est inauguré en 1934. Il compte dans son comité d’honneur trois Ministres et trois Grands Rabbins : Julien Weill, Maurice Liber et Eisensttadt.

Parmi les premiers donateurs on trouve les noms de Joseph Kessel, Racheline et Badinter.

Cette maison garde le nom de  » Beiss Yessoïmim (4) »jusqu’en 1952 date à laquelle elle devient  » la Maison Communautaire « , Le Centre Hillel.

Elle aura recueilli au total 200 enfants dont 40 à 60 qui y séjournaient de façon permanente.

1940 – 1944 : DEPORTATION DES ENFANTS DE LA VARENNE

Pour évoquer de façon plus détaillée cette période tragique durant laquelle 28 enfants juifs furent déportés de La Varenne et assassinés à Auschwitz avec les 6 membres du personnel de l’orphelinat et de la pension Zysman, nous citons quelques extraits du livre :

Les Orphelins de La Varenne 1941-1944

Le Vieux Saint-Maur

 Dans la préface de ce livre, André Kaspi, saint-maurien, professeur à la Sorbonne, évoque ces circonstances :

« Dans la dernière semaine de juillet 1944, les Alliés progressent en Normandie. Caen est libéré. Les Allemands viennent d’abandonner Saint-Lô. Les troupes du général Omar Bradley s’apprêtent à lancer l’opération Cobra qui aboutira… à la libération de Paris.

C’est l’été des grandes espérances.

Mais du 20 au 24 juillet, en pleine nuit, le capitaine SS Aloïs Brunner, chargé des questions juives de la région parisienne , fait arrêter 250 enfants. Entassés dans des autobus ,ils sont transférés à Drancy. Le 31 juillet, ils partent, 60 par wagons, « vers l’Est », à Auschwitz- Birkenau, dont aucun ne reviendra »

Ils vivaient dans des orphelinats à Paris ,à Montreuil, à Louveciennes, à Neuilly, à Vincennes, à Saint-Mandé, à La Varenne Saint-Hilaire…

Le Groupe Saint- Maurien Contre l’Oubli a voulu rappeler leur souvenir ».

L’idée principale du livre est ainsi exprimée :

A La Varenne, il y avait un Orphelinat et une pension d’enfants juifs.

Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944, sur l’ordre du capitaine S.S Aloïs Brunner, 28 enfants y furent arrêtés.

Après un réveil brutal, ces enfants âgés de 4 à 11 ans, furent précipités dans des autobus avec baluchons et matelas, puis conduits à Drancy.

Dans ce camp de la région parisienne, ils vécurent d’horribles journées d’angoisse avant d’être acheminés le 31 juillet 1944 par le convoi n° 77 vers Auschwitz, dans des wagons à bestiaux.

Après un épouvantable voyage de deux jours et demi, entassés dans le noir, apeurés, assoiffés, suffocants, ils arrivèrent à Birkenau à moitié nus et sans chaussures pour la plupart. A leur descente, ils furent immédiatement envoyés à la chambre à gaz et ne revinrent jamais.

LA DEPORTATION DES ENFANTS

La rafle du 22 juillet 1944 à La Varenne :

> A la Pension Zysman, 57 rue Geoges Clemenceau :

 » Louise nous renseigne encore sur le déroulement de la rafle. Mise au courant par des amis, elle se précipite à la pension pour y découvrir la catastrophe et apprend le film des évènements par une voisine habitant le pavillon contigu. Vers quatre ou cinq heures du matin, cette dame avait été réveillée par le bruit de véhicules freinant devant sa maison : trois autobus.

Deux Allemands en uniforme et des civils à leurs ordres avec brassard étaient présents. On conduisit les enfants et le personnel de la pension au premier autobus. On jeta par les fenêtres, matelas, couvertures, linge que l’on entassa dans les deux autobus suivants. On y empila de la vaisselle. Les dix enfants, deux membres du personnel, la cuisinière : Lucie Lithuac, 47 ans et mademoiselle Lévy directrice du foyer furent internés à Drancy.

> A l’orphelinat : 30 rue Saint-Hilaire :

La rafle frappe en effet l’Orphelinat la nuit même où elle s’abat sur la pension Zysman. Elle se produit dans un climat de plus grand effroi : l’Orphelinat est cerné et les S.S ordonnent son évacuation, mais les enfants, gagnés par la panique, refusent de descendre. Alors les SS, pour montrer leur détermination tirent sur la façade à l’arme automatique.(La trace des balles marqua le bâtiment jusqu’à sa destruction en 1982).

Dix-huit enfants terrorisés sortent de l’Orphelinat. On les fait monter dans un autobus, ainsi que cinq femmes membres du personnel. Cependant, l’une d’elle persuade les Allemands qu’elle n’est pas juive. On l’autorise à partir.

Enfants juifs raflés entre le 20 et le 24 juillet 1944 et déportés à Auschwitz.

Drancy

Les enfants raflés à La Varenne, ainsi que ceux pris dans les autres foyers de la région parisienne, sont conduits au camp de Drancy.

Un interné, André Warlin, raconte dans son livre l’Impossible Oubli (1), l’arrivée et le séjour des enfants :

 » Par une nuit claire, étoilée, nous distinguons de loin, le bruit des autobus qui se succèdent à une cadence rapprochée, les coups de sifflet annonçant les arrivées. Les autobus arrivent les uns après les autres. Nous ne voyons pas tout de suite les nouveaux arrivants. Mais bientôt, à notre effroi indescriptible, nous entendons les voix pétillantes et jacassant de petits enfants tout seuls sans père ni mère. Il y en a de tout petits de deux ans qui traînent leur misérable baluchon. Ils pleurent. Ils n’ont pas eu le temps de s’habiller, on les a arrachés de leur lit, les bousculant.

Çà et là, une femme les accompagne, les traînant à ses trousses, les poussant devant elle.

On les parque dans les escaliers vides, improvisant des couches pour eux, les tassant à plusieurs dans les lits infestés de punaises. Le camp entier est en émoi (…)

Le lendemain, disciplinés, sages, ayant l’habitude d’obéir, de souffrir, ils vont tous en rang au réfectoire, tenant dans leurs petites mains des bols trop grands, et jouant avec leurs cuillères. Ceux de cinq ans s’occupent de ceux de trois ans. Du reste, ils sont mûrs et savent s’adapter. Ils connaissent la vie, la persécution, la souffrance. Ils ont été séparés de leurs parents, le plus souvent déjà déportés, la plupart lors de la rafle du Vel ‘d’Hiv. Ils savent qu’ils sont juifs, c’est même la seule chose qu’ils savent, ignorant souvent jusqu’à leur nom. Ils savent qu’ils sont en danger, ayant entendu parler depuis leur naissance des camps de la déportation. Tout petits, ils ont l’instinct de conservation comme des petits animaux. Ils essaient de fuir le danger. On en retrouve un dans une niche de chien. « Je veux être un chien, » dit-il  » puisque les chiens ne sont pas déportés ».

Le Convoi n° 77 du 31 juillet 1944

Dans son Calendrier (2), Serge Klarsfeld indique que le convoi du 31 juillet 1944 comprenait 1300 personnes, dont 270 enfants et adolescents de moins de 18 ans. Ce fut le dernier convoi important. Il y avait 60 enfants par wagon… wagons à bestiaux, bien entendu, et cadenassés. Un seul pot d’eau potable, et deux ou trois adultes pour subvenir aux besoins des petits…

Denise Holstein raconte le voyage (3) :

« La première journée ne fut pas trop terrible, mais le soir, lorsqu’il fallait coucher tous les enfants dans le noir, les cris commencèrent, nous ne pûmes pas dormir une seule minute: les enfants avaient chaud, ils avaient soif, et l’air venait à manquer, les ouvertures étant toutes petites…

malgré tout, le moral était bon, il le fallait, nous avions les enfants, et nous n’avions pas à nous lamenter. Nous chantions des chants de route et d’espoir. Le voyage dura deux jours et demi et ce fut le commencement de la souffrance… Nous ne pouvions plus rien avaler, nous avions si soif ! »

2-Serge Klarsfeld : « Le Calendrier de la persécution des juifs de France 1940-1944 » édité par l’Association des Filles et Fils de Déportés Juifs de France.

3- Dans la brochure « Louveciennes se souvient des enfants juifs » Page 15, édition de 1990

De 1942 à 1944, en France 11 000 enfants subirent le même sort. Dans le même temps, 70 000 survécurent grâce à la solidarité et à l’aide d’hommes et de femmes qui s’opposèrent courageusement à ces  » Crimes contre l’humanité « .

De ces enfants il ne reste rien
Qu’un nom sur une plaque
Une sépulture dans nos mémoires.
Prolonger le « devoir de mémoire » et rendre hommage.

La communauté de la Varenne Saint Maur avec l’aide de plusieurs personnes cultive ce devoir de mémoire et développent des actions afin que « nul n’oublie ».

Toute l’histoire de notre communauté nous a été décrite par Monsieur Michel DLUTO Président de la communauté de la varenne (2002 à 2022)

Yom Ha Shoah.
Jour commémoratif d’un assassinat programmé
Jour du refus de l’oubli
Jour du refus du déni
Jour de souvenances.

Jour de recueillement consacré au devoir de mémoire
Jour du rappel d’un vécu de morts-vivants
Jour dédié aux déportés vers la mort en partance
Jour de reconnaissance.
Jour arrêté comme autant de vies brisées
Jour célébré par tout un peuple à travers le monde entier
Jour de mauvaise bonne conscience
Jour d’émotion intense.
Jour marqué d’une petite pierre si dense
Jour presque comme les autres
Jour dérisoire
Jour mieux que pas de jour
Jour de mieux que rien
Jour de folle exigence
Jamais jour de vengeance
Jour minute de silence.

Raymonde Lederer Samet  »Tribune JUive)